L’indépendance numérique : quand la France n’est plus maîtresse de ses propres débats
L’impardonnable deuxième fois
La question de l’indépendance numérique n’en est pas à sa première mort chez les décideurs politiques. La première émergence de ce débat remonte au Plan Calcul initié par le général de Gaulle, qui – pour rappel – était un plan gouvernemental français lancé en 1966 dont l’objectif était d’assurer l’autonomie du pays dans les technologies de l’information d’abord, et de développer une informatique européenne ensuite.
Si son échec était alors dû à des désaccords profonds parmi les acteurs économiques et politiques à tous les niveaux de l’époque, nous ne possédons pas pareille excuse aujourd’hui. Avec les affaires Snowden, Wikileaks et Stuxnet, le débat sur notre indépendance dans l’espace numérique s’était rouvert, devenant incontournable, et amplifié par la situation générale de ce début d’année 2017 rendant la discussion inévitable, alors que l'Europe se distance des puissances numériques qui étaient ses anciens alliés (Etats-Unis, Royaume-Uni) et que les autres grandes puissances (Russie, Chine) développent des outils numériques offensifs (cyberguerre) et défensifs (réseaux informatiques nationaux), servant à terme à assurer leur propre autonomie.
De l’échec du débat, à l’impuissance des présidentiables
La France est à la croisée des chemins en cette période d’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, dernière chance qu’a la France de retrouver sa Puissance. Opposant deux courants politiques radicalement divergents, le débat dispose véritablement de toute la matière requise pour adresser la question de l’indépendance numérique du pays. Hélas, les candidats ont manqué à leur devoir envers les Français et n’ont à ce jour pas avancé les solutions ou les mesures [propres à leurs courants politiques] qu’ils se devaient de proposer aux électeurs.
En effet d’un côté se trouve le centre d’Emmanuel Macron, candidat « de la dynamique de l’innovation », qui prône notamment l’ouverture ainsi que la libéralisation des échanges et des marchés. Se disant progressiste, il insiste fortement sur l’importance toujours croissante du numérique dans la vie quotidienne des citoyens ainsi que pour l’avenir des industries Françaises avec ses « Usines du Futur ».
De l’autre côté, l’alliance entre Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan. Là où madame Le Pen se dresse en Firewall des frontières de la France, en protecteur de sa culture ainsi qu’en défenseur de son peuple et de ses intérêts face aux menaces extérieures, monsieur Dupont-Aignan se voulait très porté sur l’avenir du pays et insistait fortement sur son besoin de se tourner plus avant vers les technologies du numérique.
Pourtant la question de l’indépendance numérique de la France est la grande absente des débats et interviews politique de l’entre-deux-tours. Si la Puissance de la France en tant qu’économie mondiale, en tant qu’armée, ou en tant que civilisation est le thème érigé en graal des objectifs proposés par les candidats dans leur programme, il est aussi le thème le moins bien appréhendé par ces derniers. Le numérique d’aujourd’hui est le pétrole d’hier, il est le fondement même de la puissance à laquelle chaque état est en devoir d’aspirer. Que sert de dire que l’innovation sera le futur fer de lance du renouveau de la puissance française, si cette innovation se retrouve aussi peu protégée que les patrimoines culturels et industriels du pays, par faute d’indépendance ou de souveraineté et servant directement la puissance et l’intérêt d’autres pays.
Par exemple, lorsque le candidat d’En Marche vante les mérites de la robotisation des industries françaises en évoquant « l’Usine du Futur », et qu’il évoque la création d’un fond de 10 milliards d’euros prévu à cet effet, il se garde bien de parler de la provenance [nécessairement étrangère] de ces moyens. Or l’on sait aujourd’hui que la robotique est un très fort secteur d’investissement R&D de bon nombre d’entreprises [notamment] américaines telles que Google qui, à l’instar des entreprises françaises du secteur, sont prêtes à répondre à cet appel d’offre. Comment croire alors que « l’usine du futur » sera un élément constitutif de la puissance de la France si elle est entièrement livrée par des puissances étrangères ? Un élément plus alarmant encore est l’absence de prise de position par le candidat sur l’affaire Snowden, qui ne vient en rien tempérer son ouverture vers l’Atlantique. Mais surtout, sa position pro-européenne n’est absolument pas un faire-valoir sur la question. De fait, l’Union Européenne, dans son complexe de supériorité et son déni de puissance, refuse l’émergence d’entreprises dominantes en son sein, et donc par définition l’émergence d’alternatives sérieuses et concurrentes aux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). On peut donc difficilement imaginer que les start-ups et auto-entrepreneurs exaltés par le candidat Macron seront en mesure de répondre à ce défi à sa place.
