Guerre de l’information sur la fiabilité du Véhicule Electrique

En marge de la COP21, les enjeux climatiques associés aux GES seront soumis à l'examen d'un public plus large que les acteurs traditionnels. En France comme dans la plupart des régions du monde, le transport routier est le premier contributeur avec un quart des émissions de GES, 60% de ces émissions sont le fait des véhicules particuliers. L'histoire nous enseigne que le consensus qui semble se dessiner actuellement pour une solution passant par le Véhicule Électrique (VE) pourrait donner lieu à de nouveaux débats cachant en réalité une compétition autour d'enjeux industriels.

Le pivot des années 90 : mesures contraignantes pour les constructeurs automobiles
La fin des années 80 et le début des années 90 crée un contexte favorable à une prise une conscience de la responsabilité individuelle dans le changement climatique par les politiques et les opinions : création du GIEC en 1998, Conférence de Rio en 1992, création de l'ADEME en France en 1990, Première Guerre du Golf. Cette prise de conscience se double de campagnes de la part des industriels des énergies fossiles visant à semer le doute dans l'opinion publique et les politiques en éloignant la controverse du terrain scientifique pour la repositionner sur le terrain des théories et opinions relatives. Ce contexte conduit cependant l’Etat californien à prendre les premières mesures contraignantes en vue de restreindre les émissions de GES du transport automobile. En 1990, par le biais du California Air Resources Board (CARB), il introduit l’obligation pour les 7 plus importants fournisseurs de voitures de proposer un VE pour continuer à vendre sur son territoire.

Les années 2000 : l'hydrogène contre l'électrique
En réponse, General Motors lance en 1996 l'EV1 et diffuse ces VE sur le marché de manière contrôlée (leasing) pour finalement les retirer et les détruire en 2002.
Dans les années 1990, le rayon d'action limité à 100 miles apparaît comme un handicap majeur pour le consommateur américain. Au début des années 2000 cependant, l'emballement médiatique autour de l'usage possible de l'hydrogène comme carburant propre semble répondre à cette objection. Pourtant l'irrationnel est devenu maître du débat, occultant les faits (coût énergétique et environnemental, danger associé à l'hydrogène, etc).
En 2006, le film documentaire Who Killed the Electric Car est le point de basculement de la prise de conscience chez le grand public du jeu des 15 années précédentes.
Les compagnies pétrolières aux États-Unis avaient mené trois types d'attaques contre les VE. Des attaques directes à l'image de Mobil mettant en place des campagnes publicitaires contre le VE. Des attaques par le biais d'associations tel que Californians Against Utility Company Abuse financée par les compagnies pétrolières qui a rassemblé des pétitions et organisé des manifestations contre les VE dès 1994. Enfin, la promotion de la pile à hydrogène a permis tant aux pétroliers qu'aux constructeurs de gagner du temps en détournant l'attention de l'opinion vers cette technologie prometteuse mais restant à développer. Le California Fuel Cell Partnership créé en 1999 associe des constructeurs, le CARB ainsi que Chevron et Shell autour de la promotion et de l’accompagnement du développement de la filière hydrogène.

La riposte des constructeurs automobiles
Par la création d'un blog Who Ignored the Facts About the Electric Car, GM répond 13 jours avant sa sortie à Who Killed the Electric Car. En 2010, l'adoption de la technologie hybride par GM via la Chevrolet Volt marque un tournant radical. GM fait ainsi tomber le verrou du rayon d'action trop limité de son VE.
La première décennie du 21e siècle voit se clore le débat entre VE et motorisation classique au profit du VE. Pour autant la nature des débats actuels sur la fiabilité et la sécurité des batteries révèle qu'à nouveau des rapports de force se mettent en place avec pour nouvel enjeu le contrôle de la fabrication des batteries.


Références

Sur le déni du changement climatique voir en particulier : Michael A. Milburn; Sheree D. Conrad, Janvier 1998, The Politics of Denial. MIT Press

Sur l'impact médiatique de l’économie de l'hydrogène : Joseph J. Romm, Island Press, 2004, 2005, The Hype about Hydrogen: Fact and Fiction in the Race to Save the Climate

Film Who Killed the Electric Car, juin 2006, 92 minutes, dirigé par Chris Paine, distributeur Sony Pictures Classics