L’offensive de Patrick Drahi dans la compétition informationelle

Durant la seconde moitié des années 90, Patrick Drahi, né au Maroc dans une famille juive de Casablanca, et polytechnicien [promotion 1983] (à contrecœur : « Pas question de faire l’armée », dans Challenges du 17 mars 2014), s’attèlera à équiper les banlieues françaises avec le câble, via des contrats publiques destinés aux logements sociaux. Comme à Marne-la-Vallée où avec le câblo-opérateur Media réseaux et l’aide des investissements de l’américain UPC, il enclenche un cycle vertueux de réussite économique en câblant la ville. Devenu directeur des activités d’UPC pour l’Europe occidentale et méridionale, il rachète dès 1999 pour 330 millions d’euros de câblo-opérateurs français en perte de vitesse et généralement liés à des marchés locaux de HLM : RCF, Time Warner Cable, Rhône Vision Câble, Videopole et InterComm France. Après une série de montages financiers et la vente de ses parts de Media réseau à UPC, il fonde son propre fond d’investissement en 2002 : Altice. Très vite, il acquière  Numericable, Noos, France Télécom Câble, TDF Câble, UPC France, et Completel, qui loue le réseau en fibre optique aux entreprises (un investissement qui s’avérera stratégique pour la suite).
Ce sont les collectivités locales qui ont apporté les crédits afin de bâtir le réseau câblé français  (excessivement coûteux, mais performant), en totalité financée par des fonds publics. Le coût de cette installation n’a pu être amorti que grâce aux clients captifs que sont les locataires d’HLM. Si le relai économique que représentent les pouvoirs publics a donné à P.Drahi l’élan nécessaire à son propre enrichissement, c’est avec Altice qu’il créé un acteur majeur du rapport de force qui l’opposera régulièrement aux intérêts économiques français. Dans Libération du 14 Mars 2014 : « Son fonds Altice est de droit luxembourgeois, mais coté à Amsterdam. Il y a logé tous ses actifs de télécoms : ses 40 % dans Numericable, le belge Coditel et le portugais Cabovisao, l’israélien Hot, Outremer Telecom ou encore la filiale d’Orange en République dominicaine qu’il vient d’avaler pour 1,1 milliard d’euros. Et son holding personnel, Next LP, abrité dans le fonds Altice qu’il détient à 75 %, est immatriculé à Guernesey. »
C’est dans ce contexte, que « l’homme le plus riche d’Israël », résident fiscal en Suisse, rachètera SFR à Vivendi contre l’avis même du Ministre du redressement productif socialiste Arnaud Montebourg (qui affichait pourtant derrière lui le soutient des groupes Free et Bouygues Telecom).
Si le rapport de force entre Drahi (Altice/Numéricable) et les autres opérateurs de téléphonie mobile français est clair, puisqu’il vient les menacer sur leurs terrains, et bouscule une situation oligopolistique vieille de dix ans ;  le rachat de SFR et/ou Virgin Mobile (grâce au bénéfice d’amitiés stratégiques : le milliardaire Vincent Bolloré et le président du conseil de surveillance de Vivendi, Jean-René Fourtou), et donc la soustraction fiscale (sauf TVA) de près de 6 millions d’abonnés à l’impôt sur les bénéfices, Drahi qui est aussi particulièrement bien implanté en Israël via le câblo-opérateur HOT, et s’est porté dernièrement au secours du journal en faillite : Libération.
A la manière de Carlos Slim, qui va devenir avec le rachat de Portugal Telecom par Altice, un concurrent direct de Drahi, le magnat des télécoms franco-israélien se dote de nouveaux attributs de puissances, qui au regard de la situation économique française, ne peuvent plus être soutenus par l’état ou des investisseurs nationaux.
Dans un deuxième temps, il s’agit de bâtir avec les recettes des ses récentes Fusions-acquisitions une véritable machine à influencer l’opinion française (par le rachat de Libération et de L’Express) et mondiale (par le rachat de la chaîne franco-israélienne  Guysen TV et le lancement d’I24 News : « une chaîne multilingue internationale avec un regard israélien ») dans la normalisation de l’état d’Israël.
Patrick Drahi s’affiche comme un formidable artificier de la mondialisation, s’appuyant sur la dérégulation économique que connait la France depuis les années 90.
Son attachement identitaire, et la philanthropie qu’il met au service d’Israël, lui garantissent des points d’entrés et des solidarités non négligeables lors de ses nombreuses récoltes de fonds, destinées à mettre en pratique sa stratégie. Les éléments de sa stratégie sont peu attaquables et fortement verrouillés par le caractère sensible des moyens en sa possession : les données mobiles et les flux très haut débit n’ont jamais été aussi stratégiques, et cet homme qui travail pour l’étranger, concentre de plus en plus d’outils et de matière à même de cibler et d’influencer fortement la société française.
Après s’être imposé par son habileté à manier les concepts financiers, Patrick Drahi se positionne comme un candidat sérieux du jeu économique mondial, et pour cela il peut compter sur les milieux financiers qui n’hésitent pas à lui fournir l’essentiel des crédits (par des montages financiers subtils) dont il a besoin pour orchestrer le rachat massif de pans entiers et stratégiques de l’économie française (Télécommunications, médias : Libération et l’Express).
Les réseaux et services qu’offrent les entreprises (Numéricable-SFR) détenues par P. Drahi, (formé dans les excellentes écoles : Polytechnique et Telecom Paris) sont performants, voir de meilleure qualité que leurs concurrents directs (Free, Orange,…), ainsi ces entreprises se font peu remarquer dans l’actualité. Drahi lui-même est extrêmement discret dans les médias français, mais peut compter sur un entregent solide prêt à le défendre dans ses engagements politiques.
Avec une décision sur le rachat de Portugal Télécom par la holding Altice le 12 janvier 2014, Patrick Drahi poursuit sa conquête des réseaux mobiles à travers le monde à grands renforts d’endettements de ses propres structures. En revanche sa fortune personnelle est bien réelle, mise au service d’investissements stratégiques,  elle se révèle une arme efficace au service du « soft power » israélien. A tel point que P. Drahi sera reçu plusieurs fois par Shimon Peres lors de ses séjours en Israël, où il investi de plus en plus l’argent qu’il gagne de ses récentes opérations.