Alors qu’il n’était crédité que de 5% des voix lors de l’annonce de sa candidature aux primaires, Donald Trump, homme d’affaires et animateur TV, a remporté les primaires Républicaines puis l’élection Présidentielle de 2016 aux Etats Unis face à Hillary Clinton le candidat Démocrate, à contre-courant de tous les sondages.
La recherche constante de l’impact médiatique
Homme de médias, Donald Trump en maitrise les arcanes à la perfection. Dès lors, faute de légitimité en tant qu’homme politique, il a fait le pari d’occuper le plus possible le terrain médiatique afin de rendre inaudible ses adversaires.
A cet effet, il a tout misé sur le seul avantage stratégique dont il disposait, à savoir l’énorme popularité acquise lors des shows téléréalités (The Apprentice) « Si vous avez une bonne audience –et la mienne n’est pas simplement bonne, elle est monstrueuse–, vous devez être à l’antenne tout le temps, même si vous n’avez rien à dire » dictait-il pendant les primaires. Et finalement, son omniprésence médiatique résultant d’une bonne lecture de ses forces et faiblesses, l’ont finalement fait apparaitre comme un candidat de plus en plus crédible aux yeux des électeurs tout au long de la campagne. Ainsi, l’enjeu n’était pas simplement de capter l’attention médiatique, mais de la gardée focalisée sur lui à tout prix. Pour cela il a fait de sa « marque de fabrique » une communication offensive faite d’insultes et de déclarations chocs à l’attention de journalistes, d’opposants ou de minorités.
Cette stratégie payante a permis de doper les audiences des médias dans lesquels il apparaissait, qui du coup étaient toujours plus demandeurs et in fine dépendants de son image. En utilisant habilement les médias sans jamais laisser paraitre que leur intérêt était vital pour lui, il a enfermé son adversaire qui menait une campagne classique dans la lignée de ses prédécesseurs, dans une position défensive. Et pourtant, malgré un budget colossal de près de 500M de Dollar dont 53% ont été dépensé dans l’achat de publicité, Hilary Clinton n’a jamais pu prendre le dessus en termes d’impact médiatique. Alors que Donald Trump ne levait « que » 247M $ et mobilisait « seulement » 27% de son budget dans l’achat de publicité, il dominait outrageusement la « bataille de l’image » via cette occupation constante du terrain.
En parallèle, il a intensivement utilisé les technologies 2.0 (Twitter, Instagram, Facebook…) permettant de communiquer en permanence et sans intermédiaire, du jamais vu en Politique. D’ailleurs, pendant que son adversaire consacrait 3,5% de son budget à la publicité en ligne, Trump lui, y laissait 23% en se faisant accompagner par des sociétés spécialisées dans le conseil digital afin de cibler au mieux son auditoire.
La légitimité par la désignation de l’ennemi
En occupant le terrain médiatique, Donald Trump a capitalisé une audience monstre, dépassant même les frontières Etats-Uniennes. Il lui fallait à présent convertir une partie de cette audience en intention de vote. Pour cela, il a poursuivi sa stratégie de communication incisive en désignant les adversaires de la nation, qu’ils soient économiques (Chine), géographique (Mexique), idéologiques (Daesh) etc…Dans un monde multipolaire ou l’identification de l’adversaire n’est plus aussi simple qu’à l’époque de la guerre froide, ce constat de menace « éclatée » entretenu par un discourt alarmiste a touché sa cible dans une population habituée aux discours de grandeur et de leadership. Nous nous attarderons particulièrement sur la partie économique de son discours qui a surement été décisive dans sa victoire finale.
Ce qui est d’autant plus intéressant dans l’approche du candidat républicain, est qu’il a parfois attaqué ses adversaires sur des arguments fallacieux voir complétement surréalistes en donnant l’impression de ne jamais être en difficulté tant la voix de ses contradicteurs était étouffé par sa présence médiatique. Malgré un marché du travail proche du plein emploi avec un taux de chômage de 4,6% à fin 2016, soit à son plus bas niveau depuis 10 ans, il décrit une économie Américaine laminée par les Chinois, avec un chômage de plus de 40%, en se basant sur les chiffres du Bureau of Labor Statistic qui évalue à 94 millions de personnes non actives, sauf que ce chiffre comprend les étudiants, retraités, personnes inaptes etc…Dans la même lignée, son directeur au commerce attitré, Dan Di Micco relaie le film « Death By China » basé sur le livre du même nom de Peter Navarro datant de 2011. Le documentaire mettant en scène bâtiments désaffectés, patrons ayant perdu leur entreprise ou encore étudiants ne trouvant pas de travail est mis en ligne le 10/04/2016 en pleine campagne présidentielle.
