Le TCA, Epée Damoclès sur les exportations d’armement ?

Actuellement, plus de 130 pays de par le monde ont signés l’ATT (ou TCA, Traité sur le Commerce des Armes) entré en vigueur le 24 Décembre 2014, 3 mois après la ratification du cinquantième pays (87 à ce jour). Cette ratification à l’initiative des Etats de ce traité des Nations Unis - portant sur la régulation du commerce international des armes conventionnelles (Non nucléaires, biologiques ou chimiques) - est contraignante dans la mesure où, d’une part, ces Etats peuvent être responsables devant la Cour Internationale de Justice (CIJ ou ICJ) pour le respect des traités ratifiés ; et où d’autre part, des personnes physiques pourraient se trouver poursuivies devant la Cour Pénale Internationale pour avoir vendues des armes à des fins de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d'agression et / ou de crime de guerre.
Dans ce contexte, des ONG internationales telle Controls Arms, Amnesty International ou bien encore l’ASER (Action sécurité éthique républicaines) ont dénoncé plusieurs pays ayant ratifiés ce traité comme ne le respectant pas ; ceci du fait de l’utilisation hautement probable, supposée ou démontrée des armes vendues justement à ces fins de génocide, de crime contre l’humanité, de crimes de guerre, ou des attaques dirigées contres des civils.
Ce point est d’autant plus délicat, qu’il existe de nombreuses zones de conflits armés dans le monde, avec des zones régionales particulièrement touchées comme le proche Orient (Syrie, Yémen, Irak ….), sur fond d’affirmation de plus nombreux pays à l’échelle internationale ou régionale. Ceci augmente donc presque mécaniquement le risque d’utilisation des armes vendues à des fins prohibées, ce qui par voie de conséquence pourrait donc faire peser une épée Damoclès sur les exportations d’armement dans un futur proche.
En réalité, le TCA, poussé initialement par des ONG telle Amnesty International puis négocié par les Etats avec leurs concours, a pour unique but de réguler le commerce «légal et légitime» des armes dans le monde, basé sur la volonté de chaque Etats de vouloir ou non participer à la mise en œuvre de cette régulation via sa ratification.
De plus, il est important de souligner que ce traité ne remet pas en cause la souveraineté des Etats, tout comme leur volonté que d’assurer leur défense de façon passive ou réactive en procédant éventuellement à des importations. En effet, ils ne renoncent pas à leurs prérogatives d'États. De même, ce traité ne remet pas en cause les opérations internationales comme celles qui sont menées par exemple contre Daesh en Syrie à Raqqa ou bien en Irak à Mossoul.
Enfin, lors de la négociation et de la vente d’armement, les Etats exportateurs s’engagent en termes de responsabilité dans l'évaluation du risque d'usage des armes, par exemple contre des populations civiles. Bien entendu, cette évaluation dépend du contexte géopolitique, mais aussi géoéconomique. Si un doute raisonnable apparaît, des dispositions ou limitations techniques peuvent être incluses dans le contrat de ventes. En effet, des petits détails peuvent faire la différence entre ce qui est permis et ce qui ne l’est pas, par exemple, le modèle d’avion de chasse envisagé a-t-il l’autonomie suffisante pour faire un aller-retour jusqu’à un pays étranger par exemple ?
Dans ce contexte, le TCA ne constitue donc pas directement une épée Damoclès sur les exportations d’armement. Il se limite à les réguler au mieux en évitant leurs utilisations à des fins de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d'agression et de crime de guerre, par l’évaluation préalable des risques, même si la difficulté tient à la lecture géopolitique qui n'est pas toujours évidente. Ceci étant cela n’empêche pour autant certains pays de jouer sur les deux tableaux, en ratifiant le traité d’un coté, tout en reconnaissant de l’autre - des fois officiellement - que si certains contrats pouvaient permettre de créer ou sauvegarder des emplois, alors la finalité de l’utilisation des armes n’était pas un élément susceptible d’empêcher la vente. Ce fut le cas de l'Angleterre par exemple avec la vente d’avions de chasse britanniques à Riyad, au second semestre 2015. Philippe Hammond, ancien ministre britannique des Affaires étrangères, avait alors ouvertement reconnu fin 2015 à la BBC "être au courant" que certaines armes étaient utilisées au Yémen mais qu’il espérait qu’il y en aurait encore plus car ce commerce créait de l’emploi au Royaume-Uni.

TCA : Traité sur le Commerce des Armes ou Arm Trade Treaty (ATT)
CIJ : Cour Internationale de Justice ou International Court of Justice (ICJ)
CPI : Cour Pénale Internationale ou International Criminal Court (ICC)
NU : Nations Unis ou United Nations (UN)