Les réseaux sociaux dans le débat sur les îlots stratégiques de Tiran et Sanafir

C’est l’histoire de deux ilots inhabités, Sanafir et Tiran, situés en mer rouge. Ils font tous les deux 113 km² et contrôlent l’entrée du Golfe d’Aqaba et donc du port israélien d’Eilat. La fermeture du détroit de Tiran par Nasser avait provoqué la guerre de 1967 avec Israël qui les a occupées jusqu’au traité de paix avec l’Egypte. Aujourd’hui, Tiran est occupée par « la force multinationale ». La cession par le Président al-Sissi de ces deux ilots à l’Arabie Saoudite en avril 2016 et l’annulation en janvier dernier par la justice de cette décision interpellent plus qu’un d’autant plus que le positionnement stratégique de ces deux ilots est indéniable.
Il est clair que le changement ne pourra impacter que les intérêts israéliens. Les positions de l’Arabie Saoudite restent officiellement fermes envers Israël, quoiqu’une alliance se dessine discrètement contre l’influence iranienne et les Houthis au Yémen. D’une part, l’administration des deux ilots par l’Arabie Saoudite rendra obligatoire le passage des expéditions maritimes par les eaux saoudiennes. Et d’autre part, le projet pharaonique que compte lancer l’Arabie Saoudite ne servira pas les intérêts commerciaux d’Israël. En effet, le pays compte construire un pont de 32 km le reliant à l’Egypte par-dessus le Golfe d’Aqaba. Pour Israël, les 98% de son commerce extérieur passent par les ports. La passation des ilots à l’Arabie Saoudite rendra difficile le commerce israéliens notamment avec les pays asiatiques et de l’Afrique de l’Est. A travers celui d’Eilat, le seul qui n’est pas sur la façade méditerranéenne, Israël exporte principalement le phosphate et le potasse depuis son terminal d’engrais vers l’extrême Orient, et importe environ 50% de ses véhicules. Le port a été récemment privatisé pour relancer le trafic des containers qui a perdu son activité depuis 1990.



La cession a provoqué un tollé de contestation en Egypte tant sur les médias classiques, assez contrôlés, que sur les réseaux sociaux. Ces derniers sont qualifiés en Egypte de « vrai parlement » car ils sont capables de relayer la voix des millions d’égyptiens : 20 millions de comptes Facebook et 28% de l'ensemble des tweets africains en 2015. Ces réseaux sociaux sont pris très au sérieux par le pouvoir. N’oublions pas qu’ils ont joué un rôle majeur dans l'organisation des protestations qui ont conduit au renversement de Moubarak en 2011. A cet effet, de nombreux députés proches du pouvoir ont appelé à l’élaboration d’un projet de loi pour interdire Facebook. Pour le rare de fois que la décision du pouvoir soit contestée, l’opération de cession a provoqué un mouvement propulsé par des juristes et des anciens militaires confirmant avec documents à l’appui que les deux ilots sont bien égyptiennes et que la cession ne peut se faire sans référendum. Le plus frappant est que le pouvoir était absent de ces discussions. La vérification de ces comptes pourrait s’avérer fastidieuse mais si ces comptes n’étaient pas forcément qu’égyptiens ?