Les investissements chinois en France représentent-ils une menace à moyen terme ?

Derrière la multiplication des investissements chinois en Europe et plus spécifiquement en France et malgré l'hétérogénéité faciale des secteurs concernés, semble se dessiner une réelle stratégie coordonnée de prise de contrôle progressive de nos secteurs majeurs et/ou d'avenir par des investisseurs chinois. Dès lors, et avant même de pouvoir se positionner sur l'éventualité d'une menace d'un telle démarche, il convient préalablement d'identifier les circuits d'investissement utilisés ainsi que les secteurs visés.
La stratégie chinoise de prise de contrôle progressive utilise divers leviers que sont : des grands groupes privés, les grandes banques nationales et divers fonds souverains telle notamment la China Investment Corporation. Qu'elles soient privée ou à fortiori publique, la quasi-totalité des sociétés chinoises investissant en France entretiennent des liens très étroits avec les autorités gouvernementales et les institutions politiques chinoises. Cette proximité doit naturellement et légitimement nous interpeller quant à la stratégie poursuivie à travers cette recrudescence d'investissements et de prise de participation. Par ailleurs, eu égard au système politique chinois dans lequel aucune décision stratégique majeure ne peut se prendre sans l'assentiment des autorités politiques, on comprend mieux la notion d'action ou de stratégie concertée.
Les autorités chinoises ont très clairement défini une stratégie censée permettre au pays à horizon des dix - quinze prochaines années de jouer un rôle prépondérant sur la scène mondiale tant d'un point de vue géopolitique qu’économique. A leurs yeux, cette stratégie requiert le renforcement de la position de la Chine dans sept secteurs stratégiques que sont : les énergies nouvelles, les biotechnologies, les voitures à propulsion alternative, les technologies de l’information de nouvelle génération, les produits manufacturés haut de gamme, les matériaux de pointe et les technologies vertes. C'est ainsi qu'au travers des IDE, les Chinois acquièrent des acteurs stratégiques ou des technologies de pointe nécessaires au développement industriel et commercial de leur pays. Les acteurs chinois cherchent, en Europe et plus spécifiquement en France, l'acquisition de compétences et de savoir-faire jusque là non encore maîtrisée. Les entreprises françaises leur permettraient de renforcer la maîtrise technologique et de contrôler des outils de production à même de favoriser leur développement de manière compétitive sur le marché régional, notamment en s’appropriant l’image de marque associée aux industries européennes. Ils ciblent également les infrastructures majeures qui leur permettront de favoriser l’expansion des acteurs chinois et facilitera leur accès au marché européen.
Après avoir massivement investi aux Etats-Unis, la Chine semble depuis la dernière décennie privilégier l'Europe dont la France, ce qui lui permet de diversifier ses investissements. C’est le pari de l’Europe que la Chine a fait, et non spécifiquement de la France. La crise qui a frappé durement les États-Unis a conduit l’Empire du milieu à diversifier ses réserves de change et acheter des euros. "À l’avenir, l’Europe, sera un de nos principaux marchés pour investir nos réserves de change", avait ainsi déclaré ou "prévenu" le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Jiang Yu. Convaincus que l’Europe surmontera à terme la crise, les Chinois ont pris conscience que la situation présentait pour eux de nombreux avantages.
La puissance d'une nation repose sur une bonne maîtrise de son tissu industriel et de son niveau d'endettement (dettes domestiques ou dettes étrangères). Il semble dès lors indispensable pour la France d'étoffer l'industrialisation de ses secteurs stratégiques et de porter une attention particulière aux prises de participation opérées par les acteurs étrangers au sein des sociétés françaises relevant de marchés stratégiques ou détenant des savoirs faire différenciant. Les risques relatifs à la cession de capital doivent impérativement être traités de façon spécifique. Il ne s’agit pas de s’opposer de façon mécanique à l’entrée d’un actionnaire mais d’analyser rigoureusement chaque situation et de déterminer les conditions d’entrée ainsi que les dispositifs de sécurisation financière et d’établir un mode de gouvernance adéquat : droit de veto, maintien d’un seuil minimal de participation, droit d’agrément sur les décisions stratégiques.
En synthèse, les investissements chinois en France constituent un vecteur de création d'emplois et donc de création de valeur pour l'économie nationale à court terme. Ils pourraient cependant, à moyen terme, constituer une menace en raison du risque relatif à la perte d'indépendance des sociétés contrôlées et entrainer des transferts massifs de savoirs faire et/ou de brevets vers la Chine. Dans une économie mondialisée, les autorités françaises devront plus que jamais porter une attention singulière aux mouvements capitalistiques visant ces entreprises et secteurs stratégiques et ce indépendamment de la taille du secteur et de l'entreprise.