En 2015, l’enseigne IKEA s’est embourbée dans un des plus anciens conflits territoriaux en Afrique. L’affaire a pris une proportion politique imprévisible, au cœur d’une véritable guerre économique entre le Maroc et la Suède. Explications.
Après son installation en Égypteen 2013, le géant du meuble en kit (32 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2015) prévoit de pénétrer le marché marocain. Les porteurs du projet ont prévu 40 millions d’euros d’investissement et la création de 400 emplois directs à Casablanca, dans un vaste complexe commercial, au centre d’une « éco-cité ».
À la veille de son ouverture officielle, le lancement d’IKEA se retrouve bloqué par l’administration locale pour des raisons de problème du visa d’exploitation et de sécurité.Officieusement, la non-ouverture du magasin est due à des tensions politiques et diplomatiques entre le Maroc et la Suède.
En effet, parallèlement à l’implantation d’IKEA au Maroc, un groupe de parlementaires suédois issu du parti social-démocrate des travailleurs, travaillent sur une motion de reconnaissance de la prétendue « République Arabe Sahraouie Démocratique » (RASD), dirigé par le « Front Polisario » et soutenue par l’Algérie. Un sujet ultra-sensible qui cristallise la diplomatie marocaine et l’opinion publique. Cela d’autant plus que le gouvernement suédois venait de reconnaître l’autorité palestinienne malgré les protestations d’Israël.
Suite à cela, s’ensuit plusieurs mois de blocage et deva-et-vient entre les diplomates des deux pays. La mesure de rétorsion du gouvernement islamiste (PJD) envers IKEA avait pour objectif de contraindre la Suède à réviser sa position.
Parallèlement, les acteurs de la société civile au Maroc s’organisent pour mobiliser l’opinion publique sur les réseaux sociaux. Une campagne de boycott est organisée contre les sociétés suédoises : H et M, Volvo, Ericsson, IKEA. Même si les relations économiques entre ces deux pays sont modestes, la présence de ces entreprises sur le marché marocain reste significative.
Suite à une visite de parlementaires marocains en Suède, le ministère des affaires étrangères suédois renonce officiellement à la reconnaissance de la RASD et à tout débat sur la question au parlement.
Si l’arrivée de l’enseigne est redoutée par les concurrents marocains comme KITEA, le n°1 mondial de l’ameublement suédois finit par ouvrir ses portes après une année de blocage.
Sur le long terme il aurait été difficile d’interdire l’enseigne au vu des investissements engagés mais surtout pour l’image du Maroc et sa réputation sur la scène économique internationale.
Si l’on se base sur l’analyse des affrontements économique en ayant une approche par les échiquiers, on comprend que cette histoire recoupe au moins trois ensembles : le politique, le sociétal et l’économique.
• L’échiquier politique : les relations entre le Maroc et la Suède sont tendues. Le gouvernement PJD, soutenu par les principales forces politiques du pays, est hostile à la présence d’IKEA et agit par une stratégie d’attaque et d’influence sur le positionnement suédois.
• L’échiquier économique : les principaux concurrents marocains d’IKEA sont défavorables à la présence de l’enseigne très attendue par les marocains car réputée pour ses prix bas. La filière de l’artisanat (bois, fer, cuivre, etc.) est également opposée car l’enseigne menacerait des emplois et un symbole du patrimoine.
• L’échiquier sociétal : la société civile s’organise pour contrer l’implantation suédoise. Des associations pour la promotion du Sahara marocain et la défense de la souveraineté nationale, montent au créneau pour mettre en place une campagne de boycott. Une manifestation est organisée devant l’ambassade de Suède à Rabat rassemblant plusieurs milliers de personnes. Cette campagne sera relayée sur les réseaux sociaux mais aussi par les organes de presse officiels tousacquis à cette cause nationale.
C’est les pressions conjuguées de ces différentes forces (diplomatique, commerciale et médiatique) qui permettront de contraindre le gouvernement suédois et l’ouverture de l’enseigne en 2016.
