Le débat sur la théorie du genre que ne veulent pas assumer les médias

En décembre 2012, un groupe de députés (cf.note 1) de l’Assemblée Nationale a déposé une proposition de résolution sur la création d’une commission d’enquête sur l’introduction et la théorie du genre en France. Ce texte n’est pas le fruit des réflexions de l’extrême droite ou d’un groupe religieux mais il émane d’élus du Parlement. A ce titre, les journalistes pourraient au moins le citer dans leur présentation du sujet. Il est inutile de demander au quotidien Le Monde de s’engager dans cette démarche professionnelle puisqu’il a adopté sur ce sujet un langage militant qui n’a plus grand-chose à voir avec le journal de référence qu’il était dans la seconde moitié du XXe siècle. L’expression rumeur lancée par les médias lors de l’affaire du retrait d’enfants des écoles masque mal l’inexistence d’un  débat censé sur la question. Pour aller dans le sens de la démocratie (revue et corrigée par l’interprétation qu’en fait aujourd’hui la grande majorité des médias français, le site Knowckers a décidé de reproduire dans son intégralité ce texte rédigé par des représentants du peuple. Il a le mérite d’exposer clairement les termes du débat et évite le style manipulateur qui est devenu la caractéristique des leaders d’opinion autoproclamés.

Notre société est organisée à partir de la différence sexuelle «anatomique» homme/femme, et de son expression culturelle, le genre masculin/féminin, qui lui correspond. Le genre peut être considéré comme le résultat de processus historiques et culturels; il se réfère à des comportements, des fonctions et des rôles que chaque société assigne à chaque sexe.
Il y a une quarantaine d’années, commençaient à être enseignées aux États-Unis les gender studies ou études de genre mettant en lumière par des méthodes scientifiques, les modes d’organisation de la société à partir de ces fonctions spécifiques assignées à l’homme et à la femme en raison de leur différence sexuelle, et les situations d’inégalité qui en résultent. Il faut bien noter que, sur le plan scientifique, il peut être tout à fait intéressant de s’interroger, à travers l’Histoire, sur les différences non biologiques entre hommes et femmes, en cherchant la racine et les causes des inégalités observées.
Mais progressivement ces gender studies ont intégré la théorie du gender dans leurs travaux. Il est important de souligner que la théorie du gender n’est pas une étude scientifique. C’est un système de pensée et d’organisation globale de la société refusant en général ce qui est donné par la nature et en particulier le corps sexué. L’identité sexuelle de l’être humain ne dépendrait donc plus du lien entre son genre social et son sexe «anatomique» mais de la perception subjective que chaque individu se fait de son identité, lui permettant ainsi de déterminer librement son orientation sexuelle quelle que soit sa réalité biologique et anatomique : celle-ci pourrait donc avoir des formes diverses (hétérosexuel masculin, hétérosexuel féminin, homosexuel, lesbienne, bisexuel, neutre) tout comme elle pourrait évoluer dans le temps. En fait rien ne distinguerait un homme, d’un genre féminin, d’une femme, de même que rien ne distinguerait une femme, d’un genre masculin, d’un homme. La théorie du genre ne se fonde donc plus sur la différence des sexes mais sur celle des sexualités.
En revendiquant une égalité abstraite entre hommes et femmes, les tenants de cette théorie prétendent mettre fin à la discrimination que subiraient les femmes depuis des siècles par rapport aux hommes. Si toute lutte contre les discriminations fait, a priori, l’unanimité, il faut toutefois s’assurer que l’argument avancé ne sert pas un objectif qui ne dit pas son nom, celui de généraliser l’introduction en France de la théorie du gender, dans son sens subversif de l’indifférenciation des sexes qui pourrait inspirer notre législation.

Quelles seraient les conséquences, pour une société, de l’indifférenciation des sexes ?

  • La dissociation entre sexe biologique et genre social, en négligeant la réalité de la place du corps et par conséquent le fait que le corps soit l’expression visible de l’identité de l’homme et de la femme, empêche de considérer la personne humaine dans son unité. On voit donc ce que pourrait avoir de perturbateur pour des enfants et des adolescents une éducation qui ne prendrait pas en compte cette unité ou qui ne s’appuierait pas sur la réalité de ce qu’ils sont.



  • Si la construction de soi est uniquement liée au comportement et à l’orientation sexuelle, elle devient subjective et mouvante et il est alors difficile d’entrer dans une relation durable avec une autre personne.



  • L’indifférenciation sexuelle entre les individus a pour conséquence de reconnaître que tous les couples, quel que soit le sexe des individus qui les composent, sont égaux, entraînant ainsi une remise en cause du mariage, de la famille et de la maternité fondés sur l’altérité sexuelle. Pour sortir de «la contrainte» de la maternité, des modes de reproduction artificielle comme l’utérus artificiel ou les mères porteuses seront revendiqués. Paradoxalement tous les moyens seront explorés pour avoir un enfant, même si les choix de vie rendent objectivement stériles. C’est la marche vers le droit à l’enfant.



