L'Inde peut-elle prétendre être entrée dans le 21ème siècle et soutenir durablement son économie avec 20 millions d'enfants sévèrement malnutris? Dès 1991, l’Inde a libéré son économie tout en préservant ses structures sociales, religieuses et culturelles. Elle s’est affirmée comme une puissance géopolitique, a développé de nouvelles alliances notamment au sein du BRICS, s’est accaparée des fleurons industriels y compris en Europe et en Amérique, et a modernisé son économie (secteur des services passé de 36% à 59% du PNB entre 1980 et 2011 [Note 1]). Elle attire les capitaux étrangers, participe à la recherche, fait figure de laboratoire en matière de Smart Cities et tient son rang dans le domaine des biotechnologies, les industries pharmaceutique, spatiale et informatique. De fait, l’Inde a connu une croissance relativement soutenue ces 25 dernières années, entre 5% et 9,5% par an, et ambitionne d’être la 3ème puissance économique mondiale d’ici 2020 [Note 2]. Une classe ‘‘moyenne’’ estimée à 300 millions de personnes s’est développée, essentiellement dans les mégalopoles. Elle dispose d’un pouvoir d’achat conséquent, consomme massivement et voyage. Dans les grandes villes, les Shopping Malls se multiplient, les immatriculations de voiture explosent, et le numérique devient un bien de consommation courante.
Mais il y a un revers à cette médaille, l’absence de développement et de croissance pour une majorité d’Indiens, une pauvreté de masse [Note 3] et une malnutrition infantile qualifiée de honte nationale [Note 4]. Malgré une multitude de mécanismes d’aide sociale, celle-ci est désorganisée, corrompue et inefficace, et les inégalités ne cessent de se creuser. Depuis plus d’une décennie, les ministères s’affrontent dans une lutte de pouvoir, incapables de se coordonner pour mettre en place une stratégie de lutte contre cette malnutrition. Jusqu’en 2014, le pouvoir central s’est même opposé à toute initiative locale, enfermé dans une approche gandhienne promue par des activistes et quelques scientifiques nationalistes et darwinistes.
Cette situation est d’autant plus dramatique qu’elle concerne plus de 38% des enfants de moins de cinq ans atteints de malnutrition chronique et de retard de croissance [Note 5]. Par ailleurs, près de 20 millions d’entre eux souffrent de malnutrition aiguë et risquent d’être affectés par de graves déficiences physiologiques et mentales. Une situation comparable à celle des pays africains les plus pauvres. Or le coût économique de la sous-nutrition représenterait 0,8% à 2,5% du PNB [Note 6].
L’Inde s’est fixé des objectifs ambitieux de développement durable à l’horizon 2030, et notamment l’élimination de la pauvreté et de la faim. C’est à ce titre seulement qu’elle pourra prétendre compter parmi les grandes puissances du 21ème siècle.
Notes :
Note 1 : Christophe Jaffrelo, L’inde contemporaine, Paris, Fayard, 2014p.56.
Note 2 : Alain Lamballe, L’Inde, puissance mondiale ? 07.03.2017.
Note 3 : CCFD, Faim Développement magazine, 27.11.2013.
Note 4 : Déclaration du Premier Ministre Manmohan Singh, 10.01.2012.
Note 5 : Nutrition Mondiale, rapport 2014.
Note 6 : A J Stein, M Qaim, The human and economic costs of hidden hunger, Food & Nutrition Bulletin, volume 28, N°2, Juin 2007.
Mais il y a un revers à cette médaille, l’absence de développement et de croissance pour une majorité d’Indiens, une pauvreté de masse [Note 3] et une malnutrition infantile qualifiée de honte nationale [Note 4]. Malgré une multitude de mécanismes d’aide sociale, celle-ci est désorganisée, corrompue et inefficace, et les inégalités ne cessent de se creuser. Depuis plus d’une décennie, les ministères s’affrontent dans une lutte de pouvoir, incapables de se coordonner pour mettre en place une stratégie de lutte contre cette malnutrition. Jusqu’en 2014, le pouvoir central s’est même opposé à toute initiative locale, enfermé dans une approche gandhienne promue par des activistes et quelques scientifiques nationalistes et darwinistes.
Cette situation est d’autant plus dramatique qu’elle concerne plus de 38% des enfants de moins de cinq ans atteints de malnutrition chronique et de retard de croissance [Note 5]. Par ailleurs, près de 20 millions d’entre eux souffrent de malnutrition aiguë et risquent d’être affectés par de graves déficiences physiologiques et mentales. Une situation comparable à celle des pays africains les plus pauvres. Or le coût économique de la sous-nutrition représenterait 0,8% à 2,5% du PNB [Note 6].
L’Inde s’est fixé des objectifs ambitieux de développement durable à l’horizon 2030, et notamment l’élimination de la pauvreté et de la faim. C’est à ce titre seulement qu’elle pourra prétendre compter parmi les grandes puissances du 21ème siècle.
Notes :
Note 1 : Christophe Jaffrelo, L’inde contemporaine, Paris, Fayard, 2014p.56.
Note 2 : Alain Lamballe, L’Inde, puissance mondiale ? 07.03.2017.
Note 3 : CCFD, Faim Développement magazine, 27.11.2013.
Note 4 : Déclaration du Premier Ministre Manmohan Singh, 10.01.2012.
Note 5 : Nutrition Mondiale, rapport 2014.
Note 6 : A J Stein, M Qaim, The human and economic costs of hidden hunger, Food & Nutrition Bulletin, volume 28, N°2, Juin 2007.