L’économie sud-coréenne est-elle menacée par une guerre de l’information d’origine chinoise ?

Après une année 2016 marquée par une agitation sociale sans précédent, hormis celle de 1997, et conclue par la destitution de la Président Park Guen-hye ; le pays du Matin Calme est maintenant en proie à une guerre commerciale dont il pourrait avoir du mal à se relever et qui pourrait bouleverser l’équilibre des forces en Asie du Nord.

Les failles de l’économie sud-coréenne
Les Chaebols constituent les piliers du modèle de société de la Corée du Sud. Mais les dérives et les méthodes sont décriées par l’opinion publique, principalement par la jeunesse qui constitue un groupe de pression de plus en plus efficace malgré une société construite sur le modèle patriarcal. En commençant par l’opposition, de nombreux lobbies et groupes d’influence se sont organisés. Les réseaux sociaux, les multiples rassemblements organisés ces douze derniers mois, ainsi que les slogans proférés à l’encontre des pouvoirs économiques et politiques, sont les prémices de la remise en cause en profondeur du système. Après plusieurs décennies de croissance, les Chaebols sont contestés. Ce symbole fort de la réussite sud-coréenne d’après-guerre est donc remis en cause par cette contestation. Samsung est touché par un nouveau scandale de corruption – le ChoiGate - impliquant notamment l’héritier, Lee Jae-Yong. L’ensemble des conglomérats sud-coréens est fragilisé par des affaires de tout ordre. Le même groupe est impliqué dans une guerre commerciale contre Apple et affaibli par un scandale technologique visant sa nouvelle gamme de produits de téléphonie. Daewoo et ses chantiers navals, ainsi que Hyundai Heavy Industrie, sont au bord du dépôt de bilan suite à une concurrence féroce menée par leurs homologues chinois. Le groupe Lotte, spécialisé dans la grande distribution et les parcs de loisirs, est pris dans un incident diplomatico-militaire majeur qui pourrait être le déclencheur d’une révolution profonde dans les rapports de force en Asie du Nord. Cette dernière a vendu un terrain de golf, situé à Pyeongtaek – face à la Chine, à l’armée sud-coréenne afin d’y faire établir un bouclier anti-missile - Thaad (Terminal High Altitude Area Defense)…fourni par les Etats-Unis. Le déploiement a commencé le 6 mars dernier. De nombreuses actions de guerre économique et d’influence se sont amplifiées sur l’ensemble du territoire chinois.

L’agressivité informationnelle de la Chine communiste
A Davos, le discours de Xi Jinping a surpris par ses positions en faveur du libre-échangisme mondial assumé. Face au projet Thaad, la Chine s’est défendu de toute politique de représailles économiques contre les intérêts économiques de la Corée du Sud. Un représentant du Ministère des Affaires Etrangères chinois a déclaré : « La Chine prendra résolument les mesures nécessaires pour défendre ses propres intérêts de sécurité chinoise ». La position de la Chine était donc claire et basée uniquement sur des mesures d’ordre diplomatique ou militaire, le cas échéant. Cette position est d’ailleurs soulignée par le fait que, de façon à bien respecter les équilibres, la Chine appuie la position de l’ONU, au sujet de la Corée du Nord et des tirs de missiles, en annulant toute importation de charbon provenant de cette dernière, la privant ainsi, aux yeux du monde, d’un revenu considérable. Cependant, dans un moment particulièrement difficile pour l’économie sud-coréenne, les pays avoisinants savent que chaque coup porté les renforcera, particulièrement la Chine. Dans le même temps, un mouvement anti-coréen, émanant de la société « civile » a vu le jour en Chine. D’abord sur les réseaux sociaux puis dans les rues. Plusieurs manifestations dans lesquelles des enfants et des personnes âgées appellent au boycott des grandes surfaces Lotte et des mesures de fermeture administrative ont été prononcées contre ces mêmes centres pour des raisons de « sécurité incendie ». Le patriotisme économique a emboîté le pas et plusieurs fédérations d’entreprises pékinoises ont déclaré le retrait immédiat de leurs produits des rayons des magasins coréens avec, en tête, le géant Weyong. Quant à la branche « loisirs » de Lotte, un coup majeur a été porté en suspendant un projet pharaonique de parc d’attraction estimé à plus de 2,5 milliards d’euros, dans la province de Shenyang. Enfin, ce plan de représailles détaillé touche également le tourisme chinois vers la Corée du Sud. Idem pour les produits culturels sud-coréens (soap opera ou pop bands) qui sont déprogrammés. La religion est aussi concernée. En effet, plus de 70 missionnaires sud-coréens venant en aide aux réfugiés nord-coréens, « tolérés » jusqu’alors sur le territoire chinois, ont été expulsés depuis le 10 janvier dernier. Officiellement, le gouvernement maintient que le peuple chinois est à même de réagir seul par rapport à cette situation ; en réalité, les messages sont distribués par les organes de presse de l’Empire du Milieu. La Chine représente 25% du commerce extérieur de la Corée du Sud. Ces intimidations chinoises pourraient donc être préjudiciables à la Corée du Sud.

Ne pas oublier les leçons du passé
La Chine a déjà eu recours à une stratégie similaire lors du conflit, avec le Japon, pour les îles Senkaku-Shoto/Diaoyutai, en 2012. D’abord mises sous contrôle américain à l’issue de la défaite du Japon en 1945, ces îles ont été rétrocédées au Japon en 1971. La Chine revendique ces dernières depuis les années 70 mais la tension est montée suite à une déclaration du Japon en 2011, notamment car les enjeux économiques, principalement la présence de nappes d’hydrocarbures, sont considérables. Au-delà de la volonté des Etats-Unis de maintenir leur poids dans la Région, ce cas présente les mêmes caractéristiques que l’affaire du Thaad. Sur fond de combat pour la suprématie économique dans cette région de la planète, la Chine et le Japon se sont affrontés via leurs entreprises les plus symboliques ; ainsi, Honda, Nissan mais aussi Toyota ont subi de sévères attaques (usines occupées, concessionnaires vandalisés, manifestations, etc.). Les ressorts sont donc semblables à ceux constatés dans l’affaire Thaad. Officiellement, le régime chinois n’intenta rien à l’encontre des intérêts économiques japonais présents mais, dans le même temps, d’importants mouvements de foules visant les intérêts nippons en Chine, ont vu le jour à Shanghai et dans le Sud de la Chine qui sont les principaux lieux d’implantation des entreprises ciblées. Les médias et les réseaux sociaux chinois en appelaient à la fois au patriotisme économique et à la lutte contre un ennemi historique.