L’Aspartame est une molécule de synthèse massivement utilisée par l’industrie agroalimentaire comme substitut au sucre dans de nombreux produits estampillés « light » voire dans certains médicaments. Cet édulcorant, autorisé depuis de nombreuses années aux Etats-Unis (1974) et en Europe (1994), a fait l’objet de multiples évaluations que ce soit aux Etats-Unis (1981, 1983, 1998 et 2007), en Europe (1985, 1989, 1997, 2002 et 2006) ou au niveau international par l’OMS (évaluations multiples par le JECFA depuis les années 80). Malgré tout, l’innocuité de ce composant est régulièrement remise en question à coup d’études scientifiques aux résultats contradictoires, au point que l’autorité européenne de sécurité des aliments (l’EFSA - European Food Safety Authority) a dû relancer une enquête sur le sujet. Après deux années de compilation de toute la littérature sur le sujet et d’interviews d’experts, le verdict tombe dans un rapport publié le 10 décembre 2013 : l’aspartame ne présente pas de danger pour la santé humaine aux niveaux d’exposition actuels auxquels elle est autorisée (dose journalière admissible fixée à 40 mg/kg de poids corporel par jour).
Alors pourquoi une telle guerre de l’information autour de l’aspartame ? L’article du 17 février 2011 sur le sujet avançait essentiellement la piste des intérêts économiques, colossaux, liés au maintien ou non sur le marché des innombrables produits concernés. Cette thèse est plus que crédible si l’on considère notamment les arguments de l’ONG Corporate Europe Observatory qui a publié, le 23 octobre 2013, un rapport qui montre que plus de la moitié des 209 scientifiques siégeant aux panels de l’EFSA ont des liens directs ou indirects avec les industries qu’elles sont censées réguler, et qui dénonce dans la foulée (le 3 décembre dernier) la présélection par la Commission Européenne d’un Directeur de FoodDrinkEurope (FDE) parmi les candidats au Directoire de l’EFSA, alors que l’association est présentée par l’ONG comme « l’un des plus grands lobbys européens de l’industrie agroalimentaire ». De telles accusations concernant des conflits d’intérêts de membres de l’EFSA – et invitant donc à douter de l’objectivité des avis rendus par l’autorité – avait d’ailleurs déjà poussé Diana Banati, alors Présidente du Conseil d’Administration de l’EFSA, a démissionné de ses fonctions en mai 2012 du fait de son rôle au sein de l’ILSI (International Life Sciences Institute), un groupe d’industriels au sein duquel on retrouve notamment PepsiCo, Coca-Cola, Danone, Bayer, Kraft Foods ou encore Nestlé.
Pourtant, une autre piste mérite aujourd’hui d’être creusée : celle des intérêts politiques. En effet, s’il peut apparaître normal, au vu du fonctionnement habituel des institutions, que des groupes tels que des confédérations professionnelles comme FoodDrinkEurope partage leurs politiques prioritaires avec le nouveau Parlement Européen qui sera élu en mai prochain (voir leur brochure dédiée), il est plus étonnant de voir qu’une autre ONG, le Réseau Environnement Santé (RES) demande la nomination d’une commission d’enquête parlementaire en France et en Europe pour faire la lumière sur ce qu’ils estiment être des manquements graves, tant de la part de l’EFSA que de l’ANSES (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, équivalent en France de l’EFSA), concernant l’aspartame. Si les motifs exposés dans leur communiqué de presse apparaissent recevables, voire légitimes, la coïncidence de cette demande du RES avec la candidature de François Veillerette - l’un des fondateurs du RES et par ailleurs Conseiller Régional de Picardie pour le groupe Europe Ecologie Les Verts - aux prochaines élections européennes jette le trouble.
La question est donc posée : la guerre de l’information, prenant appui sur les disputes d’experts et les limites des études scientifiques qu’il est toujours possible de remettre en question, sert-elle dorénavant des jeux politiques qui pourront, à terme, peser sur les protagonistes de l’échiquier économique ?
Alors pourquoi une telle guerre de l’information autour de l’aspartame ? L’article du 17 février 2011 sur le sujet avançait essentiellement la piste des intérêts économiques, colossaux, liés au maintien ou non sur le marché des innombrables produits concernés. Cette thèse est plus que crédible si l’on considère notamment les arguments de l’ONG Corporate Europe Observatory qui a publié, le 23 octobre 2013, un rapport qui montre que plus de la moitié des 209 scientifiques siégeant aux panels de l’EFSA ont des liens directs ou indirects avec les industries qu’elles sont censées réguler, et qui dénonce dans la foulée (le 3 décembre dernier) la présélection par la Commission Européenne d’un Directeur de FoodDrinkEurope (FDE) parmi les candidats au Directoire de l’EFSA, alors que l’association est présentée par l’ONG comme « l’un des plus grands lobbys européens de l’industrie agroalimentaire ». De telles accusations concernant des conflits d’intérêts de membres de l’EFSA – et invitant donc à douter de l’objectivité des avis rendus par l’autorité – avait d’ailleurs déjà poussé Diana Banati, alors Présidente du Conseil d’Administration de l’EFSA, a démissionné de ses fonctions en mai 2012 du fait de son rôle au sein de l’ILSI (International Life Sciences Institute), un groupe d’industriels au sein duquel on retrouve notamment PepsiCo, Coca-Cola, Danone, Bayer, Kraft Foods ou encore Nestlé.
Pourtant, une autre piste mérite aujourd’hui d’être creusée : celle des intérêts politiques. En effet, s’il peut apparaître normal, au vu du fonctionnement habituel des institutions, que des groupes tels que des confédérations professionnelles comme FoodDrinkEurope partage leurs politiques prioritaires avec le nouveau Parlement Européen qui sera élu en mai prochain (voir leur brochure dédiée), il est plus étonnant de voir qu’une autre ONG, le Réseau Environnement Santé (RES) demande la nomination d’une commission d’enquête parlementaire en France et en Europe pour faire la lumière sur ce qu’ils estiment être des manquements graves, tant de la part de l’EFSA que de l’ANSES (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, équivalent en France de l’EFSA), concernant l’aspartame. Si les motifs exposés dans leur communiqué de presse apparaissent recevables, voire légitimes, la coïncidence de cette demande du RES avec la candidature de François Veillerette - l’un des fondateurs du RES et par ailleurs Conseiller Régional de Picardie pour le groupe Europe Ecologie Les Verts - aux prochaines élections européennes jette le trouble.
La question est donc posée : la guerre de l’information, prenant appui sur les disputes d’experts et les limites des études scientifiques qu’il est toujours possible de remettre en question, sert-elle dorénavant des jeux politiques qui pourront, à terme, peser sur les protagonistes de l’échiquier économique ?