Les manœuvres informationnelles d’Exxon sur la question du climat et de l’écologie

A l’heure où Donald Trump s’apprête à remettre en cause la politique environnementale menée par son prédécesseur en autorisant la réalisation de divers projets controversés comme les oléoducs de Keystone XL et Dakota Access, la société pétrolière ExxonMobil se livre à un bien étrange exercice de lobbying.

Exxon prône la validation par Washington des accords de la Cop 21
Le géant pétrolier américain a décidé de faire pression sur Donald Trump pour le dissuader de désengager les Etats-Unis d’Amérique des accords de la COP21. En effet, durant la campagne présidentielle américaine, le gagnant de la primaire républicaine n’avait pas caché son hostilité envers les Accords de Paris sur le climat, sous prétexte que la théorie du lien de causalité entre l’activité humaine et le changement climatique n’étaient qu’une supercherie orchestrée par la Chine dans le but de menacer la compétitivité des industries américaines.
Ce lobbying est en voie de porter ses fruits, d’autant plus que l’ancien PDG d’ExxonMobil, Rex Tillerson, n’est autre que le nouveau Secretary of State (l’équivalent américain du Ministre des Affaires Etrangères) de Trump. Mais quel est l’intérêt pour ExxonMobil, premier pétrolier américain, de défendre la cause écologique alors qu’elle était l’un des détracteurs historiques du lien de causalité entre activité humaine et réchauffement climatique ?

L’abandon du charbon
Ce changement de stratégie a un double intérêt pour ExxonMobil. D’une part sur le plan sociétal : il s’agit de détourner l’attention du public de la campagne #ExxonKnew selon laquelle l’entreprise dissimulait depuis plusieurs décennies des études scientifiques démontrant l’effet des émissions de carbone sur le climat. Par conséquent, les juridictions de plusieurs états américains, dont la Californie et New York ont ouvert des enquêtes pour fraude et tromperie envers les investisseurs. Autant dire que l’enjeu financier est considérable et qu’Exxon cherche à « verdir » son image (le « greenwashing ») vis-à-vis d’un certain nombre d’actionnaires institutionnels exigeants en termes de responsabilité sociale et environnementale.
Le deuxième intérêt est purement économique : ce virage à 180 degrés s’inscrit dans un changement de stratégie énergétique globale de l’entreprise. A partir de 2009, ExxonMobil a totalement abandonné son a activité d’extraction de charbon en faveur d’investissements dans le pétrole de schiste américain alors que le pays connait un boom des forages.

Mais Exxon continue à miser sur le gaz de schiste
Exxon est désormais le premier producteur de pétrole de schiste du pays et l’une de ses sources principales, le très prometteur Permian Basin de l’ouest du Texas est le deuxième gisement pétrolier du monde après celui de Ghawar en Arabie Saoudite. Cette « révolution » du pétrole de schiste a hissé les Etats-Unis au troisième rang des producteurs d’hydrocarbure au monde. La promesse récente d’Exxon de doubler la production intérieure grâce à de nouveaux forages les placerait en tête, devançant même l’Arabie Saoudite. Ce sursaut de production se révèle être un levier vital dans la guerre des prix du pétrole que les Etats-Unis mènent contre l’OPEC.
La position d’ExxonMobil en faveur des accords de la COP21 couplée au faible prix du pétrole et du gaz de schiste permettrait ainsi à Exxon d’écraser la concurrence de l’industrie du charbon, assurant ainsi la domination de l’hydrocarbure comme seule source d’énergie fossile dans le mix énergétique américain.