Absence de stratégie de puissance française dans le domaine clé de la vidéo en ligne

C’est devenu un cas d’école à répétition. L’innovation et la compétition dans le monde immatériel reste un sujet que le politique comme le monde de l’entreprise n’arrivent pas à définir comme un grand chantier stratégique où les parties prenantes doivent unir leurs forces pour positionner la France de manière offensive dans la compétition mondiale. La vidéo en ligne n’est pas une activité de portée uniquement commerciale. Elle est un des points de passage obligé de la conquête du monde immatériel dans le domaine de l’économie de la connaissance et des loisirs. Le cas Dailymotion illustre cette incapacité chronique à fonctionner de manière logique et cohérente.

Le contexte
En 2005, deux Français décident de créer un concurrent à Youtube : Dailymotion. Cette belle réussite française totalise 2,5 milliards de vidéos visionnées par mois et 112 millions de visiteurs uniques. Mieux, Elle est classé 31ème site le plus visité au monde par l'institut comScore, spécialisé dans les audiences web. Le capital de la société est au début constitué d’investisseurs individuels puis de fonds d’investissement privés qui leur permet de récolter plusieurs millions de dollars. Un premier tournant est opéré avec l’arrivé en 2009 de l’État au capital via le fond d’investissement stratégique. Un deuxième tournant a lieu en 2011 quand Orange devient actionnaire à hauteur 49%. Enfin le dernier tournant date de janvier 2013 quand Orange acquiert 100% de Dailymotion. Entre temps, des bureaux à l’étranger, Londres, New-York et San Francisco ont été ouverts pour poursuivre l’expansion à l’international. Rien ne semblait arrêter le petit poucet du marché de la vidéo en ligne.

Le réflexe protectionniste ne pallie pas l’absence de stratégie
Pourtant en mars 2013, le Wall Street Journal révèle qu’Orange souhaite vendre 75% de Dailymotion  et que des discussions sont entamées avec Yahoo. Cette acquisition devait permettre à Orange de dégager du cash, se recentrer sur son cœur de métier et profiter de l’influence de Yahoo pour capter encore plus de part de marché aux Etats-Unis et en Asie.
Mais c’était sans compter sur l’intervention protectionniste en mai 2013 d’Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif de l’époque et grand pourfendeur du Made in France. Celui-ci a purement et simplement empêché Yahoo de racheter ces 75%. Ce qui peut être qualifié d’ingérence a rendu impossible une alliance qui faisait sens en termes de stratégie de développement et qui mettait en valeur une réussite française. De plus, Orange gardait tout de même 25% du capital pour garder une influence.

L’incapacité de s’accorder sur une stratégie française

Depuis, et malgré des offres d’intérêts françaises de la part de Xavier Niel et aussi Vivendi, Orange s’est résolu à garder Dailymotion en son sein et à continuer d’investir entre 30 et 50 millions d’euros en espérant multiplier par 3 ses revenus en 2016 pour atteindre 100 millions d’euros. Dans le même temps et toujours par vision stratégique d’une expansion à l’internationale qui concentre tout de même 85% de l’audience de Dailymotion, Orange était toujours à la recherche d’un partenariat technique. En février 2014, Stéphane Richard reprenait son bâton de pèlerin pour tenter de convaincre Microsoft d’investir dans Dailymotion. Ayant retenu la leçon, Orange a bien précisé qu’en cas d’accord, l’investisseur étranger ne dépasserait pas les 50% de part du capital. Au printemps 2014, aucun investisseur étranger n’est rentré au capital de Dailymotion puisque Microsoft n’a pas souhaité y rentrer seul. Un temps évoqué, Canal+ a finalement renoncé à contrer l’arrivée de Netflix en France en investissant dans Dailymotion. Ainsi Orange continue d’assumer à 100% les finances et la stratégie de cette filiale.