Les Etats-Unis ont longtemps été les seuls à disposer de systèmes de géolocalisation spatiale avec le GPS ; mais depuis le début des années 2000, de nombreux acteurs s’insèrent progressivement dans ce secteur. Ces Etats prévoient une couverture globale : La Russie avec son système GLONASS, déjà opérationnel, la Chine avec son projet BeidDou 2 et l’UE avec Galileo. Des systèmes à couverture locale sont aussi prévus par l’Inde (INRSS) et par le Japon (QZSS).
Acquérir un GNSS indépendant permet donc de se soustraire aux diktats d’autres Etats, c’est-à-dire de ne pas dépendre d’un système dont on ne connaît pas toutes les capacités et dont le service pourrait être discontinué ou dégradé . De plus, cela permet d’acquérir pour soi ces mêmes capacités sur des partenaires économiques et Etats qui utilisent le système développé. Car il faut noter que la stratégie commerciale est un point majeur, la Commission Européenne estime pour Galileo que, durant les 20 années d’exploitation, Galileo devrait permettre l’éclosion d’un marché de 90 milliards d’euros. A contrario, la perte pour les Etats-Unis de la position de seul fournisseur de géolocalisation leur promet une perte de contrôle sur les actions de leurs alliés et compétiteurs ainsi qu’une probable concurrence commerciale à court et moyen terme, le long terme impliquant une perte de leur position de premier fournisseur de ce service.
Le risque d’une dépendance technologique
Les systèmes militaires sont, de nos jours, fortement dépendants de la géolocalisation (positionnement, guidage etc.). Ainsi, les Etats pourraient se retrouver avec une armée paralysée par la perte de leur géolocalisation. De plus, les GNSS sous-tendent des préoccupations économiques dans la gestion des transports, principalement maritimes et aériens qui sont presque entièrement dépendants de ces systèmes pour leurs performances, mais aussi le développement de technologies nationales performantes utilisant de tels systèmes. Enfin, cela permet de fournir un grand nombre de renseignements aux Etats qui les contrôlent, en pouvant, par exemple, localiser avec précision toute personne portant un appareil « géolocalisé ». Avoir un GNSS indépendant permet de développer une stratégie industrielle et militaire sûre tout en se protégeant d’un espionnage d’Etat facilité par ces satellites.
La direction de ces programmes est fortement dépendante de l’Etat qui les a mis en œuvre. Toutefois, on peut distinguer deux types d’acteurs au sein des Etats. Des acteurs militaires, qui, exploitant un signal pour leur action, ont été à l’origine de ces programmes. Ils veulent un signal sécurisé et plus précis. Ainsi, le GPS est un projet émanant de la marine des Etats-Unis et le GLONASS Russe a été relancé par Vladimir Poutine et son Ministre de la Défense dans les années 2000. Se positionnent également des acteurs civils et politiques qui visent des objectifs de développement économiques, (transports), des objectifs de sécurité des populations (surveillance, sauvetage), et enfin des objectifs scientifiques (topographie, géophysique). Le cas de Galileo est alors particulier, il est d’abord civil et en coopération internationale. Le programme est orchestré par l’ESA (Agence Spatiale Européenne) et est un hybride entre préoccupations commerciales et préoccupations militaires, les armées européennes disposant, tel qu’il est prévu, de canaux particuliers et sécurisés sur une plateforme civile.
Commercialisation et préservation du secret
Le principe de la géolocalisation n’est pas de garder secrète l’existence de ces systèmes, ni même la stratégie de leurs implantations puisqu’il s’agit d’une opération de communication visant à renforcer le prestige de l’Etat possédant une telle technologie ainsi que d’obtenir des clients potentiels de services sécurisés dans les cas de Beidou 2 et Galileo. Ces derniers prévoient en effet des systèmes payants pour les professionnels. C’est alors sur le fonctionnement et les performances que la dissimulation se joue. Connaître les possibilités militaires d’un système satellitaire concurrent ainsi que ses fréquences de fonctionnement pourrait paralyser l’action militaire d’un Etat ou d’une région du monde. C’est par des mesures étatiques de protection que la dissimulation est effectuée. En France; les installations techniques sur le sol du pays sont classées comme point d’importance vitale. Un élément doit alors être abordé, cette dissimulation doit se combiner avec une interopérabilité des 4 systèmes globaux existants afin que, hors période de tension, les acteurs économiques puissent bénéficier de service de meilleure qualité tout en limitant des dépendances à un seul opérateur.
