"Secret des affaires" : une directive américaine pour les européens ?
L’union européenne connue pour défendre les valeurs de la dignité humaine, de l’égalité, de l’état de droit et surtout pour sa volonté de promouvoir la transparence met en place une législation du secret, de la discrétion, de l’ombre et de l’opacité.
2010, un petit groupe de multinationales américaines et européennes demande à la commission européenne de proposer une directive sur le secret des affaires. Afin de justifier cette demande de législation, les entreprises s’appuient sur certains cas de vols de secret d’affaire. La stagiaire chinoise qui a copié les fichiers informatiques de l’équipementier automobile Valeo ou encore le pneu qui a été copié durant un rallye d’automobile. Des cas de vols pourtant couvert par la législation européenne.
A la différence des Etats-Unis ou du Japon, ces cas sont traités par le droit pénal concernant le vol de document, la propriété intellectuelle pour les brevets et marques, le droit du travail pour les clauses de non concurrence. Cependant, cette directive a une valeur très importante pour les entreprises car elle englobe toutes activités ou informations qui a une valeur commerciale.
A quoi sert cette directive européenne
Ce texte vise à protéger les entreprises localisées en Europe contre l’espionnage industriel et économique. Les défenseurs de la directive s’appuient sur trois points :
- Lutter contre l’espionnage économique et industriel
- Protéger les innovations et recherches
- Défendre la compétitivité européenne
Que lui reprochent ses opposants
Les journalistes et lanceurs d’alertes estiment que la directive menace la liberté d’informer. Les entreprises seront seules à décider si une information a une valeur économique et donc, si elle peut être divulguée ou non. En cas de fuite, les sociétés pourraient engager des poursuites judiciaires à l’encontre des journalistes et lanceurs d’alertes. Aussi, les dommages et intérêts serait proportionnel au préjudice subi par l’entreprise. Ainsi, une information révélée peut couter des millions d’euros jusqu’à même l’emprisonnement.
De nombreux journalistes qui jouissent d’une médiatisation ou d’une notoriété et qui s’opposent à la directive mettent tous les moyens qui leur sont disponibles pour abroger cette législation. Citons notamment Christophe Barbier (L'Express), David Pujadas (France 2), Edwy Plenel (Mediapart), Elise Lucet (France 2), Fabrice Arfi (Mediapart), Jean-Jacques Bourdin (RMC), Patrick Cohen (France Inter), Wendy Bouchard (Zone Interdite, M6) etc.
Aussi, d’autres personnalités tel que Nicole Ferroni (comédienne et chroniqueuse de France Inter) qui mis en ligne une vidéo intitulée « Loi secret d’affaires = caca boudin » qui comptabilise plus de 14 millions de vues. Des écoles de journalismes tel que Sciences Po Paris, CELSA (Paris), CUEJ (Strasbourg) etc. ont signé la pétition lancée par Elise Lucet.
De quels grands groupes et fédérations parle-t-on ?
Alstom, Michelin, Air Liquide, Intel, AMSC sont appuyées par six fédérations et associations : l'European chemical industry council (Cefic) – la fédération européenne de la chimie, l'International Fragrance Association (IFRA) – fédération internationale des parfumeurs, Business Europe - association européenne du patronat, la fédération européenne des semenciers céréaliers, Europe 500 – association de PME européennes et la Trade Secret and Innovation Coalition (TSIC) – coalition pour le secret des affaires et de l'innovation.
Un calendrier législatif prêt au bon moment
13 avril 2016, les députés européens votent à une très large majorité le texte sur le secret des affaires proposé par la commission européenne, en dépit du fait que la pétition qui va à l’encontre de cette directive compte plus de 500.000 signataires. Ce vote fut réalisé après moins de deux semaines du scandale « Panama Papers », soit le 3 avril 2016. Aussi, le hasard du calendrier a fait que l’adoption du texte a été fait treize jours avant l’ouverture du procès d’Antoine Deltour, lanceur d’alerte et Edouard Perrin, journaliste à l’origine de l’affaire Luxleaks.
L’Amérique, le bon ami
Une directive qui en l’espace de quelques temps a passé toutes les étapes pour être effective. Dans une discrétion et indifférence totale, le cabinet lobbying américain Hill & Knowlton ainsi que deux cabinets d’affaires White & Case et Baker & McKenzie ont joué le rôle de les « poissons pilotes » dans l’élaboration de cette directive. Sans consulter la société civile, ce groupe de cabinets, très restreint mais avec un réseau puissant, a fait évoluer le texte dans l’intérêt des grands groupes et fédérations.
Selon l’ONG Corporate Europe Observatory qui a enquêté sur toute cette affaire précise bien que la société civile n’ait pas été consultée à travers un processus d’enquête publique contrairement à ceux qu’affirme la commission européenne.
La collaboration est très étroite entre les fédérations, les multinationales, cabinets et la commission européenne.
« Un de nos amis, Jean Bergevin, a obtenu un nouveau poste et une nouvelle mission au sein de la commission. Je lui ai parlé de votre travail », écrit en juillet 2011 Roger Milgrim un avocat de White & Case, à l’auteur de l’ouvrage sur le secret des affaires,.
« Business Europe m’a demandé pour avis ce qu’il pouvait faire pour soutenir le dossier au sein de la commission. Je leur ai répondu qu’il serait peut-être utile d’essayer d’éviter de donner une dimension extérieure aux discussions sur ce dossier à ce stade » écrit un haut fonctionnaire dans un courriel adressé à Jean Bergevin en juin 2013.
