Petrobras incarne l’emblème du rayonnement brésilien sur le continent africain depuis son arrivée en Angola à la fin des années 1970. La société a annoncé en juin 2013 une joint-venture avec la plus grande banque d’investissement d’Amérique latine, BTG Pactual avec pour objectif de redéfinir sa présence en Afrique à l’aide d’une augmentation de ses capacités financières. Par le détachement de 50% des capitaux de la société au profit d’une autre entreprise nationale, l’État brésilien place la diversification de ses activités industrielles au premier rang des priorités dans la zone. La finalité de la démarche est à la fois économique et diplomatique, entre la création d’un marché mondial de l’éthanol, l’assurance de débouchés économiques pérennes et le désir récurrent d’obtenir un siège au Conseil de Sécurité des Nations Unies. Cependant, les intérêts du pétrolier sont confrontés à une compétition féroce qui l’oppose aux compagnies pétrolières chinoises (SINOPEC, CNOOC, CNPC) dont l’agressivité est dopée par des investissements étatiques démesurés. S’ajoute à cela la présence sur le territoire depuis 15 ans de quelques 2000 entreprises asiatiques de support, témoins d’un établissement rapide et massif.
Un axe de pénétration sud-sud
La stratégie d’accroissement de puissance de Petrobras en Afrique est facilement intelligible. En effet, au-delà d’enjeux importants à court terme pour la société, relégués au second plan depuis la découverte de gisements en eaux profondes aux larges des côtes brésiliennes, les manœuvres sont à présent orientées vers un mouvement global de collaboration « sud-sud » et un scénario de coopération diplomatique entre autorités africaines et brésiliennes. Ces rapprochements sont facilités par la présence d’intérêts au sein des pays appartenant au CPLP (Communauté des Pays de Langue Portugaise), instance créée sous impulsion brésilienne. Le Brésil à la volonté de s’imposer comme une puissance incontournable et nécessaire au développement du « Sud ». À l’inverse, la Chine axe sa politique sur la conclusion d’accords financiers bilatéraux, dont l’exploitation se fait souvent au détriment du développement régional. Les attaques entre les deux puissances sont fréquentes.
Aussi, sur le plan économique, l’enjeu pour l’entreprise sud-américaine est de réussir à créer un marché mondial de l’éthanol. En témoignent la vingtaine d’accords conclue pour l’exploitation des champs de canne à sucre au Ghana, Bénin, Mozambique, Kenya et Gabon notamment. Deuxième producteur mondial d’éthanol, le Brésil compte utiliser son savoir-faire pour en structurer le marché mondial et en dicter les règles. Petrobras joue ici un rôle essentiel dans l’achat et l’exploitation des terres agricoles. De plus, en soutenant l’usage du bio-carburant, et de ses véhicules associés sur le territoire africain, il espère s’assurer des débouchés commerciaux à long terme sur un continent où plus d’un habitant sur trois appartient désormais à la classe moyenne.
La carte lusophone
Attaches historiques, influence culturelle et volonté affichée de participer au développement du territoire sont les points forts de la stratégie de Petrobras en Afrique. Premièrement, la présence de la major pétrolière au sein des pays lusophones facilite considérablement les relations diplomatiques par un partage linguistique et le souvenir d’un passé colonial commun. Ensuite, l’influence culturelle et idéologique brésilienne est de plus en plus forte en Afrique avec l’exportation de programmes télévisés et notamment des « telenovelas ». Autre vecteur du soft-power brésilien sur le continent : le sport avec l’organisation de la Coupe du monde de football en 2014 mais surtout des prochains Jeux Olympiques d’été auxquels de nombreux athlètes africains vont participer.
Cependant, la réelle force de la stratégie de développement de Petrobras en Afrique repose sur la notion de « diplomatie de la générosité » que revendique le Brésil. En coopération avec l’EMBRAPA (entreprise brésilienne de recherche agronomique et d’élevage), Petrobras et son gouvernement supportent par de multiples initiatives les transferts de compétences envers les travailleurs locaux. Des associations accélèrent également les politiques d’accès aux soins et à l’électricité dans les zones reculées. Des initiatives saluées publiquement par les décideurs des pays africains tandis que leurs homologues asiatiques sont fréquemment accusés d’exporter leur main d’œuvre et de ne participer, même matériellement, aucunement au développement des territoires. Sur le terrain idéologique, le Brésil possède une longueur d’avance.