Ces stratégies s’inscrivent dans une perspective à long terme. Ainsi, dans les années 2000, le gouvernement américain a réussi à perturber efficacement le développement du système européen. Mais la durée de cette compétition reste difficile à évaluer, les programmes n’étant finalisés qu’au moment du déploiement effectif des systèmes. Si le GPS est opérationnel depuis le milieu des années 90, le système GLONASS ne l’est pleinement que depuis 2010 et les systèmes BeiDou 2 et Galileo sont prévus pour ne l’être totalement qu’à l’horizon 2020. Commencera alors la guerre économique pour savoir quel système sera privilégié par les sociétés privées de services de géolocalisation.
Un rapport de force en devenir
Philippe Boulanger, professeur agrégé en géographie et responsable du séminaire de Geospatial intelligence de l’ENS note : « Les Etats-Unis tentent, à mon sens, de freiner le développement des différents systèmes de géolocalisation adoptés par les autres Etats, en premier lieu l'Union Européenne. De toute évidence, ils commencent à subir la concurrence d'autres systèmes et futurs projets. Ils gardent toutefois une position de quasi-exclusivité en Occident, mais cette situation ne pourra pas durer.» On est donc au milieu d’une phase de transition dans les stratégies de puissance des différents acteurs de la géolocalisation spatiale et différentes logiques s’expriment. Si les USA cherchent à garder leur prééminence, les russes sont déjà à l’offensive en imposant leur système de manière domestique. Mais, comme le note Philippe Boulanger : « l'essor des autres systèmes nationaux répond à des besoins régionaux puis nationaux. Leur évolution aura un impact évident, dans quelques décennies, sur la géolocalisation à l'échelle planétaire. » Mais on peut déjà évaluer l’impact de cette évolution en notant que l’on voit déjà sortir des téléphones portables où cohabitent trois systèmes, GPS, GLONASS et BeiDou 2.
Acquérir un GNSS indépendant permet donc de se soustraire aux diktats d’autres Etats, c’est-à-dire de ne pas dépendre d’un système dont on ne connaît pas toutes les capacités et dont le service pourrait être discontinué ou dégradé . De plus, cela permet d’acquérir pour soi ces mêmes capacités sur des partenaires économiques et Etats qui utilisent le système développé. Car il faut noter que la stratégie commerciale est un point majeur, la Commission Européenne estime pour Galileo que, durant les 20 années d’exploitation, Galileo devrait permettre l’éclosion d’un marché de 90 milliards d’euros. A contrario, la perte pour les Etats-Unis de la position de seul fournisseur de géolocalisation leur promet une perte de contrôle sur les actions de leurs alliés et compétiteurs ainsi qu’une probable concurrence commerciale à court et moyen terme, le long terme impliquant une perte de leur position de premier fournisseur de ce service.
Le risque d’une dépendance technologique
Les systèmes militaires sont, de nos jours, fortement dépendants de la géolocalisation (positionnement, guidage etc.). Ainsi, les Etats pourraient se retrouver avec une armée paralysée par la perte de leur géolocalisation. De plus, les GNSS sous-tendent des préoccupations économiques dans la gestion des transports, principalement maritimes et aériens qui sont presque entièrement dépendants de ces systèmes pour leurs performances, mais aussi le développement de technologies nationales performantes utilisant de tels systèmes. Enfin, cela permet de fournir un grand nombre de renseignements aux Etats qui les contrôlent, en pouvant, par exemple, localiser avec précision toute personne portant un appareil « géolocalisé ». Avoir un GNSS indépendant permet de développer une stratégie industrielle et militaire sûre tout en se protégeant d’un espionnage d’Etat facilité par ces satellites.