  • Cette théorie qui revendique une égalité abstraite entre les hommes et les femmes part du principe que seule l’indifférenciation sexuelle pourra conduire à l’égalité. Mais en confondant la fonction des personnes et leur être même, elle aboutit, au contraire, à une profonde inégalité car il ne peut y avoir égalité sans reconnaissance des différences. Qui peut nier qu’à fonction égale, la femme doit avoir le même salaire qu’un homme, mais devrait-on alors lui supprimer tout congé de maternité pour le même motif ? On voit bien que l’homme et la femme ont une spécificité liée à leur nature et que la véritable égalité consiste à en tenir compte.


En introduisant la théorie du gender en France nous serions donc en face d’une rupture majeure de notre société et d’un bouleversement pour l’ensemble des Français. Ceux-ci ont le droit de savoir : la théorie du gender ne peut être imposée en catimini sans que les citoyens n’aient conscience de ce qu’elle représente et des conséquences qu’elle entraîne.

Or, à quelle situation sommes-nous confrontés en France ?

  • En 2010 est créé à Sciences Po un « programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre » intitulé Presage annoncé au printemps et mis en œuvre en septembre, rendant l’enseignement de la théorie du gender obligatoire ;



  • Certaines universités – Paris 8, Toulouse Le Mirail, Paris 7, Paris 3/Paris 6 ou l’École des hautes études en sciences sociales– proposent depuis plusieurs années des spécialisations en études de genre au niveau du Master et parfois des cours obligatoires d’initiation à ces problématiques dès la licence, y compris dans des cursus de science politique. Cette commission devra s’attacher à étudier l’introduction éventuelle de la théorie du gender via ces programmes d’études et de recherches ;



  • À la rentrée 2011, les nouveaux manuels scolaires de science et vie de la terre (SVT) en Première L et ES abordent les chapitres sur la sexualité, l’identité sexuelle ou les rôles de l’homme et de la femme, qui pourraient apparaître sous l’angle de la théorie du gender;



  • La loi n°2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel ajoute à la liste des discriminations réprimées celles commises en raison de l’orientation ou de l’identité sexuelle ;



  • La crèche Bourdarias en Seine-Saint-Denis est une crèche dont, depuis avril 2009, les équipes, qui ont été formées par des spécialistes suédois, pratiquent une pédagogie « active égalitaire » et se mobilisent pour lutter contre les stéréotypes de genre qui assignent les enfants à des rôles différents en fonction de leur sexe : « on encourage les filles à manier le marteau à l’atelier bricolage et les garçons à s’exprimer à l’atelier émotions ». Cette expérience pilote intéresse le gouvernement puisque Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des Femmes et Dominique Bertinotti, ministre déléguée à la Famille l’ont visitée en septembre dernier et affirmé clairement leur désir de multiplier ce type de dispositif, et de réfléchir à la formation et à la pratique des professionnels de la petite enfance. Comment s’assurer que l’idéologie du gender ne soit pas promue à l’occasion de ces formations ?



  • Le 7 novembre 2012 le Conseil des Ministres adoptait le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, qui propose de remplacer les termes femme et mari par le concept neutre et indifférencié d’«époux» ou «conjoint» et les termes père et mère par le terme neutre de «parent» ;



  • Novembre 2012 : Madame Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement, met en place un programme d’actions du gouvernement contre les violences et les discriminations commises en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre.


Cependant, le 23 novembre 2012, le tribunal administratif de Paris annule l’agrément «Éducation nationale» dont bénéficiait SOS homophobie en tant qu’association éducative complémentaire de l’enseignement public pour atteinte au principe de neutralité qui s’impose aux associations intervenant dans l’enseignement public, ainsi que pour atteinte aux convictions religieuses et philosophiques des élèves, de leurs parents ou des enseignants : ne faudrait-il pas que cette vigilance dont a fait preuve le tribunal administratif vis-à-vis du principe de neutralité puisse également s’exercer sur des associations dont l’objectif réel serait l’introduction de la théorie du gender dans l’enseignement et l’éducation nationale ?
Il faut donc établir un véritable état des lieux de la pénétration de cette théorie dans l’ensemble de notre pays : politique de la petite enfance, éducation, enseignement scolaire, enseignement supérieur, droits des femmes, droit de la famille, droit social, administration, Justice… Les conséquences qu’elle implique représentent un tel bouleversement de notre contrat social que les Français sont en droit d’en être informés.
C’est pourquoi nous demandons la création d’une commission d’enquête.

Note 1 :

Virginie DUBY-MULLER, Xavier BRETON, Véronique BESSE, Étienne BLANC, Gilles BOURDOULEIX, Valérie BOYER, Guillaume CHEVROLLIER, Philippe COCHET, Gérald DARMANIN, Olivier DASSAULT, Jean-Pierre DECOOL, Jean-Pierre DOOR, Bernard GÉRARD, Philippe GOUJON, Anne GROMMERCH, Jean-Claude GUIBAL, Annie GENEVARD, Philippe GOSSELIN, Patrick HETZEL, Charles de LA VERPILLIÈRE, Isabelle LE CALLENNEC, Marc LE FUR, Pierre LEQUILLER, Céleste LETT, Véronique LOUWAGIE, Lionel LUCA, Gilles LURTON, Alain MARC, Philippe MEUNIER, Yannick MOREAU, Alain MOYNE-BRESSAND, Jacques MYARD, Yves NICOLIN, Patrick OLLIER, Bernard PERRUT, Jean-Frédéric POISSON, Josette PONS, Camille de ROCCA SERRA, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Dominique TIAN, Jean-Pierre VIGIER et Philippe VITEL.