L’énergie éolienne est en constante augmentation en France. C’est en 1991 que la compagnie du vent installe la première éolienne française dans le département de l’Aude. Aujourd’hui, on en dénombre pas moins de 1200 sur le territoire, renforcé par 500 constructions chaque année. Pour 2020, l’objectif fixé par le grenelle de l’environnement est d’atteindre 8000 éoliennes. Représentant aujourd’hui 5,7% de la production française d’électricité, ce chiffre est amené à augmenter dans les années à venir.
Malgré une volonté affichée de développer les énergies dites « propres », l’implantation des éoliennes fait souvent polémique et agite l’opinion publique. Outre l’effet NIMBY (Not In My Back Yard, tant que ce n’est pas construit à côté de chez moi, ça m’est égal) que cela provoque, de nombreuses questions restent en suspens quant à sa rentabilité ou encore sa durée de vie. Cependant, les mouvements contestataires ont du mal à faire entendre leur voix, à une époque où la transition énergétique prime.
En France, de nombreuses échéances ont jalonné les dernières années. En 2015, la France accueille la COP 21, qui est la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. L’objectif de l’accord qui est né à la suite de cette 21e édition est de limiter le réchauffement climatique par la diminution des émissions de CO2. Dans cette optique, les énergies renouvelables, et donc l’énergie éolienne ont un rôle important à jouer. Le Grenelle de l’environnement, qui prit place de 2007 à 2012 a réaffirmé la place prépondérante qu’est laissée à l’éolien. Il est également souvent question de transition énergétique, et les éoliennes sont vues comme un moyen de l’opérer.
La guerre informationnelle entre le SER et la FED
Dans ce contexte ou les éoliennes sont plébiscités pour pallier à la pollution, la voix des anti-éoliens se fait entendre. Deux acteurs clés se font face. D’un côté il y a le SER (Syndicat des Energies Renouvelables) et de l’autre la FED (Fédération Environnement Durable). Dès lors, il convient d’analyser les forces et faiblesses de ces deux entités, de voir leurs arguments ainsi que leurs moyens d’actions. Structurellement, les deux protagonistes sont très différents. La FED, présidée par Jean-Louis Butré, est une fédération rassemblant toutes les associations locales luttant contre les éoliennes. De par son statut d’association, ses seules ressources financières proviennent des cotisations de ses adhérents. Ses membres, organisés en réseau sont bénévoles. Le SER, est le syndicat des énergies renouvelables. Existant depuis une dizaine d’années, il regroupe les industriels de ce secteur. Neuf filières composent le syndicat et vingt et une personnes y travaillent à temps plein. La FEE, France Energie Eolienne, est l’une des filières du SER. De fait, de par la structure de ces deux acteurs, la bataille ne peut être que déséquilibrée. Lorsque que le syndicat des énergies renouvelables peut compter sur le financement d’entreprises afin de défendre leurs intérêts, la FED n’a que les cotisations de ses adhérents pour financer ses actions.
Outre leur organisation, leurs objectifs sont différents. En effet, la FED a pour ambition d’alerter le grand public sur les méfaits des éoliennes, tant sur le plan économique, sociétal, qu’environnemental. Leur but est de démontrer que le discours des pro-éolien n’est qu’une « vaste fumisterie », afin d’enrichir certaines entreprises intéressées. A contrario, le SER, en qualité de syndicat, a pour mission d’influencer les décideurs à prendre des décisions en faveur des éoliennes afin d’enrichir le secteur qu’ils représentent.
Malgré d’importantes différences, les deux acteurs basent leur argumentaire sur la même base, à savoir : argument économique, social et enfin environnemental.
Sur le plan économique, la FED déplore le coût exorbitant de construction ainsi que la durée de vie courte d’une éolienne (environ 20 ans). De plus, concernant la rentabilité, celle-ci serait faible, en raison de l’instabilité du vent, qui ne permettrait pas à l’éolienne de produire de l’électricité que 20% du temps. De son côté, le SER insiste sur les progrès des éoliennes en matière de rentabilité. Ce n’est pas un argument choc, mais selon eux, produire de l’électricité grâce au vent deviendrait aussi rentable que le produire par d’autres moyens.
