Loi sur le terrorisme et le renseignement : entre inquiétude pour les libertés individuelles et sécurité Nationale

Avec la promulgation de la loi contre le terrorisme le 13 Novembre 2014, et la présentation du projet de loi permettant le renforcement des moyens d’actions des services de renseignements en matière de collecte de l’information, le 19 Mars 2015, on observe une fracture entre l’état, souhaitant protéger les intérêt fondamentaux de la Nation, et la société civile.

La sécurité de la Nation avant tout
L’Etat présente cet « arsenal » juridique, comme un renforcement des services pour assurer la protection du patrimoine Français au sens large. En effet, il est détaillé, dans la loi dite « renseignement » les finalités pour lesquelles les nouveaux moyens peuvent être mis en œuvre :

  • Sécurité Nationale (telle que définie dans l’article 1111-1 du code la défense)

  • Les intérêts essentiels de la politique étrangère et l’exécution des engagements internationaux et européens de la France

  • Les intérêts économique et scientifique

  • La prévention du terrorisme

  • La prévention de la reconstitution ou du maintien de groupes dissous

  • La prévention de la criminalité ou de la délinquance organisée

  • La prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique


Un discours rassurant - Entre raccourcis et manipulation
Afin de rassurer l’opinion publique, les interventions du gouvernement visent à promouvoir le respect des libertés. En effet, lors d’un point presse, au cours duquel le Premier ministre intervient, la communication se veut rassurante : « Loi renseignement, Protéger dans le respect des libertés ».
Par ailleurs, le gouvernement ne souhaite pas que cette loi soit considérée comme un « Patriot Act » à la Française, permettant aux organes du renseignement d’accéder, très largement, aux informations des citoyens. La Commission Nationale de Contrôle des Techniques de Renseignement (CNCTR), est mise en avant. Cette commission permettra, selon les dires du gouvernement, d’assurer un contrôle indépendant et pourra, au besoin, saisir le conseil d’Etat, qui fera office de juge, dans le cas où des manquements sont observés.
Le point d’orgue de la communication du gouvernement visant à rassurer les électeurs, est la possibilité, pour tout citoyen, de saisir la CNCTR, afin de se voir communiquer les informations le concernant.

La sensibilisation des Français aux dérives possibles
Parmi les opposants à ce texte de loi, on notera les organes particulièrement influents suivants :

  • L’observatoire des Libertés et du Numérique

  • La ligue des droits de l’Homme

  • La Quadrature du Net

  • Le Syndicat de la magistrature

  • Le Syndicat des avocats de France

  • Reporters sans frontières


La stratégie mise en place par ces organes –au travers d’interventions publiques, de points presses et de petits déjeuner-  pour sensibiliser les Français aux dérives possibles d’une loi qu’ils considèrent comme potentiellement « liberticide », vise à démontrer que l’ensemble des gardes fous que s’imposent le gouvernement ne sont que « façade ».
En effet, le premier élément à noter, est la constitution de la CNCTR. Cet organe de contrôle indépendant sera composé de :

  • Deux députés

  • Deux sénateurs

  • Deux membres du conseil d’Etat

  • Deux magistrats

  • Une personnalité qualifiée pour sa connaissance en matière de communication électronique.

  • Le Président de cette commission sera désigné par décret parmi les membres de la Cours de cassation ou le conseil d’Etat.


Ainsi, pour les défenseurs des libertés individuelles, nul ne doute que le gouvernement portera une attention toute particulière à la nomination du Président.
La principale inquiétude réside dans les pouvoirs de la CNCTR. En effet, celle-ci doit être consultée par le Premier ministre pour toute collecte de données sur un individu identifié, sollicitée par les services du ministère de la Défense, de l’Intérieur ou de l’Economie.
Or, deux cas de dérives sont mis en évidence :

  • Le Premier ministre peut se passer de l’avis de la commission en déclarant l’état « d’urgence absolue ». La commission sera alors simplement informée des actions menées.



  • Le Premier ministre peut ne pas prendre en compte les recommandations de la CNCTR qui pourra alors saisir le conseil d’Etat, si la majorité absolue de ses membres le souhaite (soit 5 sur les 9).


Ainsi, en opposant ces éléments au discours paternaliste et rassurant du gouvernement, il apparaît clair, pour les défenseurs des libertés, que la CNCTR passe d’un organe de contrôle indépendant, à un organisme à but consultatif, sur les notions de collecte d’informations sur les individus.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que, malgré la transparence que souhaite mettre en avant le gouvernement sur les éléments représentatifs de loi sur le renseignement, l’ensemble des informations sur les services, leurs méthodes et leurs moyens sont couverts par, à minima, le « secret défense ».
Ainsi, et conformément à l’article 833-3 de la loi sur le renseignement, « toute personne y ayant un intérêt direct et personnel » peut saisir la commission pour procéder à un contrôle. En revanche, il est également précisé que la commission « notifie l’auteur de la réclamation […] sans confirmer ni infirmer leur mise en œuvre ». Il ne sera donc pas possible, malgré la volonté de transparence du gouvernement, de savoir si les services de renseignements sont amenés à collecter des informations sur soi.

Sources :
www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl2669.asp
www.nextinpact.com/news/93542-le-projet-loi-sur-renseignement-explique-ligne-par-ligne.htm
http://pro.clubic.com/legislation-loi-internet/cnil/actualite-759507-cnil-loi-renseignement.html
www.laquadrature.net/fr/petit-dejeuner-de-presse-loi-renseignement