Bien que l’e-cigarette soit apparemment le meilleur « remède » à la première cause de mortalité en France, elle divise plus qu’elle ne rassemble : une guerre sans merci oppose désormais trois puissants acteurs (Etat, industries du tabac, professionnels de santé publique) aux vendeurs de l’e-cigarette. En France, la loi semble pour le moment plutôt l’assimiler à un produit du tabac tandis qu’au niveau européen les pharmacies ont échoué à obtenir le monopole de sa commercialisation … L’Europe a donc privilégié une logique de vente libre et directe aux consommateurs, sans doute plus propice au maintien de prix attractifs. Espérons qu’elle saura garder le cap malgré la forte pression des lobbies et ne règlementer que pour imposer des normes de fabrication et de visibilité garantes de la qualité sanitaire du produit.
L’affrontement des lobbies
Arrivée sur le marché depuis une décennie à peine, la cigarette électronique est devenue un véritable phénomène de mode qui supplante les produits de substitution nicotinique et représente déjà un danger sérieux pour le lobby du tabac. Philip Morris a bien pris conscience de cette menace asymétrique : le géant américain de la cigarette traditionnelle est sur le point de faire voter des lois outre atlantique qui signent la mort annoncée de cette concurrence si dangereuse. En France aussi, la loi parait désormais évoluer dans un sens plus contraignant pour l’e-cigarette. Mais le véritable enjeu reste au niveau des instances européennes : si le Parlement vient tout juste de voter le maintien en vente libre de la cigarette électronique, écartant l’option défendue par le lobby de la pharmacie, les lobbies du tabac restent mobilisés pour influer sur les décisions imminentes de la Commission. Quel sera l’issue de ce combat aux répercussions économiques considérables ?
L’e-cigarette s’est rapidement imposée comme un produit très attractif et rentable. Les ventes augmentent en France de façon exponentielle comme en atteste la progression du chiffre d’affaires de 40 millions d’euros en 2012 à 200 millions d’euros fin 2013, soit une augmentation mensuelle moyenne de 15%. Celui-ci dépasse déjà le CA annuel des produits de sevrage nicotinique (100 millions d’euros) et pourrait concurrencer, à plus long terme, le marché de la cigarette classique (15 milliards d’euros) dont les ventes diminuent avec l’augmentation du prix du paquet, qui a doublé en 10 ans. Sur le marché du travail français, le commerce de l’e-cigarette a généré plus de 2000 emplois en une dizaine d’année. Rien d’étonnant dans ces conditions à ce que nos 27 000 bureaux de tabac hexagonaux veuillent obtenir le monopole sur cet article qu’ils considèrent comme un produit « comparable aux cigarettes classiques » puisqu’il délivre de la nicotine à son utilisateur. Cependant, les 600 revendeurs français d’e-cigarettes espèrent bien continuer à en assurer la vente quasi exclusive. Les pharmacies considèrent, de leur côté, qu’elles devraient bénéficier du monopole de vente sur ce produit de substitution nicotinique et entendent donc faire modifier la loi qui leur interdit actuellement de vendre des produits de sevrage dont le taux de nicotine est inférieur à 20 mg/l. Ainsi, tout l’enjeu réside dans le pouvoir d’influer sur le législateur pour que le statut de l’e-cigarette soit clairement défini : produit de consommation courant, substitut à la nicotine ou produit assimilé au tabac.