Sur le plan environnemental, le SER martèle que les éoliennes permettent de réduire significativement les émissions de CO2. A l’inverse, la FED dénonce la pollution que cache l’énergie éolienne. D’après ces derniers, il est nécessaire d’utiliser des centrales à gaz et charbon pour palier à la faible production des éoliennes. Ces centrales produisant beaucoup de CO2, les éoliennes participent donc aux émissions. Il est intéressant de noter que sur ce point, l’argument est totalement opposé, permettant de mettre en exergue la mauvaise foi de l’un des deux protagonistes.
Enfin sur le plan sociétal, les anti-éoliens s’insurgent contre les éoliennes qui polluent visuellement les paysages, qui sont sources de nuisances sonores, qui dévaluent le prix des maisons et ont un impact négatif sur le tourisme par baisse d’attractivité des secteurs ou elles sont installées. A contrario, la FEE affirme que les éoliennes sont facteur de dynamisme et permettent de développer l’emploi dans les zones où elles sont construites.
Finalement, chaque camp a son propre argumentaire pour faire valoir son point de vu. Ces arguments sont compréhensibles et n’ont qu’un intérêt limité dans la guerre informationnelle entre les deux. Ce qu’il est intéressant d’analyser, ce sont les vecteurs utilisés par les deux organismes afin de relayer leurs informations. Ces vecteurs divergent pour deux raisons : les publics visés ne sont pas les mêmes, les ressources non plus.
Le Syndicat des Energies Renouvelables a pour vocation de rallier les décideurs à sa cause. Pour cela, ils utilisent des lettres, études et autres rapports afin de faire connaître idées et de défendre leur point de vu auprès des élus notamment. A l’inverse, la FED utilise en majorité la presse, qu’elle soit nationale ou régionale. Cela n’est pas anodin : ils souhaitent rassembler autour d’eux les différentes actions locales contre les éoliennes. Afin de compléter cette stratégie, ils utilisent le lobbying, auprès des élus locaux et nationaux.
L’arme financière
Dans leurs stratégies d’influence respectives, une variable prend énormément d’importance et différencie les deux acteurs : les ressources financières. En effet, le SER possède beaucoup plus d’argent que la FED et cela se ressent dans ses actions. Prenons l’exemple significatif des sites internet, outil de communication privilégié. Celui du syndicat est beaucoup plus professionnel que celui de son adversaire. Cela a pour conséquence de rendre plus crédible une information provenant du site des pro-éoliennes. De fait, le consommateur d’information lambda aura tendance à abonder dans le sens de ces derniers, qui par leur professionnalisme, font passer la FED pour des mécontents marginaux, aux informations erronées. On se rend compte de l’importance que prend la forme d’une information, mais également de l’argent, dans une opération d’influence. Le manque de moyen financier et humain est préjudiciable à la Fédération anti-éolienne, ce qui l’oblige à user d’un ton agressif pour faire passer ses idées, ce qui, dans une certaine mesure, a aussi un impact négatif sur l’image de l’organisme.
Finalement, ce qu’il est intéressant d’analyser dans cette lutte informationnelle, ce n’est pas tant le conflit et les arguments déployés, mais plutôt de comprendre comment le SER arrive à accaparer l’attention et à faire perdre toute crédibilité à son opposant. En effet, il apparaît très clairement que les arguments des pro-éoliens sont beaucoup mieux relayés et ont un impact plus important sur la population. Cela s’explique pour plusieurs raisons que nous avons vues précédemment. Le syndicat dispose de plus d’argent que son homologue anti-éolien ce qui lui permet de mener des opérations plus efficaces et plus professionnelles. De plus composé de professionnels reconnus, il jouit d’un certain prestige qui lui permet d’être convié à de nombreuses manifestations d’importances tel que la COP21 ou encore le Grenelle de l’environnement. Enfin, à l’heure de la transition énergétique, les écologistes sont plus écoutés et vus comme des êtres rationnels qui œuvrent pour le bien de la population. Dès lors, leurs opposants sont mal perçus, ce qui explique que la FED n’ait pas forcément bonne réputation. Quoi qu’il en soit, avec le SER et la FEE comme défenseurs, les éoliennes ont encore de beaux jours devant elles.
