À la fin des années 1990, Pierre Meneton, un chercheur à l'Inserm, amorce des discussions publiques avec les autorités sanitaires françaises sur la consommation de sel de la population. Consommé en grandes quantités, le sel pourrait favoriser l’augmentation de la pression artérielle avec l'âge et les accidents cardiovasculaires qui sont responsables, en France, de plusieurs milliers de décès par an. La majorité (80%) de sel ingéré est contenue dans les aliments transformés. L'industrie agro-alimentaire incorpore beaucoup de sel dans les aliments pour de multiples raisons, allant de la conservation au goût des aliments. Grâce à sa faculté de rétention d'eau, le sel augmente artificiellement le poids d'un certain nombre de produits, et en conséquence leur prix de vente au kilo. Le sel est aussi utilisé comme exhausteur de goût, à un coût très négligeable, qui masque la fadeur d'un certain nombre d'aliments industriels bas de gamme.
Qui est responsable ?
Le secteur agro-alimentaire est donc en grande partie responsable de la consommation excessive de sel français et des décès qu'elle causerait potentiellement. Un autre chercheur de l'Inserm, rédacteur de la notice officielle publique sur le sel intitulée Apports nutritionnels conseillés, est aussi conseiller scientifique du comité de salines de France, a mis publiquement en cause les travaux de Mr Meneton. Ce dernier a été attaqué, en 2006, pour diffamation par le Comité des salines de France, pour avoir affirmé que ce lobby "désinformait les professionnels de la santé et les médias" - procès qu'il gagnera par la suite.
Cette irruption de débats et intérêts publiques autour du sel semble s’installer dans la continuité des alertes en santé publique. Les porteurs de ces alertes sont souvent nécessaires pour dénoncer l'action de divers "lobbies" industriels œuvrant à bloquer l’accès au grand public à l’information sur les effets de certaines substances sur la santé. En termes de la nutrition, la presque ignorance sociale de certains risques et la faiblesse des mesures prises contre l'industrie seraient dues principalement à des coalitions d'intérêt; les grandes entreprises agro-alimentaires réussiraient, grâce à un travail continu de lobbying et de désinformation, à empêcher durablement toute action publique efficace en matière de nutrition
En 2012, l’agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), qui suit la composition de plus de 319 aliments de référence depuis 2003, a démontré dans son rapport une baisse des teneurs en sel de certains produits alimentaires. Cette diminution reste toutefois insuffisante pour atteindre les objectifs fixés par l’Organisation Mondiale de la Santé (objectif à long terme d’un apport total maximum de sel de 5 g/jour). Le rapport pointe à des efforts hétérogènes et inégaux, et globalement insuffisants, de la part des industriels pour réduire la teneur en sel de leurs produits.
L’effacement des pouvoirs publics
La faiblesse des actions publiques engagées dans ce domaine selon des chercheurs de l’institut national de la recherche agronomique (INRA), dans une étude bien détaillée sur la réduction des apports en sel de la population, s’explique par quatre facteurs principaux : l'existence d'incertitudes scientifiques et leurs usages stratégiques ; l'existence d'obstacles techniques et économiques au niveau du secteur agro-alimentaire ; l'isolement des chercheurs mobilisés sur cette question ; et enfin la prégnance, parmi les experts et acteurs administratifs, d'une conception globale de la nutrition, refusant de focaliser l'attention sur tel ou tel aliment.
En 2016, les consommateurs continuent à ingérer encore à peine moins de sel qu’il y a 18 ans lorsque l’alerte sur les méfaits de la surconsommation de sel a été donnée. Cependant des associations de consommateurs comme le groupe SALT qui cible entre autres de promouvoir l’intérêt de limiter les taux de sodium dans les produits alimentaires, commencent à émerger. Le Groupe SALT vise à jouer un rôle de facilitateur pour la mise en place d'une offre alimentaire aux meilleures qualités nutritionnelles possibles, aux côtés des entreprises et des filières concernées, face aux attentes des consommateurs. Est-ce que ces associations vont réussir à créer une conscience collective qui pourra donner un effet beaucoup plus tangible que celui des autorités sanitaires auprès de l’industrie agro-alimentaire ?