Le cas d’école américain
Aux Etats-Unis, les groupes producteurs de cigarettes s’efforcent de faire évoluer la législation pour que l’e-cigarette soit rapidement considérée comme pur produit du tabac. La Federal Drugs Administration (FDA) serait alors en mesure de règlementer tout l’environnement de l’e-cigarette : nouvelles taxes sur le produit, contraintes administratives et financières pour effectuer les tests et contrôles qualité, restrictions en matière de publicité ou d’emballage, suppression de saveurs jugées addictives, réorganisation du réseau de distribution, interdiction de la vente sur internet, etc … Autant de barrières au développement naturel du marché qui permettraient, paradoxalement, de faire tomber l'industrie de la cigarette électronique entre les mains des cigarettiers, seuls entreprises financièrement capables de s’adapter sans délais à ce nouveau cadre légal. Les récentes acquisitions de sociétés d'e-cigarettes par certains grands groupes de tabac américains semblent corroborer cette analyse. Seules résistent les associations de consommateurs et quelques professionnels qui tentent de faire comprendre aux autorités américaines qu'un cadre légal trop restrictif signerait la mort du seul produit aujourd'hui capable de faire reculer les ravages du tabagisme dans le pays...
Santé des individus versus besoins financiers de l’Etat français
En France, le législateur se trouve confronté à un dilemme : comment concilier les impératifs de santé publique avec les besoins financiers de l’Etat, prompt à taxer les produits du tabac ? Bien que tous les acteurs s’accordent à dire que l’e-cigarette semble moins nocive que la cigarette classique, il semblerait que le lobby du tabac, le plus actif, ait déjà gagné la première bataille : la réglementation française ne permet plus, en vertu du principe de précaution, la vente de l’e-cigarette aux moins de 16 ans ni le vapotage dans les lieux publics. Toutefois, le combat ne sera pas totalement perdu tant que l’Europe n’aura pas clairement statué.
En effet, les lobbies du tabac concentrent aujourd’hui tous leurs efforts sur l’UE. Le Parlement européen ayant d’ores et déjà voté une première loi, en octobre 2013, interdisant aux pharmacies de vendre les cigarettes électroniques (assimilées à des produits de consommation courante), le duel oppose désormais les partisans de la cigarette classique aux tenants de la cigarette électronique. Concrètement, les lobbies du tabac tentent de faire adopter par les députés européens puis appliquer, via la Commission, des normes de fabrication qu’eux seuls sont à même de respecter. Cette manœuvre, déjà initiée outre-Atlantique, élimineraient de facto la majorité des magasins spécialisés en distribution de e-cigarette. Ceux-ci ont parfaitement compris le danger : en juillet dernier, le comité des acteurs de la cigarette électronique (CACE), qui regroupe 90% des professionnels français (importateurs et vendeurs), a mandaté l'agence Havas Paris pour défendre leurs intérêts devant les eurodéputés.
L’affrontement des lobbies
Arrivée sur le marché depuis une décennie à peine, la cigarette électronique est devenue un véritable phénomène de mode qui supplante les produits de substitution nicotinique et représente déjà un danger sérieux pour le lobby du tabac. Philip Morris a bien pris conscience de cette menace asymétrique : le géant américain de la cigarette traditionnelle est sur le point de faire voter des lois outre atlantique qui signent la mort annoncée de cette concurrence si dangereuse. En France aussi, la loi parait désormais évoluer dans un sens plus contraignant pour l’e-cigarette. Mais le véritable enjeu reste au niveau des instances européennes : si le Parlement vient tout juste de voter le maintien en vente libre de la cigarette électronique, écartant l’option défendue par le lobby de la pharmacie, les lobbies du tabac restent mobilisés pour influer sur les décisions imminentes de la Commission. Quel sera l’issue de ce combat aux répercussions économiques considérables ?