L’implication de l’Etat brésilien
Les manœuvres liées à l’accroissement de puissance de Petrobras en Afrique sont principalement menées par le gouvernement. En effet, l’entreprise est encore détenue pour une grande partie par des capitaux publics, l’État brésilien est donc omniprésent dans les décisions stratégiques prises par la société. De plus, les vecteurs d’influence les plus marquant résultent de la création d’organismes transnationaux et de programmes de soutien dont les financements sont assurés en grande partie par le secteur public. Petrobras a certes connu une expansion considérable sur le continent ces 10 dernières années, mais elle n’est que la vitrine d’une volonté étatique orchestrée par le gouvernement Lula.
La société s’affaire principalement à légitimer sa présence sur le territoire sous caution d’un partenariat de développement et non d’un partenariat d’affaires au sens propre. Néanmoins au printemps dernier, le Brésil a procédé à l’annulation de 900 millions de dollars de dettes au profit de 8 pays africains, principaux partenaires commerciaux. De plus, le pays continue d’augmenter ses représentations diplomatiques et Dilma Rousseff, dans la lignée de son prédécesseur, multiplie les visites sur le continent avec l’ouverture de 17 ambassades en 7 ans. Enfin, Petrobras, notamment au Gabon et au Mozambique, parvient à recruter des chefs de tribus pour les former et les inclure en tête des équipes de production. Cette démarche permet à long terme de s’assurer une main d’œuvre pérenne ayant un très fort sentiment d’appartenance au groupe.
Une politique impulsée par Lula
Le début de l’opération est intimement lié à l’arrivée au pouvoir du président Lula da Silva en 2003. Conscient que l’Afrique représentait alors un enjeu majeur et un territoire exploitable pour les raisons évoquées précédemment, les démarches ont été accélérées à partir de 2004. Après l’acquisition de plusieurs champs pétrolifères on puis offshore, Petrobras s’est tournée vers l’exploitation du gaz africain, un enjeu toujours d’actualité en Afrique de l’Ouest. Le nouveau défi est maintenant l’assise d’une domination sur le marché de l’éthanol et des premiers résultats concrets de retour sur investissement seront identifiables à l’aube de 2020.
Petrobras est, au bout d’une quinzaine d’années, solidement implanté sur le continent africain. Cela a permis à d’autres géants brésiliens que sont Odebrecht ou Vale de venir en appui pour offrir leurs infrastructures et pour permettre au Brésil de rayonner outre-Atlantique. Les Brésiliens ont réussi à transmettre leur idéologie et même à prendre le contrôle de certains organes politiques comme c’est le cas en Angola où la nomination d’un économiste brésilien comme conseiller de la Banque Centrale a favorisé l’attribution de parcelles gazières et pétrolières en eaux profondes à la firme Petrobras.
Un axe de pénétration sud-sud
La stratégie d’accroissement de puissance de Petrobras en Afrique est facilement intelligible. En effet, au-delà d’enjeux importants à court terme pour la société, relégués au second plan depuis la découverte de gisements en eaux profondes aux larges des côtes brésiliennes, les manœuvres sont à présent orientées vers un mouvement global de collaboration « sud-sud » et un scénario de coopération diplomatique entre autorités africaines et brésiliennes. Ces rapprochements sont facilités par la présence d’intérêts au sein des pays appartenant au CPLP (Communauté des Pays de Langue Portugaise), instance créée sous impulsion brésilienne. Le Brésil à la volonté de s’imposer comme une puissance incontournable et nécessaire au développement du « Sud ». À l’inverse, la Chine axe sa politique sur la conclusion d’accords financiers bilatéraux, dont l’exploitation se fait souvent au détriment du développement régional. Les attaques entre les deux puissances sont fréquentes.
Aussi, sur le plan économique, l’enjeu pour l’entreprise sud-américaine est de réussir à créer un marché mondial de l’éthanol. En témoignent la vingtaine d’accords conclue pour l’exploitation des champs de canne à sucre au Ghana, Bénin, Mozambique, Kenya et Gabon notamment. Deuxième producteur mondial d’éthanol, le Brésil compte utiliser son savoir-faire pour en structurer le marché mondial et en dicter les règles. Petrobras joue ici un rôle essentiel dans l’achat et l’exploitation des terres agricoles. De plus, en soutenant l’usage du bio-carburant, et de ses véhicules associés sur le territoire africain, il espère s’assurer des débouchés commerciaux à long terme sur un continent où plus d’un habitant sur trois appartient désormais à la classe moyenne.
