La montée du numérique dans l’économie signera-t-elle le retour des drogmans ?
La montée du numérique dans un système économique de plus en plus soumis à un environnement incertain tend progressivement à modifier la structure des organisations les obligeant à passer d’une structure « pyramidale » à une structure en « réseau » pour une meilleure agilité. Les cultures d’entreprises qui jusqu’à présent étaient principalement fondées sur le paramètre « hiérarchie » va tendre vers la notion de « collaboration » et les modèles d’affaires organisés autour de l’approche « Produit/service & Support » privilégieront la notion « relation & partenaire ». Enfin, la « valeur » sera concentrée non plus sur le « produit » mais sur « l’expérience client ».
Cette tendance induite de la numérisation, tend également à accentuer l’accélération des échanges (plus forcément uniquement marchands) dans ce que l’on croyait être à l’origine un « village global » unique. Or les dernières analyses semblent montrer que l’on aurait plus tendance à évoluer dans un « espace global » comprenant de « nombreux villages » protégés par des barrières linguistiques et culturelles. Les « hypothèses de convergence » des années 80 - 90 permettant aux puissances occidentales fortes de leurs dominations politiques, économiques, technologiques, culturelles, d’imposer leurs points de vue au reste du monde unipolaire semblent s’éloigner progressivement laissant place à de nouveaux enjeux de pouvoir.
Dès lors que nous ne sommes plus en mesure d’imposer, nous devons retrouver une capacité (perdue) de percevoir pour influencer. Cette capacité de perception, comme le définissait le philosophe hollandais Baruch Spinoza (Traité de la réforme de l’entendement publié en 1677), s’appuie sur 4 modes d’acquisition : Les 5 sens, l’expérience acquise, le raisonnement et l’intuition. Domaine dans lesquels excellaient les Drogmans dans l’Empire Ottoman dès le VIIIe Siècle.
De façon assez paradoxale, cette accélération des échanges et réduction du temps apportées par les nouvelles technologies imposant une meilleure capacité des maillons interculturel à produire de la capacité à mettre en perspectives des informations dans des environnements linguistiques et culturels spécifiques ne signifiera-t-elle pas la résurgence de cette catégorie d’intermédiaires, les Drogmans de l’ère du numérique, qui seraient non plus seulement en charge de seconder les agents diplomatiques et consulaires, mais également les agents économiques partis à la conquête de nouveaux relais d’influence.
Jean-Philippe Eglinger