Pour sa part, le silence assourdissant du Front National sur un sujet de souveraineté et de puissance telle que l’indépendance du numérique français laisse coi. Il devient alors difficile de comprendre pourquoi la candidate du FN parvient à exprimer des positions des plus claires sur des questions de souveraineté territoriale [avec les soldes migratoires] ou de souveraineté législative [avec le principe de primauté du droit européen] sans pour autant concevoir l’existence même de la souveraineté numérique, alors même que le numérique était un sujet fortement défendu par son nouvel allié. Plus surprenant encore, malgré la ferveur de son patriotisme et de la grandeur de la France, il n’aura pas été question une seule fois de numérique à la française, sans parler d’un Internet Français [seul élément capable de rééquilibrer le rapport de force].
De l’urgence de réagir
Cette irresponsabilité des politiciens français nous amène à une situation de vassalité, voire de colonie numérique, alors même que 80% de l’économie du pays dépend d’outils numériques. Cette situation nous expose à de nombreux risques, parmi lesquels un blocus numérique et le pillage de nos patrimoines industriels et économiques (puisque 93% des entreprises françaises ont subi des pertes de données informatiques). Mais ces risques futurs ne sont pas pires que les conséquences actuelles. De fait, la fuite des cerveaux dans le secteur du numérique est plus préoccupante que jamais, avec plus de 80.000 français expatriés à la Silicon Valley. Cela a induit une perte toujours croissante de compétitivité et de marchés pour le pays qui n’est désormais plus à même de prévenir les incapacitations et détournements de nos infrastructures critiques (nucléaire, hôpitaux, etc…).
Si le secteur du numérique offre d’ores et déjà 680 000 emplois majoritairement stables et à forte valeur ajoutée qui, à l’horizon 2020, seront susceptibles de créer 100 milliards d’euros de PIB, il est d’autant plus criminel pour les candidats à la présidence de la République Française de ne pas faire de la question de l’indépendance numérique du pays la clef de voûte de leurs propositions concernant l’emploi, la sécurité, l’avenir de nos industries et de la France.
Pourtant les solutions sont légion comme le sont les exemples.
Si des pays tels que la Russie et la Chine, qui n’ont rien à envier à la France en termes de talents et de capacités, se sont dotés de moyens législatifs et techniques pour préserver leurs intérêts nationaux, pourquoi n’en va-t-il pas de même pour notre nation ?
Si des pays tels que la Corée du Sud et Israël, qui sont pourtant parmi les plus grands alliés du fournisseur d’accès mondial à internet, sont parvenus à développer leurs propres outils qui sont de véritables challengers à l’échelle de la planète, pourquoi n’en est-il pas même question pour la France ?
S’il est aujourd’hui un fait indiscutable, c’est que l’indépendance d’un Etat passe nécessairement par l’indépendance de son numérique. Parler de toute autre sujet régalien sans traiter de ce sujet sur lequel tous reposent est soit une incohérence, soit une hypocrisie dont est affligé le débat politique Français.
Pour illustrer le propos, il suffit de voir comment les candidats traitent du chiffrement et de la cyber-sécurité. Monsieur Macron compte « prendre une initiative majeure et coordonnée » au niveau Européen pour imposer un système de réquisition légale à des entreprises pratiquant le chiffrement de bout en bout et qui ne sont pas européennes telles qu’Apple ou Facebook sur Messenger et WhatsApp. C’est pour le candidat du centre un aveu d’impuissance total car jamais l’Union Européenne ne sera en droit de contraindre légalement des entreprises aussi puissantes. Pour sa part, bien qu’elle critique fortement la signature du contrat entre Palantir (logiciel Américain lié à la CIA) et la DGSI, la candidate Marine Le Pen ne propose aucune solution numérique française de substitution, préférant avancer une réorganisation des services de renseignement plutôt que le développement plus qu’urgent de notre indépendance numérique.
C’est la raison pour laquelle l’émergence de cette question est une priorité absolue si l’on veut aujourd’hui protéger nos intérêts stratégiques et « Choisir la France » pour nous mettre « En Marche » sur la voie de la liberté [numérique].