Il n’hésite pas non plus à accuser la Chine d’avoir inventé le concept de « réchauffement climatique » afin de nuire volontairement à l’économie américaine. Pourtant le concept de réchauffement climatique est étudié par de nombreux rapports depuis les années 90 par le GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) qui est une organisation mise en place en 1988, à la demande du G7 (USA, Japon, Allemagne, France, Grande Bretagne, Canada, Italie) dont les Etats Unis faisaient évidement parties.
Même s’il n’est pas question ici de nier l’impact de la Chine dans la balance commerciale des Etats Unis (- 502,2 Mds USD dont -185 Md USD pour le secteur automobile et - 170,8 Mds USD pour les produits informatiques et électroniques) il faut aussi souligner que ce déficit est structurel depuis les années 70, avant même l’émergence de la Chine en tant que puissance économique. Cette stratégie de désignation de la Chine en tant que menace économique a surement été déterminante puisque parmi les « swing states » que sont la Floride (29 grands électeurs), la Pennsylvanie (20 grands électeurs), le Wisconsin (10 grands électeurs) et le Michigan (16 grands électeurs), les 3 derniers cités ont basculé en faveur des Républicains alors que leur dernière victoire y remontait à 1984 pour le Wisconsin et 1988 pour les deux autres.
En effet, d’après une analyse de l’AFEP à partir des données du Bureau of Labor Statistics la fraction de l’emploi manufacturier dans l’emploi local est supérieur à la moyenne nationale dans ces 3 Etats, leur exposition étant de fait plus importante face au recul de l’industrie (AFEP – flash éco 03/2017 « jobs, jobs, jobs »). Ainsi tout laisse penser que la menace supposée de la Chine relayée en boucle a pesé dans ces Etats clés, habituellement réservés aux Démocrates.
Un bouleversement des codes de la communication politique
Même si la communication de Donald Trump peut en surface apparaitre comme chaotique et sans ligne directrice, certains éléments laissent supposer au contraire, qu’elle est tout à fait structurée et intégrée dans une stratégie globale. Les enseignements que l’on peut en tirer est qu’une personne maitrisant l’utilisation des médias sous tous ses supports peut convertir une audience forte en intention de vote dans un processus électoral. Dès lors, la forme du discours peut prendre le dessus sur le fond, sans la possibilité pour l’adversaire de le contrer efficacement compte tenu de sa position de « dominant médiatique ».
D’une certaine façon, cette élection redéfinit les codes de la communication politique d’ordinaire si contrôlée et millimétrée et toujours dans le « politiquement correct ». Totalement en phase avec les technologies 2.0 qu’il a parfaitement intégré dans sa campagne, il est à l’image de ces nouveaux canaux de communications : sans intermédiaire et sans filtre.
La recherche constante de l’impact médiatique
Homme de médias, Donald Trump en maitrise les arcanes à la perfection. Dès lors, faute de légitimité en tant qu’homme politique, il a fait le pari d’occuper le plus possible le terrain médiatique afin de rendre inaudible ses adversaires.
A cet effet, il a tout misé sur le seul avantage stratégique dont il disposait, à savoir l’énorme popularité acquise lors des shows téléréalités (The Apprentice) « Si vous avez une bonne audience –et la mienne n’est pas simplement bonne, elle est monstrueuse–, vous devez être à l’antenne tout le temps, même si vous n’avez rien à dire » dictait-il pendant les primaires. Et finalement, son omniprésence médiatique résultant d’une bonne lecture de ses forces et faiblesses, l’ont finalement fait apparaitre comme un candidat de plus en plus crédible aux yeux des électeurs tout au long de la campagne. Ainsi, l’enjeu n’était pas simplement de capter l’attention médiatique, mais de la gardée focalisée sur lui à tout prix. Pour cela il a fait de sa « marque de fabrique » une communication offensive faite d’insultes et de déclarations chocs à l’attention de journalistes, d’opposants ou de minorités.
Cette stratégie payante a permis de doper les audiences des médias dans lesquels il apparaissait, qui du coup étaient toujours plus demandeurs et in fine dépendants de son image. En utilisant habilement les médias sans jamais laisser paraitre que leur intérêt était vital pour lui, il a enfermé son adversaire qui menait une campagne classique dans la lignée de ses prédécesseurs, dans une position défensive. Et pourtant, malgré un budget colossal de près de 500M de Dollar dont 53% ont été dépensé dans l’achat de publicité, Hilary Clinton n’a jamais pu prendre le dessus en termes d’impact médiatique. Alors que Donald Trump ne levait « que » 247M $ et mobilisait « seulement » 27% de son budget dans l’achat de publicité, il dominait outrageusement la « bataille de l’image » via cette occupation constante du terrain.
En parallèle, il a intensivement utilisé les technologies 2.0 (Twitter, Instagram, Facebook…) permettant de communiquer en permanence et sans intermédiaire, du jamais vu en Politique. D’ailleurs, pendant que son adversaire consacrait 3,5% de son budget à la publicité en ligne, Trump lui, y laissait 23% en se faisant accompagner par des sociétés spécialisées dans le conseil digital afin de cibler au mieux son auditoire.