Les choses avancent en circuit fermé pour aboutir le 13 avril 2016 à l’adoption du texte sur le secret des affaires par les députés européens.
Kamielton Arulraj
2010, un petit groupe de multinationales américaines et européennes demande à la commission européenne de proposer une directive sur le secret des affaires. Afin de justifier cette demande de législation, les entreprises s’appuient sur certains cas de vols de secret d’affaire. La stagiaire chinoise qui a copié les fichiers informatiques de l’équipementier automobile Valeo ou encore le pneu qui a été copié durant un rallye d’automobile. Des cas de vols pourtant couvert par la législation européenne.
A la différence des Etats-Unis ou du Japon, ces cas sont traités par le droit pénal concernant le vol de document, la propriété intellectuelle pour les brevets et marques, le droit du travail pour les clauses de non concurrence. Cependant, cette directive a une valeur très importante pour les entreprises car elle englobe toutes activités ou informations qui a une valeur commerciale.
A quoi sert cette directive européenne
Ce texte vise à protéger les entreprises localisées en Europe contre l’espionnage industriel et économique. Les défenseurs de la directive s’appuient sur trois points :
- Lutter contre l’espionnage économique et industriel
- Protéger les innovations et recherches
- Défendre la compétitivité européenne
Que lui reprochent ses opposants
Les journalistes et lanceurs d’alertes estiment que la directive menace la liberté d’informer. Les entreprises seront seules à décider si une information a une valeur économique et donc, si elle peut être divulguée ou non. En cas de fuite, les sociétés pourraient engager des poursuites judiciaires à l’encontre des journalistes et lanceurs d’alertes. Aussi, les dommages et intérêts serait proportionnel au préjudice subi par l’entreprise. Ainsi, une information révélée peut couter des millions d’euros jusqu’à même l’emprisonnement.
De nombreux journalistes qui jouissent d’une médiatisation ou d’une notoriété et qui s’opposent à la directive mettent tous les moyens qui leur sont disponibles pour abroger cette législation. Citons notamment Christophe Barbier (L'Express), David Pujadas (France 2), Edwy Plenel (Mediapart), Elise Lucet (France 2), Fabrice Arfi (Mediapart), Jean-Jacques Bourdin (RMC), Patrick Cohen (France Inter), Wendy Bouchard (Zone Interdite, M6) etc.
Aussi, d’autres personnalités tel que Nicole Ferroni (comédienne et chroniqueuse de France Inter) qui mis en ligne une vidéo intitulée « Loi secret d’affaires = caca boudin » qui comptabilise plus de 14 millions de vues. Des écoles de journalismes tel que Sciences Po Paris, CELSA (Paris), CUEJ (Strasbourg) etc. ont signé la pétition lancée par Elise Lucet.
De quels grands groupes et fédérations parle-t-on ?
Alstom, Michelin, Air Liquide, Intel, AMSC sont appuyées par six fédérations et associations : l'European chemical industry council (Cefic) – la fédération européenne de la chimie, l'International Fragrance Association (IFRA) – fédération internationale des parfumeurs, Business Europe - association européenne du patronat, la fédération européenne des semenciers céréaliers, Europe 500 – association de PME européennes et la Trade Secret and Innovation Coalition (TSIC) – coalition pour le secret des affaires et de l'innovation.
Un calendrier législatif prêt au bon moment
13 avril 2016, les députés européens votent à une très large majorité le texte sur le secret des affaires proposé par la commission européenne, en dépit du fait que la pétition qui va à l’encontre de cette directive compte plus de 500.000 signataires. Ce vote fut réalisé après moins de deux semaines du scandale « Panama Papers », soit le 3 avril 2016. Aussi, le hasard du calendrier a fait que l’adoption du texte a été fait treize jours avant l’ouverture du procès d’Antoine Deltour, lanceur d’alerte et Edouard Perrin, journaliste à l’origine de l’affaire Luxleaks.
L’Amérique, le bon ami
Une directive qui en l’espace de quelques temps a passé toutes les étapes pour être effective. Dans une discrétion et indifférence totale, le cabinet lobbying américain Hill & Knowlton ainsi que deux cabinets d’affaires White & Case et Baker & McKenzie ont joué le rôle de les « poissons pilotes » dans l’élaboration de cette directive. Sans consulter la société civile, ce groupe de cabinets, très restreint mais avec un réseau puissant, a fait évoluer le texte dans l’intérêt des grands groupes et fédérations.
Selon l’ONG Corporate Europe Observatory qui a enquêté sur toute cette affaire précise bien que la société civile n’ait pas été consultée à travers un processus d’enquête publique contrairement à ceux qu’affirme la commission européenne.
La collaboration est très étroite entre les fédérations, les multinationales, cabinets et la commission européenne.
« Un de nos amis, Jean Bergevin, a obtenu un nouveau poste et une nouvelle mission au sein de la commission. Je lui ai parlé de votre travail », écrit en juillet 2011 Roger Milgrim un avocat de White & Case, à l’auteur de l’ouvrage sur le secret des affaires,.
« Business Europe m’a demandé pour avis ce qu’il pouvait faire pour soutenir le dossier au sein de la commission. Je leur ai répondu qu’il serait peut-être utile d’essayer d’éviter de donner une dimension extérieure aux discussions sur ce dossier à ce stade » écrit un haut fonctionnaire dans un courriel adressé à Jean Bergevin en juin 2013.
Les choses avancent en circuit fermé pour aboutir le 13 avril 2016 à l’adoption du texte sur le secret des affaires par les députés européens.
Kamielton Arulraj