La carte lusophone
Attaches historiques, influence culturelle et volonté affichée de participer au développement du territoire sont les points forts de la stratégie de Petrobras en Afrique. Premièrement, la présence de la major pétrolière au sein des pays lusophones facilite considérablement les relations diplomatiques par un partage linguistique et le souvenir d’un passé colonial commun. Ensuite, l’influence culturelle et idéologique brésilienne est de plus en plus forte en Afrique avec l’exportation de programmes télévisés et notamment des « telenovelas ». Autre vecteur du soft-power brésilien sur le continent : le sport avec l’organisation de la Coupe du monde de football en 2014 mais surtout des prochains Jeux Olympiques d’été auxquels de nombreux athlètes africains vont participer.
Cependant, la réelle force de la stratégie de développement de Petrobras en Afrique repose sur la notion de « diplomatie de la générosité » que revendique le Brésil. En coopération avec l’EMBRAPA (entreprise brésilienne de recherche agronomique et d’élevage), Petrobras et son gouvernement supportent par de multiples initiatives les transferts de compétences envers les travailleurs locaux. Des associations accélèrent également les politiques d’accès aux soins et à l’électricité dans les zones reculées. Des initiatives saluées publiquement par les décideurs des pays africains tandis que leurs homologues asiatiques sont fréquemment accusés d’exporter leur main d’œuvre et de ne participer, même matériellement, aucunement au développement des territoires. Sur le terrain idéologique, le Brésil possède une longueur d’avance.
L’implication de l’Etat brésilien
Les manœuvres liées à l’accroissement de puissance de Petrobras en Afrique sont principalement menées par le gouvernement. En effet, l’entreprise est encore détenue pour une grande partie par des capitaux publics, l’État brésilien est donc omniprésent dans les décisions stratégiques prises par la société. De plus, les vecteurs d’influence les plus marquant résultent de la création d’organismes transnationaux et de programmes de soutien dont les financements sont assurés en grande partie par le secteur public. Petrobras a certes connu une expansion considérable sur le continent ces 10 dernières années, mais elle n’est que la vitrine d’une volonté étatique orchestrée par le gouvernement Lula.
La société s’affaire principalement à légitimer sa présence sur le territoire sous caution d’un partenariat de développement et non d’un partenariat d’affaires au sens propre. Néanmoins au printemps dernier, le Brésil a procédé à l’annulation de 900 millions de dollars de dettes au profit de 8 pays africains, principaux partenaires commerciaux. De plus, le pays continue d’augmenter ses représentations diplomatiques et Dilma Rousseff, dans la lignée de son prédécesseur, multiplie les visites sur le continent avec l’ouverture de 17 ambassades en 7 ans. Enfin, Petrobras, notamment au Gabon et au Mozambique, parvient à recruter des chefs de tribus pour les former et les inclure en tête des équipes de production. Cette démarche permet à long terme de s’assurer une main d’œuvre pérenne ayant un très fort sentiment d’appartenance au groupe.
Une politique impulsée par Lula
Le début de l’opération est intimement lié à l’arrivée au pouvoir du président Lula da Silva en 2003. Conscient que l’Afrique représentait alors un enjeu majeur et un territoire exploitable pour les raisons évoquées précédemment, les démarches ont été accélérées à partir de 2004. Après l’acquisition de plusieurs champs pétrolifères on puis offshore, Petrobras s’est tournée vers l’exploitation du gaz africain, un enjeu toujours d’actualité en Afrique de l’Ouest. Le nouveau défi est maintenant l’assise d’une domination sur le marché de l’éthanol et des premiers résultats concrets de retour sur investissement seront identifiables à l’aube de 2020.
Petrobras est, au bout d’une quinzaine d’années, solidement implanté sur le continent africain. Cela a permis à d’autres géants brésiliens que sont Odebrecht ou Vale de venir en appui pour offrir leurs infrastructures et pour permettre au Brésil de rayonner outre-Atlantique. Les Brésiliens ont réussi à transmettre leur idéologie et même à prendre le contrôle de certains organes politiques comme c’est le cas en Angola où la nomination d’un économiste brésilien comme conseiller de la Banque Centrale a favorisé l’attribution de parcelles gazières et pétrolières en eaux profondes à la firme Petrobras.
Fantin Dufaÿ