Les délires informationnels des dirigeants de Google

Google part en lutte contre la mort. En croyant trouver le thème le plus attractif possible, la société Google vient peut-être de commettre une erreur majeure dans son positionnement en tant que firme innovante. La quête de l’immortalité est un fantasme formalisé notamment par les partisans de la théorie transhumaniste. Les prétextes mis en avant par Google sont tentants : lutter contre le vieillissement et les maladies associées. Google a donc lancé une jeune start-up spécialisée en biotechnologies, Calico. Mais l’effort de Google ne s’arrête pas là, la compagnie de Mountain View investit dans le séquençage ADN avec sa filiale 23andMe et a racheté les huit principales sociétés de robotique dans le monde. Cet activisme industriel n’a rien d’illogique. En revanche, la philosophie de Google a beaucoup moins de légitimité et de pertinence dès lors que ses dirigeants se laissent aller à émettre des vœux aussi délirants. La recherche de la vie éternelle fait penser au film Brazil. Le réalisateur de ce film produit en 1985, Terry Gilliam, s’était attaqué par le biais de la fiction à la dérive d’une société de riches déjà en quête de rajeunissement (à l’époque par le biais de la chirurgie esthétique). En juillet 2013, le journaliste Nicolas Clément résume ainsi sa démarche : « Terrorisme, surconsommation, incommunication, limitation des libertés individuelles, absurdité administrative, débordements narcissiques de la chirurgie esthétique, omniprésence des écrans... Brazil passe à la loupe grossissante un vaste éventail de dérives on ne peut plus contemporaines avec une rare puissance visionnaire, Gilliam grattant là où ça fait (très) mal, et au cutter, le grand corps malade d'une société étrangement familière ».
En s’engouffrant dans cette quête de l’immortalité, les dirigeants Google s’exposent à des crises de rejet dont ils ne mesurent pas la portée sociologique et culturelle. Mais dans le temps présent, ils révèlent surtout une forme de délire qui ramène le cadre de leur pensée managériale à une dimension plus inquiétante que la fixation d’un cours de Bourse..