Référence :
Marc-Olivier Déplaude, Didier Torny, Une cause trop singulière. Réduire les apports en sel de la population, XIIIèmes journées des sociologues de l'INRA, Montpellier, 12 juin 2009, 21 p.
Qui est responsable ?
Le secteur agro-alimentaire est donc en grande partie responsable de la consommation excessive de sel français et des décès qu'elle causerait potentiellement. Un autre chercheur de l'Inserm, rédacteur de la notice officielle publique sur le sel intitulée Apports nutritionnels conseillés, est aussi conseiller scientifique du comité de salines de France, a mis publiquement en cause les travaux de Mr Meneton. Ce dernier a été attaqué, en 2006, pour diffamation par le Comité des salines de France, pour avoir affirmé que ce lobby "désinformait les professionnels de la santé et les médias" - procès qu'il gagnera par la suite.
Cette irruption de débats et intérêts publiques autour du sel semble s’installer dans la continuité des alertes en santé publique. Les porteurs de ces alertes sont souvent nécessaires pour dénoncer l'action de divers "lobbies" industriels œuvrant à bloquer l’accès au grand public à l’information sur les effets de certaines substances sur la santé. En termes de la nutrition, la presque ignorance sociale de certains risques et la faiblesse des mesures prises contre l'industrie seraient dues principalement à des coalitions d'intérêt; les grandes entreprises agro-alimentaires réussiraient, grâce à un travail continu de lobbying et de désinformation, à empêcher durablement toute action publique efficace en matière de nutrition
En 2012, l’agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), qui suit la composition de plus de 319 aliments de référence depuis 2003, a démontré dans son rapport une baisse des teneurs en sel de certains produits alimentaires. Cette diminution reste toutefois insuffisante pour atteindre les objectifs fixés par l’Organisation Mondiale de la Santé (objectif à long terme d’un apport total maximum de sel de 5 g/jour). Le rapport pointe à des efforts hétérogènes et inégaux, et globalement insuffisants, de la part des industriels pour réduire la teneur en sel de leurs produits.
L’effacement des pouvoirs publics
La faiblesse des actions publiques engagées dans ce domaine selon des chercheurs de l’institut national de la recherche agronomique (INRA), dans une étude bien détaillée sur la réduction des apports en sel de la population, s’explique par quatre facteurs principaux : l'existence d'incertitudes scientifiques et leurs usages stratégiques ; l'existence d'obstacles techniques et économiques au niveau du secteur agro-alimentaire ; l'isolement des chercheurs mobilisés sur cette question ; et enfin la prégnance, parmi les experts et acteurs administratifs, d'une conception globale de la nutrition, refusant de focaliser l'attention sur tel ou tel aliment.
En 2016, les consommateurs continuent à ingérer encore à peine moins de sel qu’il y a 18 ans lorsque l’alerte sur les méfaits de la surconsommation de sel a été donnée. Cependant des associations de consommateurs comme le groupe SALT qui cible entre autres de promouvoir l’intérêt de limiter les taux de sodium dans les produits alimentaires, commencent à émerger. Le Groupe SALT vise à jouer un rôle de facilitateur pour la mise en place d'une offre alimentaire aux meilleures qualités nutritionnelles possibles, aux côtés des entreprises et des filières concernées, face aux attentes des consommateurs. Est-ce que ces associations vont réussir à créer une conscience collective qui pourra donner un effet beaucoup plus tangible que celui des autorités sanitaires auprès de l’industrie agro-alimentaire ?
Référence :
Marc-Olivier Déplaude, Didier Torny, Une cause trop singulière. Réduire les apports en sel de la population, XIIIèmes journées des sociologues de l'INRA, Montpellier, 12 juin 2009, 21 p.