A qui profite la lutte contre la corruption en Roumanie ?

Depuis les années 1990, la Roumanie connait une longue histoire de trafics et de corruption, avec des affaires comme « Tigareta II » impliquant des hommes politiques, douaniers ou militaires. Cette longue histoire de corruption perdure, avec les poursuites récemment engagées à l’encontre de politiques tels que l’ancienne ministre du Développement Elena Udrea, ou encore le désormais ancien Premier Ministre Victor Ponta.

La lutte contre la corruption est-elle aussi une protection des investissements américains ?
La lutte contre la corruption n’est pas récente, mais s’accélère à partir de 2004, lorsque l’ancien Président Traian Basescu annonce un virage dans la politique extérieure du pays. Désireux de mettre en place un axe Washington-Londres-Bucarest, il ouvre le pays aux flux de capitaux mondiaux. Les puissances étrangères qui souhaitent une stabilité politique et économique, font alors de la lutte contre la corruption, la condition d’entrée de la Roumanie dans l’UE et l’OTAN. La Roumanie, qui aspire à être le réceptacle d’investissements étrangers, notamment américains ne veut pas heurter les futurs investisseurs et s’engage dans une véritable lutte contre la corruption avec la création de la DNA qui aboutira à la poursuite de nombreux hommes politiques et directeurs d’entreprises.
En 2009, la Roumanie se voit attribuer par la Cour Internationale de Justice un plateau continental autour de l’île-des-Serpents, de 9.700 km2, rempli d’hydrocarbures. Le pays a un potentiel énergétique important, et multiplie les partenariats avec les puissances étrangères. La Roumanie signe le partenariat stratégique roumano-américain du XXIe siècle, et plusieurs compagnies internationales pétrolières contractent avec elle pour l’extraction des hydrocarbures (Total, OMV et ExxonMobil). La Roumanie est devenue une terre riche et stratégique. Les Etats-Unis continuent donc de soutenir la lutte anticorruption pour réduire l’influence russe, et s’assurer de la stabilité du pays qui accueille déjà de nombreux investissements américains.

Une filiale de Véolia dans le collimateur des autorités roumaines
Une nouvelle affaire de corruption vient entacher cette fois-ci, la filiale bucarestoise du groupe Français Veolia, Apa Nova, spécialisée dans l’assainissement des eaux usées et la distribution d’eau potable dans la ville de Bucarest. Déjà en 2011, l’ONG américaine Food&Water avait publié un rapport dénonçant les pratiques d’Apa Nova en termes de facturation et son rôle dans la hausse des prix de l’eau. En 2015, cette affaire est traitée par les autorités roumaines compétentes : la DNA.
Selon la Direction Nationale Anticorruption (DNA), créée en 2005 à la demande de l’Union européenne pour lutter contre la corruption et ainsi stabiliser l’économie roumaine, Apa Nova aurait versé des pots-de-vin à des officiels roumains pour voir augmenter le prix de l’eau à Bucarest entre 2008 et 2015. Plus précisément, Ovidiu Semenescu, homme d’affaire représentant informel de la société Apa Nova, aurait versé des sommes d’argent à Costin Berevoianu et Vlad Moisescu, respectivement conseiller du Maire Général de Bucarest, et trésorier du Parti Libéral au moment des faits, sous forme de contrats fictifs. En échange, les deux hommes devaient user de leur influence auprès du Conseil Général de la Municipalité de Bucarest pour que ce dernier approuve les actes additionnels au contrat de concession, et qui avaient pour conséquence la hausse des tarifs de l’eau. La DNA a par ailleurs souligné dans son rapport que la société Apa Nova avait engagé d’anciens agents des services secrets afin d’espionner les employés de la société et « empêcher la divulgation de données qui contribuerait à la découverte des activités illégales de la société ».