La question de l’indépendance numérique n’en est pas à sa première mort chez les décideurs politiques. La première émergence de ce débat remonte au Plan Calcul initié par le général de Gaulle, qui – pour rappel – était un plan gouvernemental français lancé en 1966 dont l’objectif était d’assurer l’autonomie du pays dans les technologies de l’information d’abord, et de développer une informatique européenne ensuite.
Si son échec était alors dû à des désaccords profonds parmi les acteurs économiques et politiques à tous les niveaux de l’époque, nous ne possédons pas pareille excuse aujourd’hui. Avec les affaires Snowden, Wikileaks et Stuxnet, le débat sur notre indépendance dans l’espace numérique s’était rouvert, devenant incontournable, et amplifié par la situation générale de ce début d’année 2017 rendant la discussion inévitable, alors que l'Europe se distance des puissances numériques qui étaient ses anciens alliés (Etats-Unis, Royaume-Uni) et que les autres grandes puissances (Russie, Chine) développent des outils numériques offensifs (cyberguerre) et défensifs (réseaux informatiques nationaux), servant à terme à assurer leur propre autonomie.
De l’échec du débat, à l’impuissance des présidentiables
La France est à la croisée des chemins en cette période d’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, dernière chance qu’a la France de retrouver sa Puissance. Opposant deux courants politiques radicalement divergents, le débat dispose véritablement de toute la matière requise pour adresser la question de l’indépendance numérique du pays. Hélas, les candidats ont manqué à leur devoir envers les Français et n’ont à ce jour pas avancé les solutions ou les mesures [propres à leurs courants politiques] qu’ils se devaient de proposer aux électeurs.
En effet d’un côté se trouve le centre d’Emmanuel Macron, candidat « de la dynamique de l’innovation », qui prône notamment l’ouverture ainsi que la libéralisation des échanges et des marchés. Se disant progressiste, il insiste fortement sur l’importance toujours croissante du numérique dans la vie quotidienne des citoyens ainsi que pour l’avenir des industries Françaises avec ses « Usines du Futur ».
De l’autre côté, l’alliance entre Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan. Là où madame Le Pen se dresse en Firewall des frontières de la France, en protecteur de sa culture ainsi qu’en défenseur de son peuple et de ses intérêts face aux menaces extérieures, monsieur Dupont-Aignan se voulait très porté sur l’avenir du pays et insistait fortement sur son besoin de se tourner plus avant vers les technologies du numérique.
Pourtant la question de l’indépendance numérique de la France est la grande absente des débats et interviews politique de l’entre-deux-tours. Si la Puissance de la France en tant qu’économie mondiale, en tant qu’armée, ou en tant que civilisation est le thème érigé en graal des objectifs proposés par les candidats dans leur programme, il est aussi le thème le moins bien appréhendé par ces derniers. Le numérique d’aujourd’hui est le pétrole d’hier, il est le fondement même de la puissance à laquelle chaque état est en devoir d’aspirer. Que sert de dire que l’innovation sera le futur fer de lance du renouveau de la puissance française, si cette innovation se retrouve aussi peu protégée que les patrimoines culturels et industriels du pays, par faute d’indépendance ou de souveraineté et servant directement la puissance et l’intérêt d’autres pays.
Par exemple, lorsque le candidat d’En Marche vante les mérites de la robotisation des industries françaises en évoquant « l’Usine du Futur », et qu’il évoque la création d’un fond de 10 milliards d’euros prévu à cet effet, il se garde bien de parler de la provenance [nécessairement étrangère] de ces moyens. Or l’on sait aujourd’hui que la robotique est un très fort secteur d’investissement R&D de bon nombre d’entreprises [notamment] américaines telles que Google qui, à l’instar des entreprises françaises du secteur, sont prêtes à répondre à cet appel d’offre. Comment croire alors que « l’usine du futur » sera un élément constitutif de la puissance de la France si elle est entièrement livrée par des puissances étrangères ? Un élément plus alarmant encore est l’absence de prise de position par le candidat sur l’affaire Snowden, qui ne vient en rien tempérer son ouverture vers l’Atlantique. Mais surtout, sa position pro-européenne n’est absolument pas un faire-valoir sur la question. De fait, l’Union Européenne, dans son complexe de supériorité et son déni de puissance, refuse l’émergence d’entreprises dominantes en son sein, et donc par définition l’émergence d’alternatives sérieuses et concurrentes aux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). On peut donc difficilement imaginer que les start-ups et auto-entrepreneurs exaltés par le candidat Macron seront en mesure de répondre à ce défi à sa place.
