Existe-t-il un consensus informationnel africain sur la politique chinoise en Afrique ?

Désormais principal partenaire commercial du continent africain avec un volume de 300 milliards d’echanges, la Chine est aujourd’hui un important investisseur pour les pays africains qui ont vu le volume et les recettes de leurs exportations augmenter. La Chine est devenue en une quinzaine d’année le principal partenaire de coopération des pays africains dans plusieurs domaines clés. A la fin de l'année 2014, les investissements cumulés chinois en Afrique ont atteint 101 milliards de dollars et bénéficié à plus de 3.100 entreprises africaines. En 2014, les échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique ont atteint 221,9 milliards de selon M. Xi. Jinping, Président de la République Populaire de Chine (RPC).

Une stratégie graduelle de positionnement en Afrique


La coopération sino-africaine qui débute lentement en 1955 avec la conférence de Bandung, va connaître une croissance fulgurante à partir de 2000 avec l’institution du Forum sur la coopération Chine-Afrique (Focac). La Chine développe une nouvelle approche du développement, de type gagnant-gagnant qui combine les aides et dons, les échanges commerciaux et les investissements.
Remportant la plupart des appels d’offres de grands projets de constructions devant les géants européens du BTP, la Chine est fustigée par les occidentaux pour ses méthodes dites non conventionnelles. La coopération sino-africaine est présentée par la Chine comme une démarche sans ambition d’influence politique et économique affichée ni cachée.
La Chine coopère avec des gouvernements de tout bord, démocratiques comme dictatoriaux. Le respect des chaines de valeurs mondiales que sont les droits de l’homme et la bonne gouvernance ne constitue en aucun cas un frein à la coopération chinoise. La démarche chinoise prend ainsi donc le contre pied des méthodes jusque là utilisées par les Etats Unis et l’Europe.
Contrairement aux modèles traditionnels occidentaux, la conquête des marchés africains par la Chine s’appuie sur le déploiement stratégique d’un ensemble d’outils non coercitifs, matérialisé par une diversités de vecteurs idéologiques, culturels et économiques, exploitant de façon subtile les failles des relations « ex colons-colonies » d’une part et les limites et échecs des aides aux développement des institutions financières notamment la banque Mondiale et le FMI.

Les objectifs de la Chine


Loin d’être anodin, la percée chinoise en Afrique répond à trois problématiques essentielles:
- La recherche et la conquête de matières premières agricoles, pétrolière, énergétiques, minières et minéralogiques nécessaires au développement et maintien de la chine dans le cercle très restreint des Nations les plus puissantes de la planète
- La limitation de l’hégémonie en Afrique des Etats Unis, du Japon, de la France et du Royaume Unis à travers la main mise sur une part de marchés qui historiquement leur était acquis. L’Afrique, qui à l’horizon 2050 abritera un quart de la population mondiale (devant la Chine et l’Inde) et une grande partie des ressources naturelles et agricoles, est un continent stratégique pour l’ensemble des grandes puissances.

Le discours idéologique, premier instrument du soft Power Chinois


L’engagement chinois en Afrique est idéologiquement fondé sur le respect de la souveraineté des Etats africains, de l’égalité et du respect mutuel car la Chine se présente encore comme un pays en développement autant que les pays africains. Ce statut d’économie en développement et son attachement à la non-ingérence dans les affaires internes, confère à l’empire du Milieu un avantage idéologique sur ses confrères occidentaux. Pékin se présente aux pays africains comme le leader d’un partenariat naturel Sud-Sud sur fond de solidarité. Cette démarche idéologique est affirmée par les plus hautes personnalités chinoises et est consacrée par le sommet sino-africain et le Focac (Forum de coopération sino-africain) qui compte à ce jour 50 pays africains ayant établi des relations diplomatiques avec la Chine, Commission de l'UA.

Le model Win-Win, un pilier du soft power chinois


Pour se différencier des pays occidentaux, Pékin use de tact et exploite les failles des relations entre les ex-colons et les ex-colonies. Les relations diplomatiques et commerciales entre les ex colons et les ex-colonies étaient fondées jusqu'à très récemment sur des zones d’influences historico-politiques appelées pré-carrés qui avaient pour leviers de vastes réseaux de l’ombre du renseignement et de la diplomatie, des relations personnelles avec les dirigeants, des mécanismes politiques, économiques et militaires manipulés et sous contrôles, dans le seul but de conserver et d’exercer un hard power sur les ex-colonies. L’ouverture des marchés africains à la concurrence internationale va profiter à Pékin qui offre une nouvelle forme de partenariat gagnant-gagnant qui prend à contre pied les méthodes des puissances colonisatrices .Il s’agit pour Pékin de répondre aux attentes des Etats africains en octroyant des aides aux développement et des dons dans des conditions autres que celles dictées par l’Europe, les Etats Unis et les institutions Financières. La Chine a fait la différence en proposant la construction d’infrastructures (routes, chemins de fer, hôpitaux, Ecoles, réseaux électrique, centres culturels, sièges d’institutions, usines) contre des accès aux ressources.