François Dumeyniou
Malgré une volonté affichée de développer les énergies dites « propres », l’implantation des éoliennes fait souvent polémique et agite l’opinion publique. Outre l’effet NIMBY (Not In My Back Yard, tant que ce n’est pas construit à côté de chez moi, ça m’est égal) que cela provoque, de nombreuses questions restent en suspens quant à sa rentabilité ou encore sa durée de vie. Cependant, les mouvements contestataires ont du mal à faire entendre leur voix, à une époque où la transition énergétique prime.
En France, de nombreuses échéances ont jalonné les dernières années. En 2015, la France accueille la COP 21, qui est la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. L’objectif de l’accord qui est né à la suite de cette 21e édition est de limiter le réchauffement climatique par la diminution des émissions de CO2. Dans cette optique, les énergies renouvelables, et donc l’énergie éolienne ont un rôle important à jouer. Le Grenelle de l’environnement, qui prit place de 2007 à 2012 a réaffirmé la place prépondérante qu’est laissée à l’éolien. Il est également souvent question de transition énergétique, et les éoliennes sont vues comme un moyen de l’opérer.
La guerre informationnelle entre le SER et la FED
Dans ce contexte ou les éoliennes sont plébiscités pour pallier à la pollution, la voix des anti-éoliens se fait entendre. Deux acteurs clés se font face. D’un côté il y a le SER (Syndicat des Energies Renouvelables) et de l’autre la FED (Fédération Environnement Durable). Dès lors, il convient d’analyser les forces et faiblesses de ces deux entités, de voir leurs arguments ainsi que leurs moyens d’actions. Structurellement, les deux protagonistes sont très différents. La FED, présidée par Jean-Louis Butré, est une fédération rassemblant toutes les associations locales luttant contre les éoliennes. De par son statut d’association, ses seules ressources financières proviennent des cotisations de ses adhérents. Ses membres, organisés en réseau sont bénévoles. Le SER, est le syndicat des énergies renouvelables. Existant depuis une dizaine d’années, il regroupe les industriels de ce secteur. Neuf filières composent le syndicat et vingt et une personnes y travaillent à temps plein. La FEE, France Energie Eolienne, est l’une des filières du SER. De fait, de par la structure de ces deux acteurs, la bataille ne peut être que déséquilibrée. Lorsque que le syndicat des énergies renouvelables peut compter sur le financement d’entreprises afin de défendre leurs intérêts, la FED n’a que les cotisations de ses adhérents pour financer ses actions.
Outre leur organisation, leurs objectifs sont différents. En effet, la FED a pour ambition d’alerter le grand public sur les méfaits des éoliennes, tant sur le plan économique, sociétal, qu’environnemental. Leur but est de démontrer que le discours des pro-éolien n’est qu’une « vaste fumisterie », afin d’enrichir certaines entreprises intéressées. A contrario, le SER, en qualité de syndicat, a pour mission d’influencer les décideurs à prendre des décisions en faveur des éoliennes afin d’enrichir le secteur qu’ils représentent.
Malgré d’importantes différences, les deux acteurs basent leur argumentaire sur la même base, à savoir : argument économique, social et enfin environnemental.
Sur le plan économique, la FED déplore le coût exorbitant de construction ainsi que la durée de vie courte d’une éolienne (environ 20 ans). De plus, concernant la rentabilité, celle-ci serait faible, en raison de l’instabilité du vent, qui ne permettrait pas à l’éolienne de produire de l’électricité que 20% du temps. De son côté, le SER insiste sur les progrès des éoliennes en matière de rentabilité. Ce n’est pas un argument choc, mais selon eux, produire de l’électricité grâce au vent deviendrait aussi rentable que le produire par d’autres moyens.