Pour sa part, le silence assourdissant du Front National sur un sujet de souveraineté et de puissance telle que l’indépendance du numérique français laisse coi. Il devient alors difficile de comprendre pourquoi la candidate du FN parvient à exprimer des positions des plus claires sur des questions de souveraineté territoriale [avec les soldes migratoires] ou de souveraineté législative [avec le principe de primauté du droit européen] sans pour autant concevoir l’existence même de la souveraineté numérique, alors même que le numérique était un sujet fortement défendu par son nouvel allié. Plus surprenant encore, malgré la ferveur de son patriotisme et de la grandeur de la France, il n’aura pas été question une seule fois de numérique à la française, sans parler d’un Internet Français [seul élément capable de rééquilibrer le rapport de force].
De l’urgence de réagir
Cette irresponsabilité des politiciens français nous amène à une situation de vassalité, voire de colonie numérique, alors même que 80% de l’économie du pays dépend d’outils numériques. Cette situation nous expose à de nombreux risques, parmi lesquels un blocus numérique et le pillage de nos patrimoines industriels et économiques (puisque 93% des entreprises françaises ont subi des pertes de données informatiques). Mais ces risques futurs ne sont pas pires que les conséquences actuelles. De fait, la fuite des cerveaux dans le secteur du numérique est plus préoccupante que jamais, avec plus de 80.000 français expatriés à la Silicon Valley. Cela a induit une perte toujours croissante de compétitivité et de marchés pour le pays qui n’est désormais plus à même de prévenir les incapacitations et détournements de nos infrastructures critiques (nucléaire, hôpitaux, etc…).
Si le secteur du numérique offre d’ores et déjà 680 000 emplois majoritairement stables et à forte valeur ajoutée qui, à l’horizon 2020, seront susceptibles de créer 100 milliards d’euros de PIB, il est d’autant plus criminel pour les candidats à la présidence de la République Française de ne pas faire de la question de l’indépendance numérique du pays la clef de voûte de leurs propositions concernant l’emploi, la sécurité, l’avenir de nos industries et de la France.
Pourtant les solutions sont légion comme le sont les exemples.
Si des pays tels que la Russie et la Chine, qui n’ont rien à envier à la France en termes de talents et de capacités, se sont dotés de moyens législatifs et techniques pour préserver leurs intérêts nationaux, pourquoi n’en va-t-il pas de même pour notre nation ?
Si des pays tels que la Corée du Sud et Israël, qui sont pourtant parmi les plus grands alliés du fournisseur d’accès mondial à internet, sont parvenus à développer leurs propres outils qui sont de véritables challengers à l’échelle de la planète, pourquoi n’en est-il pas même question pour la France ?
S’il est aujourd’hui un fait indiscutable, c’est que l’indépendance d’un Etat passe nécessairement par l’indépendance de son numérique. Parler de toute autre sujet régalien sans traiter de ce sujet sur lequel tous reposent est soit une incohérence, soit une hypocrisie dont est affligé le débat politique Français.
Pour illustrer le propos, il suffit de voir comment les candidats traitent du chiffrement et de la cyber-sécurité. Monsieur Macron compte « prendre une initiative majeure et coordonnée » au niveau Européen pour imposer un système de réquisition légale à des entreprises pratiquant le chiffrement de bout en bout et qui ne sont pas européennes telles qu’Apple ou Facebook sur Messenger et WhatsApp. C’est pour le candidat du centre un aveu d’impuissance total car jamais l’Union Européenne ne sera en droit de contraindre légalement des entreprises aussi puissantes. Pour sa part, bien qu’elle critique fortement la signature du contrat entre Palantir (logiciel Américain lié à la CIA) et la DGSI, la candidate Marine Le Pen ne propose aucune solution numérique française de substitution, préférant avancer une réorganisation des services de renseignement plutôt que le développement plus qu’urgent de notre indépendance numérique.
C’est la raison pour laquelle l’émergence de cette question est une priorité absolue si l’on veut aujourd’hui protéger nos intérêts stratégiques et « Choisir la France » pour nous mettre « En Marche » sur la voie de la liberté [numérique].