La culture de la banane est délicate, le fruit est très fragile. Pour produire en quantité, il faut énormément d’agros toxiques. Cette culture est consommatrice des produits phytosanitaires : herbicides, fongicides, pesticides et nématicides. Les bananeraies utilisent beaucoup les fongicides en effet, en Amérique Centrale la « cercosporiose noir » s’est développée. Il s’agit d’un champignon qui s’attaque aux feuilles des bananiers et par conséquent ces derniers ne peuvent plus faire la photosynthèse. Pour lutter contre cette épidémie, la seule solution consiste à faire des épandages aériens (mélange d’huile de paraffine végétale et de substances actives). Chaque matin, l’avion doit emporter les substances pour les épandages. En fonction de la brise, même si les travailleurs ne sont pas dans les zones d’épandages, ils sont aussi aspergés par les produits chimiques, car tout dépend du vent. L’odeur des agros toxiques brulent le nez et la gorge, piquent les bras et le visage. Les travailleurs qui manipulent ces produits ne sont pas protégés. La contamination des ouvriers par les produits chimiques est omniprésente dans les bananerais. Delmonte néglige l’impact des produits toxiques sur la santé de ses employés. Les épandages sont massifs et mal maitrisés et se retrouvent directement dans les canaux d’irrigation qui sont contaminés notamment du bi-phosphate très toxique qui pollue les petites végétations et tue les poissons et les crustacés. Les effets des épandages touchent également les gens qui habitent aux alentours des bananerais. Ces villageois reconnaissent que l’utilisation des produits toxiques n’est pas bonne pour la santé. De plus, il y a une pollution sonore liée à l’avion qui décolle chaque matin à partir de 5h pour les épandages sur les bananerais. Ces habitants n’ont pas les moyens pour dénoncer les pratiques de Delmonte.
Pour garantir un approvisionnement ininterrompu de bananes, le Costa Rica est devenu l’un des plus importants utilisateurs d’agro toxique au monde. L’industrie de la banane utilise 40 kg de pesticides par hectare et par an, 20 fois plus que, ce que la norme Européenne limite. L’utilisation massive des produits nocifs dans les bananeraies est mise en cause dans l’explosion du nombre de cancers de la prostate ainsi que dans les problèmes épidémiologiques des travailleurs.
La situation dans les usines d'emballage de Delmonte
Les bananes sont coupées et plongées dans le bain de fongicide pour les protéger contre les champignons et éviter qu’elles ne pourrissent durant leurs voyages. Les travailleurs aux usines d’emballage ont les mêmes conditions de travail que ceux du site des plantations : de 10h par jour et 6 jours par semaine, pour un revenu de moins de 250 euros par mois. La plupart des travailleurs dans les usines d’emballage sont les femmes.
Tous les produits sont extrêmement dangereux et toxique pour l’homme et l’environnement. L’entreprise utilise également les produits interdits par l’UE comme le furadan jugé très dangereux pour la santé humaine. Ces produits toxiques permettent à Delmonte d’avoir les bananes plus belles avec une conservation plus longue. C’est le prix à payer pour obtenir un beau fruit de qualité.
Delmonte est l’une des trois grandes multinationales américaines qui détient la moitié du marché mondial. Elle exporte en Europe plus de 27 millions de tonnes de bananes chaque année. L’entreprise innove ses techniques de commercialisation face au changement de comportement des consommateurs. Le snacking Single Finger® est un nouveau produit de Delmonte vendu 0,90€ en France. C’est un emballage individuel avec un sachet recyclable micro perforé qui permet de conserver le produit plusieurs jours sans le dégrader. Cette gamme de produit provient directement du Costa Rica. Les bananes de Delmonte subissent plusieurs tests au sein de l’Institut National de la Recherche Agronomique en France (INRA) afin d’identifier les herbicides et évaluer sa toxicité. Les résultats obtenus montrent que les fongicides trouvés sur les bananes du Costa Rica sont inférieurs à la limite maximale autorisée. Cela signifie que ces fruits ne sont pas contaminés et les consommateurs sont protégés.
Les conflits entre les travailleurs et la multinationale
Depuis quelques années, les problèmes entre Delmonte et ses filiales au Costa Rica et ses travailleurs sont nombreux notamment dans la région de Sixaola (sud du Costa Rica) proche de la frontière avec le Panama. Dans cette zone, la plupart des travailleurs sont souvent des migrants panaméens dont les droits du travail ou sociaux ne sont pas respectés. Dans certaines plantations, les travailleurs ne peuvent pas intégrer les syndicats et bénéficier des conventions collectives qui sont très limitées. Ceci s’explique par l’existence d’un mouvement anti-syndicat au sein des entreprises nationales et multinationales. Les grèves ne plaisent pas à Delmonte et depuis 2015, 150 employés se sont mis en grève. Ils bloquent la production de bananes pour négocier une augmentation du salaire et des meilleures conditions de travail. Delmonte les a licenciés sans aucune négociation. Un an plus tard, les employés licenciés n’ont toujours pas de travail et n’ont aucun revenu. Mais ils souhaitent toujours réintégrer Delmonte pour continuer à survire. Cette souffrance ne touche pas seulement les adultes mais également les enfants des ouvriers. Pour se nourrir, ils doivent manger les bananes crues et les racines de manioc. De plus, Delmonte a détruit les logements des grévistes que l’entreprise avait construits pour eux. Ces travailleurs paient très cher leurs actes de résistance.
Malgré cette grève, le gouvernement du Costa Rica et du Panama ont organisé une négociation entre Bandeco filiale de Delmonte (site d’exploitation où les travailleurs sont en grève), le SITEPP (Syndicat des travailleurs des entreprises publiques et privées du Costa Rica) pour trouver un accord. Selon le rapport final, il y avait la promesse de l’entreprise de réembaucher les travailleurs et de ne pas expulser de leurs foyers des ouvriers licenciés. La grève sur les plantations Sixaola n’est qu’un exemple parmi d’autres. Les conflits entre les travailleurs et les grandes entreprises bananières sont récurrents dans les plantations de la région côtière. En 2013, SITEPP a organisé une grève pour protester contre les mauvaises conditions de travail et les plaintes ont été déposées auprès du ministère du travail.
A l’heure actuelle, malgré les nombreuses certifications reçues sur la qualité de la production de Delmonte telles que GlobalGap, ISO 14001 (Système de gestion environnementale), la sécurité alimentaire (FSSC 22000, BRCS, IFS, Organic Certifications), elle n’a pour l’instant obtenu aucune certification sur sa responsabilité sociale (SA 8000, un standard de responsabilité sociétale qui défend des conditions de travail décentes). Selon le rapport du bureau national d’inspection du Costa Rica, en 2014, la société intimide encore les ouvriers notamment par les pratiques de harcèlement au travail.
Sous la pression des groupes d’intérêts (lobbying du secteur de la banane), le gouvernement du Costa Rica a accepté de doubler la surface de la plantation menaçant des zones protégées. Il ne semble pas disposer des capacités institutionnelles, matérielles et humaines pour faire appliquer la loi et les règlements afin de respecter l’environnement et les droits des travailleurs.
Bouasavanh Phommavongsa
Cartographie des acteurs du conflit entre Bandeco filiale de Delmonte et les travailleurs au Costa Rica
Sources :
- Banana workers Strike "Bonita Banana" Organic Consummer Association - 2002
- Bananeraies et environnement : l’impact du mode d’exploitation, Comparaison des cas costaricain et martiniquais Benoît Quittelier
- Bananes à régime forcé Alimenterre Festival de films documentaires - 2011