Jibril Sijelmassi
Après son installation en Égypteen 2013, le géant du meuble en kit (32 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2015) prévoit de pénétrer le marché marocain. Les porteurs du projet ont prévu 40 millions d’euros d’investissement et la création de 400 emplois directs à Casablanca, dans un vaste complexe commercial, au centre d’une « éco-cité ».
À la veille de son ouverture officielle, le lancement d’IKEA se retrouve bloqué par l’administration locale pour des raisons de problème du visa d’exploitation et de sécurité.Officieusement, la non-ouverture du magasin est due à des tensions politiques et diplomatiques entre le Maroc et la Suède.
En effet, parallèlement à l’implantation d’IKEA au Maroc, un groupe de parlementaires suédois issu du parti social-démocrate des travailleurs, travaillent sur une motion de reconnaissance de la prétendue « République Arabe Sahraouie Démocratique » (RASD), dirigé par le « Front Polisario » et soutenue par l’Algérie. Un sujet ultra-sensible qui cristallise la diplomatie marocaine et l’opinion publique. Cela d’autant plus que le gouvernement suédois venait de reconnaître l’autorité palestinienne malgré les protestations d’Israël.
Suite à cela, s’ensuit plusieurs mois de blocage et deva-et-vient entre les diplomates des deux pays. La mesure de rétorsion du gouvernement islamiste (PJD) envers IKEA avait pour objectif de contraindre la Suède à réviser sa position.
Parallèlement, les acteurs de la société civile au Maroc s’organisent pour mobiliser l’opinion publique sur les réseaux sociaux. Une campagne de boycott est organisée contre les sociétés suédoises : H et M, Volvo, Ericsson, IKEA. Même si les relations économiques entre ces deux pays sont modestes, la présence de ces entreprises sur le marché marocain reste significative.
Suite à une visite de parlementaires marocains en Suède, le ministère des affaires étrangères suédois renonce officiellement à la reconnaissance de la RASD et à tout débat sur la question au parlement.
Si l’arrivée de l’enseigne est redoutée par les concurrents marocains comme KITEA, le n°1 mondial de l’ameublement suédois finit par ouvrir ses portes après une année de blocage.
Sur le long terme il aurait été difficile d’interdire l’enseigne au vu des investissements engagés mais surtout pour l’image du Maroc et sa réputation sur la scène économique internationale.
Si l’on se base sur l’analyse des affrontements économique en ayant une approche par les échiquiers, on comprend que cette histoire recoupe au moins trois ensembles : le politique, le sociétal et l’économique.
• L’échiquier politique : les relations entre le Maroc et la Suède sont tendues. Le gouvernement PJD, soutenu par les principales forces politiques du pays, est hostile à la présence d’IKEA et agit par une stratégie d’attaque et d’influence sur le positionnement suédois.
• L’échiquier économique : les principaux concurrents marocains d’IKEA sont défavorables à la présence de l’enseigne très attendue par les marocains car réputée pour ses prix bas. La filière de l’artisanat (bois, fer, cuivre, etc.) est également opposée car l’enseigne menacerait des emplois et un symbole du patrimoine.
• L’échiquier sociétal : la société civile s’organise pour contrer l’implantation suédoise. Des associations pour la promotion du Sahara marocain et la défense de la souveraineté nationale, montent au créneau pour mettre en place une campagne de boycott. Une manifestation est organisée devant l’ambassade de Suède à Rabat rassemblant plusieurs milliers de personnes. Cette campagne sera relayée sur les réseaux sociaux mais aussi par les organes de presse officiels tousacquis à cette cause nationale.
C’est les pressions conjuguées de ces différentes forces (diplomatique, commerciale et médiatique) qui permettront de contraindre le gouvernement suédois et l’ouverture de l’enseigne en 2016.
Jibril Sijelmassi