Pas de stratégie pour la France ?

La France va mal. Les successions de défaites économiques symbolisées par l’affaire Alstom, le chantage inouï que les États-Unis osent exercer sur la France dans l’affaire de la BNP, l’incapacité du pouvoir politique à travers une voie de développement à la hauteur des enjeux sont autant de signaux d’alerte qui impliquent une réaction. Knowckers voulait attirer l’attention sur un ouvrage qui rentre dans le cœur de ce débat.

En voici l’introduction.

« Que va devenir la France ? Au-delà des polémiques stériles sur le déclin français, comment pouvons-nous sortir de cette spirale infernale qui réduit chaque jour un peu plus notre marge de manœuvre dans tous les domaines (diplomatique, militaire, économique, culturel) ? Depuis le milieu du XXe siècle, notre pays régresse lentement mais surement. Les points de repère significatifs parlent d’eux-mêmes : la défaite catastrophique de juin 1940 face à l’Allemagne nazie, la perte de l’empire colonial, la diminution de notre influence à Bruxelles par rapport à l’Allemagne, le retrait militaire partiel de l’Afrique de l’Ouest, la réduction de notre potentiel militaire conventionnel, la perte d’influence internationale de nos universités, la problématique non résolue de l’intégration des populations venant du Maghreb et d’Afrique subsaharienne. A ce panorama géostratégique s’ajoute la dimension économique. L’affaiblissement de notre potentiel industriel et la dégradation de notre commerce extérieur accentue la fragilité du système français qui n’arrive pas à s’extraire d’une crise économique née avec les chocs pétroliers des années 70.
Depuis la dernière élection présidentielle s’élèvent ici et là des voix sur la stratégie à définir pour stabiliser la situation et éventuellement relancer une partie de l’économie. Le pouvoir politique et l’administration sont incapables de se projeter dans l’avenir à l’image du fiasco du séminaire gouvernemental sur la France à l’horizon 2025 qui s’est tenu à la fin de l’été 2013. Le défi était d’autant plus difficile à relever que les élites de ce pays entretiennent une vision aseptisée de notre vécu stratégique, y compris dans ce qu’il a de plus cynique. L'Histoire est intéressante à relire à ce propos. Personne n'est pressé de mettre l'accent sur la manière dont la France contribua au démantèlement du Saint Empire romain germanique en s'alliant avec ses ennemis religieux du moment, en l'occurrence les princes protestants allemands et l'empire ottoman.
De son côté, la population française rejette dans sa grande majorité toute référence à la notion de puissance en dehors du strict cadre de la défense du territoire. Mais au XXIe siècle, la survie d'un peuple reste toujours conditionnée par la capacité d'un État à résister aux menaces extérieures et intérieures. Tourner le dos à la puissance, c'est prendre tout simplement le risque d'être soumis au diktat d'une puissance étrangère ou de sombrer dans le chaos en cas de désintégration de la société civile.
L’humanisme démocratique mis en avant par l’Occident depuis le siècle des Lumières n’a pas pacifié le monde et s’avère incapable de proposer la moindre issue à ce que Philippe Baumard* définit désormais comme un vide stratégique. Dans un monde dangereux et instable, la France n’a pas d’autre choix que de réinventer sa puissance pour préserver l’avenir de son peuple et éviter de se saborder. »

Christian Harbulot
Sabordages
Comment la France détruit sa puissance
Editions François Bourin
Mai 2014

* Philippe Baumard, Le vide stratégique, CNRS éditions, Paris, 2012.