L’e-cigarette s’est rapidement imposée comme un produit très attractif et rentable. Les ventes augmentent en France de façon exponentielle comme en atteste la progression du chiffre d’affaires de 40 millions d’euros en 2012 à 200 millions d’euros fin 2013, soit une augmentation mensuelle moyenne de 15%. Celui-ci dépasse déjà le CA annuel des produits de sevrage nicotinique (100 millions d’euros) et pourrait concurrencer, à plus long terme, le marché de la cigarette classique (15 milliards d’euros) dont les ventes diminuent avec l’augmentation du prix du paquet, qui a doublé en 10 ans. Sur le marché du travail français, le commerce de l’e-cigarette a généré plus de 2000 emplois en une dizaine d’année. Rien d’étonnant dans ces conditions à ce que nos 27 000 bureaux de tabac hexagonaux veuillent obtenir le monopole sur cet article qu’ils considèrent comme un produit « comparable aux cigarettes classiques » puisqu’il délivre de la nicotine à son utilisateur. Cependant, les 600 revendeurs français d’e-cigarettes espèrent bien continuer à en assurer la vente quasi exclusive. Les pharmacies considèrent, de leur côté, qu’elles devraient bénéficier du monopole de vente sur ce produit de substitution nicotinique et entendent donc faire modifier la loi qui leur interdit actuellement de vendre des produits de sevrage dont le taux de nicotine est inférieur à 20 mg/l. Ainsi, tout l’enjeu réside dans le pouvoir d’influer sur le législateur pour que le statut de l’e-cigarette soit clairement défini : produit de consommation courant, substitut à la nicotine ou produit assimilé au tabac.
Le cas d’école américain
Aux Etats-Unis, les groupes producteurs de cigarettes s’efforcent de faire évoluer la législation pour que l’e-cigarette soit rapidement considérée comme pur produit du tabac. La Federal Drugs Administration (FDA) serait alors en mesure de règlementer tout l’environnement de l’e-cigarette : nouvelles taxes sur le produit, contraintes administratives et financières pour effectuer les tests et contrôles qualité, restrictions en matière de publicité ou d’emballage, suppression de saveurs jugées addictives, réorganisation du réseau de distribution, interdiction de la vente sur internet, etc … Autant de barrières au développement naturel du marché qui permettraient, paradoxalement, de faire tomber l'industrie de la cigarette électronique entre les mains des cigarettiers, seuls entreprises financièrement capables de s’adapter sans délais à ce nouveau cadre légal. Les récentes acquisitions de sociétés d'e-cigarettes par certains grands groupes de tabac américains semblent corroborer cette analyse. Seules résistent les associations de consommateurs et quelques professionnels qui tentent de faire comprendre aux autorités américaines qu'un cadre légal trop restrictif signerait la mort du seul produit aujourd'hui capable de faire reculer les ravages du tabagisme dans le pays...
Santé des individus versus besoins financiers de l’Etat français
En France, le législateur se trouve confronté à un dilemme : comment concilier les impératifs de santé publique avec les besoins financiers de l’Etat, prompt à taxer les produits du tabac ? Bien que tous les acteurs s’accordent à dire que l’e-cigarette semble moins nocive que la cigarette classique, il semblerait que le lobby du tabac, le plus actif, ait déjà gagné la première bataille : la réglementation française ne permet plus, en vertu du principe de précaution, la vente de l’e-cigarette aux moins de 16 ans ni le vapotage dans les lieux publics. Toutefois, le combat ne sera pas totalement perdu tant que l’Europe n’aura pas clairement statué.
En effet, les lobbies du tabac concentrent aujourd’hui tous leurs efforts sur l’UE. Le Parlement européen ayant d’ores et déjà voté une première loi, en octobre 2013, interdisant aux pharmacies de vendre les cigarettes électroniques (assimilées à des produits de consommation courante), le duel oppose désormais les partisans de la cigarette classique aux tenants de la cigarette électronique. Concrètement, les lobbies du tabac tentent de faire adopter par les députés européens puis appliquer, via la Commission, des normes de fabrication qu’eux seuls sont à même de respecter. Cette manœuvre, déjà initiée outre-Atlantique, élimineraient de facto la majorité des magasins spécialisés en distribution de e-cigarette. Ceux-ci ont parfaitement compris le danger : en juillet dernier, le comité des acteurs de la cigarette électronique (CACE), qui regroupe 90% des professionnels français (importateurs et vendeurs), a mandaté l'agence Havas Paris pour défendre leurs intérêts devant les eurodéputés.