Guerre informationnelle dans l’insurrection malgache

La crise de 2009 à Madagascar, un bras de fer entre le président malgache en place, Marc Ravalomanana, et le maire de la capitale, Andry Rajoelina, a été une crise à lire avec plusieurs niveaux d’analyses. La  notion de l’information a été déterminante dans le déroulement des faits dans un pays où les « rumeurs » circulent aussi vite que le courant électrique.

L’avènement d’une crise majeure pour Madagascar
Les prémisses du conflit se retrouvent au moment où le gouvernement interdit à la chaine de télévision Viva d’émettre. En effet, cette chaine, appartenant à Andry Rajoelina (anciennement détenue par Norbert Lala Ratsirahonana, ambassadeur itinérant de Marc Ravalomanana), est considérée comme un couloir de liberté. C’est une chaine créée par un jeune et pour les jeunes, et ayant donc comme public la majeure partie de la population malgache, car celle-ci est constituée majoritairement de jeune. Suite à la diffusion d’une interview de l’ancien président de la République, un symbole fort et destitué par Marc Ravalomanana, la chaîne a été réprimandée par le gouvernement en place.
L’offensive immédiate, en réaction à cette censure, une contre attaque de Andry Rajoelina, toujours par l’intermédiaire des médias, mais passant plutôt par le canal radio de Viva (via un talk show) dont le but a été d’être un relais des sentiments de la population malgache permettant aux peuples de s’exprimer sur les abus et les manquements du pouvoir en place. Il y a lieu de noter que lors du spectacle de lancement de la chaine, et le mot « spectacle » détient une place particulière dans ce con-texte, un ensemble de personnalité notable a été invité, et plus précisément l’ambassadeur de France, un signal faible nous permettant de connaître les influences et les alliées du camp Rajoelina, sachant que le président en place avait une tendance à se rapprocher plutôt des Américains, ce qui mettait à mal les intérêts de la France. La fermeture de la chaine de télévision a été l’évènement qui a mis le feu aux poudres et a contribué à radicaliser les oppositions entre les deux hommes.

Les forces multiples
Dans le même temps, Ravalomanana commet une erreur politique majeure lors de la concession des terres à des entreprises étrangères, une information qui sera utilisée et réutilisée pour avoir un effet boule de neige et une colère de la population malgache, assimilant ce geste à une violence symbolique contre le droit du sol traditionnel, élément capital dans les mœurs malgaches.
Mais l’offensive ne s’arrête pas là car une fois l’étincelle créée par cet évènement, elle a été relayée sur d’autres chaines, détenues par les opposants du pouvoir en place car « à Madagascar, les médias audiovisuels et les organes de presse appartiennent dans leur quasi-totalité aux hommes politiques ». Une bataille est donc lancée entre les partisans de Marc Ravalomanana et ceux qui sont contre lui, se ralliant de façon naturelle à la cause d’Andry Rajoelina qui devient ainsi le porte-voix de la « révolution orange », couleur idéale de modernisation d’une jeunesse rebelle, une analogie symbolique à la révolution Ukrainienne, favorisant un « écho international ».
Commence donc une guerre qui déroute l’ensemble de la population malgache, cette dernière étant bombardée par des fausses informations, des opinions contraires et des rumeurs qui ne cessent d’attiser les tensions entre l’une et l’autre camp. Se pose alors la question de la neutralité de la presse qui, sous le joug de la couleur défendue par les hommes politiques qui la contrôle, maintient une campagne de dénigrement systématique à l’encontre de leur adversaire.
L’élément vital dans ces affrontements, a été également la division de l’armée. En effet, au sein du corps des armées, des fissures ont été préalablement identifiées suite à une mauvaise considération des militaires:« manque de formation et d’équipement, insuffisance de salaire, et la corruption qui gagnait en intensité ». Il n’a alors suffi que d’un discours pour transmettre un message efficace visant à déstabiliser les forces de l’ordre et créer des oppositions, affaiblissant inexorablement les fondations du régime en place.

La déchéance du pouvoir en place
L’image du président en place, ternie à la fois par ses actions de censure, la vente des terres et le monopole de la vente des produits de première nécessité dans l’ensemble du pays crée un mécontentement général. En maintenant les tensions à vif, des groupes se forment et les descentes dans les rues de la capitale commencent à rassembler de plus en plus de citoyens, avec au final une foule immense composé d’environ 250 000 personnes, ce qui mène les évènements vers une crise imprévisible et bientôt incontrôlable.
Parallèlement, les vagues de contradictions touchent également les régions côtières par le biais de différents notables et des chaines de télévisions, la vague de la crise est alors généralisée à la nation tout entière, prenant pour cible les chaines de distributions et toutes les autres propriétés du président Marc Ravalomanana.
Finalement, les débordements atteignent leurs paroxysmes après les meetings du 24 janvier, où on observe « une frénésie de pillages et de vandalisme » sans précédent, c’est ainsi qu’une panique sociale généralisée règne dans toute l’île. C’est dans ce climat social que Madagascar s’est avancé dans la tragédie du 7 février 2009 marquée par la mort d’un grand nombre de civiles, de journalistes, etc. Évènement signant la fin de la crédibilité du régime en place et un déclin vertigineux de la popularité du Président, ce qui mènera à sa déchéance quelques semaines plus tard, suite à une auto-proclammation d’Andry Rajoelina, coup de grâce de cette guerre de l’information.

Sources
http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/2009/02/02/coup-d-etat-ou-revolution-orange
http://www.politique-africaine.com/numeros/pdf/conjonctures/113139.pdf
http://www.slate.fr/story/madagascar-des-médias-pris-au-piège
http://www.antananarivo.usembassy.gov/uploads/Is/XI/IsXI-0M1-kFcIxZGN8gKRg/Madagascar-HRR-2010---French-Final-WEB.pdf