Jeux d’influence imparfaits autour des écocités

La France a connu un échec retentissant lors de l'accord conclu par le Grand Lyon en 2010 avec l'agence japonaise Nedo pour développer l'éco-quartier de Confluence. Cette humiliation fait suite à plusieurs insuccès dus aux offensives groupées des entreprises suédoises et allemandes sur le marché international. Lors du sommet mondial Ecocity en septembre dernier, la ministre du Commerce extérieur, Nicole Bricq, a déploré le recul des entreprises françaises sur les marchés internationaux du développement urbain. Pour y remédier, son ministère a donc développé un programme d'exportation de la ville durable baptisé «Vivapolis ». L’idée maîtresse était de rendre plus lisible l'offre française afin de la rendre attractive sur les marchés étrangers. Cette marque sert à promouvoir le savoir-faire français dans l'exportation du concept de la ville durable qui incarne la ville du XXIe siècle, sobre en énergie, très connectée et agréable à vivre. Il s’agit aussi de s’aligner sur les stratégies de regroupement des concurrents tels que l’Allemagne, la Suède le Japon ou encore l’Angleterre.
Cette nouvelle marque française destinée à l'international regroupe 80 entreprises, parmi lesquelles on compte des « poids lourds » comme Bouygues, Véolia, Eiffage ou Alstom, mais aussi près de 70 PME. A terme, ce sont plus de 200 entreprises qui seront fédérées. Les cibles sont toutes trouvées : la Chine, le Maroc, la Turquie et le Brésil. Outre le ministère du Commerce extérieur et Ubifrance, ce programme mobilise différents financeurs publics comme le ministère de l'Economie à travers le fonds d'étude et d'aide au secteur privé (FASEP) (4.2 millions d'euros pour des études de faisabilité) ou l'Agence française de développement qui a versé 150 millions d'euros pour la rénovation d'un quartier de Casablanca.
L’idée de la marque Vivapolis s’est très vite heurtée aux inerties françaises. A l'automne 2013, les réunions interministérielles furent annulées: Nicole Bricq n’est «jamais arrivée à comprendre pourquoi tout était si compliqué et sur quoi cela bloquait ». En moins d'un an, la méfiance s'est installée. Dans tous les camps. Le meilleur exemple : des entreprises du CAC 40 qui, dans leur coin, travaillent sur des fonctionnements possibles de démonstrateurs et qui gardent dorénavant leurs fiches pour elles. Quelles raisons auraient-elles d'échanger avec leurs concurrents alors que rien ne se fait ?
La visibilité et la clarté de l’offre française à l’international est loin d’être performante. La France compte deux labels nationaux de la ville durable, EcoCités et EcoQuartiers (portés par le ministère de l'Ecologie), et développe à côté la marque Vivapolis. De plus avec les difficultés et les méfiances qui se sont installées au gouvernement et dans les entreprises concernés par Vivapolis, certains travaillent pour eux même. C’est le cas de GDF Suez qui a d’abord évalué le potentiel de la Chine dans une étude de 2011 uniquement pour son entreprise29. Fait plus alarmant, GDF Suez a pris l’initiative de créer un conseil de stratégie urbaine à l'international fin 2013 réunissant l’Ouganda, le Mexique, Stockholm, Toronto, l'Italie, l'Inde et Singapour. A ces pays se sont aussi joints des universités de Princeton et Harvard et même le CNRS français. GDF Suez veut se positionner sur le marché international sans passer par Vivapolis ou tout du moins pas uniquement. Pour être compétitif à l’international contre les concurrents les plus performants, il est impératif de faire front commun. Les Allemands, les Anglais et la Suède l’ont bien compris. Ce n’est pas le cas de la France.
Le projet Vivapolis n’est pas encore prêt, et cela est en grande partie dû aux responsables du projet qui se sont succédés depuis 2007, aux strates trop nombres de l’administration française et aux difficultés juridiques.