La direction de ces programmes est fortement dépendante de l’Etat qui les a mis en œuvre. Toutefois, on peut distinguer deux types d’acteurs au sein des Etats. Des acteurs militaires, qui, exploitant un signal pour leur action, ont été à l’origine de ces programmes. Ils veulent un signal sécurisé et plus précis. Ainsi, le GPS est un projet émanant de la marine des Etats-Unis et le GLONASS Russe a été relancé par Vladimir Poutine et son Ministre de la Défense dans les années 2000. Se positionnent également des acteurs civils et politiques qui visent des objectifs de développement économiques, (transports), des objectifs de sécurité des populations (surveillance, sauvetage), et enfin des objectifs scientifiques (topographie, géophysique). Le cas de Galileo est alors particulier, il est d’abord civil et en coopération internationale. Le programme est orchestré par l’ESA (Agence Spatiale Européenne) et est un hybride entre préoccupations commerciales et préoccupations militaires, les armées européennes disposant, tel qu’il est prévu, de canaux particuliers et sécurisés sur une plateforme civile.
Commercialisation et préservation du secret
Le principe de la géolocalisation n’est pas de garder secrète l’existence de ces systèmes, ni même la stratégie de leurs implantations puisqu’il s’agit d’une opération de communication visant à renforcer le prestige de l’Etat possédant une telle technologie ainsi que d’obtenir des clients potentiels de services sécurisés dans les cas de Beidou 2 et Galileo. Ces derniers prévoient en effet des systèmes payants pour les professionnels. C’est alors sur le fonctionnement et les performances que la dissimulation se joue. Connaître les possibilités militaires d’un système satellitaire concurrent ainsi que ses fréquences de fonctionnement pourrait paralyser l’action militaire d’un Etat ou d’une région du monde. C’est par des mesures étatiques de protection que la dissimulation est effectuée. En France; les installations techniques sur le sol du pays sont classées comme point d’importance vitale. Un élément doit alors être abordé, cette dissimulation doit se combiner avec une interopérabilité des 4 systèmes globaux existants afin que, hors période de tension, les acteurs économiques puissent bénéficier de service de meilleure qualité tout en limitant des dépendances à un seul opérateur.
Ces stratégies s’inscrivent dans une perspective à long terme. Ainsi, dans les années 2000, le gouvernement américain a réussi à perturber efficacement le développement du système européen. Mais la durée de cette compétition reste difficile à évaluer, les programmes n’étant finalisés qu’au moment du déploiement effectif des systèmes. Si le GPS est opérationnel depuis le milieu des années 90, le système GLONASS ne l’est pleinement que depuis 2010 et les systèmes BeiDou 2 et Galileo sont prévus pour ne l’être totalement qu’à l’horizon 2020. Commencera alors la guerre économique pour savoir quel système sera privilégié par les sociétés privées de services de géolocalisation.
Un rapport de force en devenir
Philippe Boulanger, professeur agrégé en géographie et responsable du séminaire de Geospatial intelligence de l’ENS note : « Les Etats-Unis tentent, à mon sens, de freiner le développement des différents systèmes de géolocalisation adoptés par les autres Etats, en premier lieu l'Union Européenne. De toute évidence, ils commencent à subir la concurrence d'autres systèmes et futurs projets. Ils gardent toutefois une position de quasi-exclusivité en Occident, mais cette situation ne pourra pas durer.» On est donc au milieu d’une phase de transition dans les stratégies de puissance des différents acteurs de la géolocalisation spatiale et différentes logiques s’expriment. Si les USA cherchent à garder leur prééminence, les russes sont déjà à l’offensive en imposant leur système de manière domestique. Mais, comme le note Philippe Boulanger : « l'essor des autres systèmes nationaux répond à des besoins régionaux puis nationaux. Leur évolution aura un impact évident, dans quelques décennies, sur la géolocalisation à l'échelle planétaire. » Mais on peut déjà évaluer l’impact de cette évolution en notant que l’on voit déjà sortir des téléphones portables où cohabitent trois systèmes, GPS, GLONASS et BeiDou 2.