La légitimité par la désignation de l’ennemi
En occupant le terrain médiatique, Donald Trump a capitalisé une audience monstre, dépassant même les frontières Etats-Uniennes. Il lui fallait à présent convertir une partie de cette audience en intention de vote. Pour cela, il a poursuivi sa stratégie de communication incisive en désignant les adversaires de la nation, qu’ils soient économiques (Chine), géographique (Mexique), idéologiques (Daesh) etc…Dans un monde multipolaire ou l’identification de l’adversaire n’est plus aussi simple qu’à l’époque de la guerre froide, ce constat de menace « éclatée » entretenu par un discourt alarmiste a touché sa cible dans une population habituée aux discours de grandeur et de leadership. Nous nous attarderons particulièrement sur la partie économique de son discours qui a surement été décisive dans sa victoire finale.
Ce qui est d’autant plus intéressant dans l’approche du candidat républicain, est qu’il a parfois attaqué ses adversaires sur des arguments fallacieux voir complétement surréalistes en donnant l’impression de ne jamais être en difficulté tant la voix de ses contradicteurs était étouffé par sa présence médiatique. Malgré un marché du travail proche du plein emploi avec un taux de chômage de 4,6% à fin 2016, soit à son plus bas niveau depuis 10 ans, il décrit une économie Américaine laminée par les Chinois, avec un chômage de plus de 40%, en se basant sur les chiffres du Bureau of Labor Statistic qui évalue à 94 millions de personnes non actives, sauf que ce chiffre comprend les étudiants, retraités, personnes inaptes etc…Dans la même lignée, son directeur au commerce attitré, Dan Di Micco relaie le film « Death By China » basé sur le livre du même nom de Peter Navarro datant de 2011. Le documentaire mettant en scène bâtiments désaffectés, patrons ayant perdu leur entreprise ou encore étudiants ne trouvant pas de travail est mis en ligne le 10/04/2016 en pleine campagne présidentielle.
Il n’hésite pas non plus à accuser la Chine d’avoir inventé le concept de « réchauffement climatique » afin de nuire volontairement à l’économie américaine. Pourtant le concept de réchauffement climatique est étudié par de nombreux rapports depuis les années 90 par le GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) qui est une organisation mise en place en 1988, à la demande du G7 (USA, Japon, Allemagne, France, Grande Bretagne, Canada, Italie) dont les Etats Unis faisaient évidement parties.
Même s’il n’est pas question ici de nier l’impact de la Chine dans la balance commerciale des Etats Unis (- 502,2 Mds USD dont -185 Md USD pour le secteur automobile et - 170,8 Mds USD pour les produits informatiques et électroniques) il faut aussi souligner que ce déficit est structurel depuis les années 70, avant même l’émergence de la Chine en tant que puissance économique. Cette stratégie de désignation de la Chine en tant que menace économique a surement été déterminante puisque parmi les « swing states » que sont la Floride (29 grands électeurs), la Pennsylvanie (20 grands électeurs), le Wisconsin (10 grands électeurs) et le Michigan (16 grands électeurs), les 3 derniers cités ont basculé en faveur des Républicains alors que leur dernière victoire y remontait à 1984 pour le Wisconsin et 1988 pour les deux autres.
En effet, d’après une analyse de l’AFEP à partir des données du Bureau of Labor Statistics la fraction de l’emploi manufacturier dans l’emploi local est supérieur à la moyenne nationale dans ces 3 Etats, leur exposition étant de fait plus importante face au recul de l’industrie (AFEP – flash éco 03/2017 « jobs, jobs, jobs »). Ainsi tout laisse penser que la menace supposée de la Chine relayée en boucle a pesé dans ces Etats clés, habituellement réservés aux Démocrates.
Un bouleversement des codes de la communication politique
Même si la communication de Donald Trump peut en surface apparaitre comme chaotique et sans ligne directrice, certains éléments laissent supposer au contraire, qu’elle est tout à fait structurée et intégrée dans une stratégie globale. Les enseignements que l’on peut en tirer est qu’une personne maitrisant l’utilisation des médias sous tous ses supports peut convertir une audience forte en intention de vote dans un processus électoral. Dès lors, la forme du discours peut prendre le dessus sur le fond, sans la possibilité pour l’adversaire de le contrer efficacement compte tenu de sa position de « dominant médiatique ».
D’une certaine façon, cette élection redéfinit les codes de la communication politique d’ordinaire si contrôlée et millimétrée et toujours dans le « politiquement correct ». Totalement en phase avec les technologies 2.0 qu’il a parfaitement intégré dans sa campagne, il est à l’image de ces nouveaux canaux de communications : sans intermédiaire et sans filtre.