Sur le plan environnemental, le SER martèle que les éoliennes permettent de réduire significativement les émissions de CO2. A l’inverse, la FED dénonce la pollution que cache l’énergie éolienne. D’après ces derniers, il est nécessaire d’utiliser des centrales à gaz et charbon pour palier à la faible production des éoliennes. Ces centrales produisant beaucoup de CO2, les éoliennes participent donc aux émissions. Il est intéressant de noter que sur ce point, l’argument est totalement opposé, permettant de mettre en exergue la mauvaise foi de l’un des deux protagonistes.
Enfin sur le plan sociétal, les anti-éoliens s’insurgent contre les éoliennes qui polluent visuellement les paysages, qui sont sources de nuisances sonores, qui dévaluent le prix des maisons et ont un impact négatif sur le tourisme par baisse d’attractivité des secteurs ou elles sont installées. A contrario, la FEE affirme que les éoliennes sont facteur de dynamisme et permettent de développer l’emploi dans les zones où elles sont construites.
Finalement, chaque camp a son propre argumentaire pour faire valoir son point de vu. Ces arguments sont compréhensibles et n’ont qu’un intérêt limité dans la guerre informationnelle entre les deux. Ce qu’il est intéressant d’analyser, ce sont les vecteurs utilisés par les deux organismes afin de relayer leurs informations. Ces vecteurs divergent pour deux raisons : les publics visés ne sont pas les mêmes, les ressources non plus.
Le Syndicat des Energies Renouvelables a pour vocation de rallier les décideurs à sa cause. Pour cela, ils utilisent des lettres, études et autres rapports afin de faire connaître idées et de défendre leur point de vu auprès des élus notamment. A l’inverse, la FED utilise en majorité la presse, qu’elle soit nationale ou régionale. Cela n’est pas anodin : ils souhaitent rassembler autour d’eux les différentes actions locales contre les éoliennes. Afin de compléter cette stratégie, ils utilisent le lobbying, auprès des élus locaux et nationaux.
L’arme financière
Dans leurs stratégies d’influence respectives, une variable prend énormément d’importance et différencie les deux acteurs : les ressources financières. En effet, le SER possède beaucoup plus d’argent que la FED et cela se ressent dans ses actions. Prenons l’exemple significatif des sites internet, outil de communication privilégié. Celui du syndicat est beaucoup plus professionnel que celui de son adversaire. Cela a pour conséquence de rendre plus crédible une information provenant du site des pro-éoliennes. De fait, le consommateur d’information lambda aura tendance à abonder dans le sens de ces derniers, qui par leur professionnalisme, font passer la FED pour des mécontents marginaux, aux informations erronées. On se rend compte de l’importance que prend la forme d’une information, mais également de l’argent, dans une opération d’influence. Le manque de moyen financier et humain est préjudiciable à la Fédération anti-éolienne, ce qui l’oblige à user d’un ton agressif pour faire passer ses idées, ce qui, dans une certaine mesure, a aussi un impact négatif sur l’image de l’organisme.
Finalement, ce qu’il est intéressant d’analyser dans cette lutte informationnelle, ce n’est pas tant le conflit et les arguments déployés, mais plutôt de comprendre comment le SER arrive à accaparer l’attention et à faire perdre toute crédibilité à son opposant. En effet, il apparaît très clairement que les arguments des pro-éoliens sont beaucoup mieux relayés et ont un impact plus important sur la population. Cela s’explique pour plusieurs raisons que nous avons vues précédemment. Le syndicat dispose de plus d’argent que son homologue anti-éolien ce qui lui permet de mener des opérations plus efficaces et plus professionnelles. De plus composé de professionnels reconnus, il jouit d’un certain prestige qui lui permet d’être convié à de nombreuses manifestations d’importances tel que la COP21 ou encore le Grenelle de l’environnement. Enfin, à l’heure de la transition énergétique, les écologistes sont plus écoutés et vus comme des êtres rationnels qui œuvrent pour le bien de la population. Dès lors, leurs opposants sont mal perçus, ce qui explique que la FED n’ait pas forcément bonne réputation. Quoi qu’il en soit, avec le SER et la FEE comme défenseurs, les éoliennes ont encore de beaux jours devant elles.
François Dumeyniou