Un usage subtil de l'annulation de la dette


L’annulation en 2006 des dettes d’une valeur totale 10 milliards de yuan en faveur de 31 États illustre bien la volonté « philanthropique » que fait passer la Chine sur sa présence africaine. Le tableau (1) ci-après résumant les aides et actions à l’occasion des différents Focac, met bien en exergue la charité chinoise. Au dernier Sommet Chine-Afrique tenu en Décembre 2015 à Johannesburg, le Président Chinois Xi Jinping a déclaré que la Chine octroiera un total de 60 milliards de dollars d’aide financière incluant 5 milliards de prêts à taux zéro et 35 milliards de prêts à taux préférentiels » à l’Afrique.
Contrairement aux aides du CAD, de l’OCDE, des institutions de Bretton Woods et des banques de développement, l’aide chinoise est affranchie de toute contrainte de respect des valeurs démocratiques, de bonne gouvernance et des droits de l’homme, toute chose qui permet à la Chine de travailler avec des Etats de tout ordre, démocratique ou même dictatoriaux. La construction et la livraison du nouveau siège de l’OUA Addis-Abeba, à hauteur de plus de 200 millions de dollars est une illustration parfaite des dons chinois à l’Afrique. Pékin profite subtilement donc de l’échec des modèles occidentaux d’appui au développement sous la bannière des plans d’ajustements structurels et de la perte de terrain des anciennes puissances coloniales face à la concurrence internationales pour s’installer en Afrique, à travers une politique d’aide jusque là proscrite.
En contrepartie de cette générosité, Pékin gagne des marchés et remporte des appels d’offre. Ainsi, entre 1995 et 2013 la Chine se classe première en part de marche dans l’exploitation des matières premières soit 54 % pour le bois, 21 % pour pétrole et 42 % pour les minerais ou métaux devant les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Inde le Brésil .Les Etats-Unis en revanche dépassent Pékin dans l’exploitation du pétrole (47 % du total).

La diplomatie très active de Pékin


Concrétisé par le Focac organisé tous les trois ans depuis 2000, la diplomatie pékinoise est menée depuis le haut sommet par le Président lui-même. Les visites du président chinois en Afrique dépassent de très loin celles des autres présidents occidentaux et américains. L’exécutif pékinois se fait appuyer par un ambassadeur itinérant rattaché au Ministre des affaires étrangères ainsi que par des ambassadeurs affectés dans les différents 50 pays ayant reconnu Pékin.
La culture chinoise, est également un outil de l’expansion chinoise en Afrique. A travers les instituts Confucius Pékin fait la promotion d’une Chine pacifique, solidaire et ami de l’Afrique. Les nombreuses bourses d’études et les aides à la formation participent de la politique d’aide de la chine en Afrique. A cela s’ajoute la forte présence médiatique de la Chine sur le vieux continent.
La coopération Chine-Afrique est cependant l’objet de plusieurs controverses et critiques venant des puissances occidentales et les Etats Unis. Mais les Etats bénéficiaires des investissements chinois semblent satisfaits dans leur ensemble et continuent d’ouvrir grandement leurs marchés à Pékin.

Exim Bank, pouvoir financier chinois en Afrique


L’Etat chinois à travers ces banques, notamment l’Exim Bank, finance dans des conditions hors marché, à la fois les entreprises chinoises implantées en Afrique, les multinationales africaines et même les Etats africains.
En effet, l’Exim Bank, banque étatique, est dotée d’une réserve de change de plus de 4000 milliards de dollars. Cette réserve de change sert à financer à taux préférentiels, les multinationales Chinoises implantées à l’étranger et notamment en Afrique. Il s’agit de subventions sous forme de prêts concessionnels octroyés aux multinationales chinoises qui de ce fait bénéficient d’une trésorerie abondante permettant de mener à bien leurs projets d’investissement en Afrique.
L’Exim Bank octroie également des crédits à l’export aux entreprises chinoises, toute chose qui facilite leurs transactions a l’importation depuis l’Afrique.
Enfin depuis 2000, L’Exim Bank donne des crédits à taux préférentiels ou non aux États africains, selon leur niveau de solvabilité. Cette banque nationale qui agit activement dans le secteur privé négocie et finance directement des contrats de BTP .Par ce mécanisme les banques chinoises concurrencent et se substituent ainsi donc aux bailleurs de fonds traditionnel que sont les institutions de Bretton Woods en offrant des conditions de prêts inégalées.