Les affrontements informationnels sur la pêche en eaux profondes

La pêche en eaux profondes, et son interdiction, est un sujet qui ne cesse d’agiter l’opinion publique (française et européenne). En effet, cette pratique, décriée pour ses ravages sur les fonds marins, reste pratiquée à l’échelle mondiale et européenne, par certains pays dont la France, l’Espagne, le Portugal et l’Irlande. Une question dont s’est saisie récemment l’Union Européenne et qui a abouti au rejet du Parlement Européen, malgré d’importantes opérations menées par les ONG écologistes. À noter que cette période a surtout été le théâtre d’un affrontement informationnel retentissant mettant aux prises l’ONG Bloom, soutenue par l’ensemble des ONG, et l’armateur de l’enseigne Intermarché, la Scapêche. Un affrontement qui s’est soldé par l’affaiblissement de ce dernier auprès de l’opinion. Il semblerait toutefois que les ONG écologistes ne comptent pas s’arrêter là comme en atteste les nouvelles actions menées sur les pays pratiquant ce type de pêche.

Un regain de pression sur les États
En France, suite à la réaffirmation de la position de la France sur le sujet par le président à la Commission Européenne, l’ONG Bloom demande au président, par le biais d’un courrier et d’une campagne de mailing, de changer sa position sur le sujet. Une action soutenue qui a été suivie par l’ensemble des ONG écologistes internationales concernées par le sujet, Greenpeace, WWF, Oceana, Pew et le regroupement Deep Sea Conservation Coalition. L’ONG a accusé également via un communiqué de presse, le Ministre de la pêche (F. Cuvillier, actuel maire de Boulogne) de conflits d’intérêts avec Euronor (armateur boulonnais de chalut profond). Une situation qui fait écho à celle de l’Espagne, où les mêmes ONG et la Deep Sea Conservation Coalition ont lancé une pétition visant à faire renoncer le ministre espagnol de l'Agriculture, de l'Alimentation et de l'Environnement de poursuivre la pratique. Des actions qui sont toujours en cours et pour lesquelles les gouvernements non pas répondus.

Un possible affaiblissement pour l’État et l’Union Européenne
La France possède le deuxième domaine maritime mondial basé sur ses ZEE (zones économiques exclusives). Un atout que la France souhaite exploiter pour son développement offshore profond et sa filière de pêche (avec ses emplois et sa consommation) à l’heure où les stocks de pêche se raréfient, de même que sa dépendance extérieure. Une dépendance extérieure en produits de la mer plus largement ressentie à l’échelle européenne et qui peut à termes s’amplifier. L’Union Européenne est actuellement de plus en plus dépendante du reste du monde, car la majeure partie de sa consommation de produits de la mer provient de l’importation extra-Union. Ces importations concernent principalement les poissons profonds et dont la production européenne reste issue des pêches profondes française et espagnole. À l’échelle mondiale, la pêche en eaux profondes est pratiquée largement en Nouvelle Zélande, aux États-Unis et en Irlande. La Nouvelle-Zélande est l’un des plus gros exportateurs mondial où la pratique est encadrée par un écolabel MSC (Marine Stewardship Council) « pêche durable », et qui approvisionne le marché européen.
De quoi accroître considérablement la dépendance vis-à-vis de l’extérieur pour la France et l’Union Européenne. Une dépendance qui se traduirait par une hausse des prix et un arrêt progressif de la pêche en France. Cette situation pourrait avoir des impacts sur le pouvoir d’achat des Européens en ces temps de crise. La question se pose alors de savoir : Quelle est la finalité réelle de ces actions et qui souhaite affaiblir l’Union Européenne ? Une situation qui reste en suspens et qui peut être rattachée au problème plus large de la surpêche. Des nouvelles prises de paroles sont probablement à prévoir compte-tenu des prochaines élections européennes.

Note :
Article portant sur la position de la France sur la pêche en eaux profondes, paru sur le Monde.fr (daté du 26/03/2014)
http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/03/26/la-france-continue-de-soutenir-la-peche-profonde_4389617_3244.html
Courrier des ONG adressé à l’État français, site de la Deep Sea Conservation Coalition (daté du 25/02/2014)
http://www.savethehighseas.org/publicdocs/Courrier ONG Reglement peche profonde 25 FEV 2014.pdf
Communiqué de presse de l’ONG Bloom contre le Ministre de la pêche (daté du 09/04/2014)
http://www.bloomassociation.org/hollande-cuvillier-un-couple-fatal-a-la-biodiversite/
Communiqué de presse concernant la pétition lancée en Espagne du groupement d’ONG Deep Sea Conversation Coalition (daté du 03/04/2014)
http://www.savethehighseas.org/news/view.cfm?ID=462
ZEE France
http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Chiffres_cle_peche.pdf
Un rapport de la Commission Européenne, émanant de l’observatoire du marché européen de la pêche et de l’aquaculture, sur le marché européen du poisson (de mars 2014).
http://ec.europa.eu/fisheries/market-observatory/documents/10157/f8675208-02eb-4092-886e-174457c18a13