La lutte de la Colombie contre l’industrie pharmaceutique américaine

L’ONG Knowledge Ecology International (KEI), fondée par Ralph Nader en 1995 est Active dans le secteur dit du public interest law. Elle milite en particulier dans ce qui relève de la propriété intellectuelle et de ses effets sur la santé publique, dans le droit de l'Internet et du e-commerce, et dans la politique antitrust. Elle s'est opposée au monopole de Microsoft et de l'ICANN, ainsi qu'à la brevetabilité des logiciels et des brevets sur les méthodes de commerce, et travaille avec d'autres associations pour transformer l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle en un organisme opérant davantage sur le mode d'une agence de l'ONU. Elle a engagé un combat contre ce qu’elle considère être un abus du droit de propriété intellectuelle, et qui pourrait constituer un cas d’école, l’utilisation d’un médicament générique anti-cancer par la Colombie, à laquelle s’oppose un sénateur américain notoirement lié à l’industrie pharmaceutique.

L’importance des génériques
Ce médicament est l’Imatinib. Son fabricant, Novartis, commercialise ce médicament en Colombie sous le nom de Glivec. Actuellement, son coût de traitement revient à plus de 15 000 $ par an, soit environ deux fois le revenu moyen colombien, d’où la demande colombienne d’une « compulsory licence », procédure permettant de produire un médicament d’intérêt général sans l’accord du propriétaire. Le 26 avril 2016, le ministre colombien de la Santé a annoncé l’intention de franchir la première étape d’un processus en plusieurs parties, qui pourrait éventuellement conduire à la production générique du médicament. Dès le lendemain et le surlendemain, Andrés Flórez, le chef adjoint de mission à l’ambassade de Colombie à Washington, écrivait des lettres (les 27 avril et 28 avril) au ministère colombien de la Santé, en précisant les préoccupations qu’il avait sur d’éventuelles représailles du Congrès contre une telle initiative. Les lettres ont été obtenues par l’ONG Knowledge Ecology International.

Le lobbying américain au Sénat
Florez indiquait en particulier que l’avocat Everett Eissenstat, conseiller du Comité des finances du Sénat pour le Commerce international, lui avait dit qu’autoriser la version générique reviendrait à « violer les droits de propriété intellectuelle» de Novartis, et que si «le ministère de la Santé n’a pas corrigé cette situation, l’industrie pharmaceutique états-unienne et les groupes d’intérêt concernés pourraient devenir très vocaux et interférer avec d’autres intérêts que la Colombie pourrait avoir aux États-Unis ».
En particulier, Flórez s’est inquiété du fait que « cette affaire mettrait en péril l’approbation du financement de la nouvelle initiative Paix en Colombie ».
En effet, l’administration Obama a promis 450 millions de dollars pour la Paix en Colombie, initiative cherchant à réunir les rebelles et le gouvernement pour mettre fin à des décennies de combats qui ont donné lieu à des centaines de milliers de morts.
Le relais de l’industrie pharmaceutique américaine au Congrès serait le sénateur républicain de l’Utah Orrin G. Hatch, président pro tempore du Sénat des Etats-Unis et président du Comité des finances du Sénat pour le Commerce international qui emploie l’avocat Eissenstat.
En effet, Hatch a des liens étroits avec l’industrie pharmaceutique. Les fabricants de produits pharmaceutiques et de santé sont les deuxièmes plus grands donateurs de ses campagnes.

L’instrumentalisation de la société civile
La principale association de cette industrie, la Pharmaceutical Research and Manufacturers of America, a dépensé 750 000 dollars pour le financement d’une association à but non lucratif qui a soutenu la réélection de Hatch en 2012. Le groupe de lobbying a également employé Scott Hatch, l’un des fils du sénateur, en tant que lobbyiste, tout en faisant des dons à l’organisme de charité de la famille, la Utah Families Foundation.
De son coté, Eissenstat a remporté le prix Lighthouse Award lors du dîner annuel de la Washington International Trade Association (WITA). Le conseil d’administration de WITA est composé en grande partie du personnel chargé des relations avec le gouvernement de grandes entreprises qui aident à faire voter des politiques commerciales et de propriété intellectuelle en leur faveur: WalMart, Microsoft et Gap y ont tous des représentants. En remettant le prix à Eissenstat, Bill Lane, membre du conseil d’administration de WITA, a déclaré que le prix est décerné à une « lumière de la communauté commerciale »… et d’un lobbying qui ne fait pas dans la dentelle.
A suivre, sur le site de KEI.