L’Education Nationale 3.0 mérite un débat d’ampleur nationale

Avec près de 65 milliards d’euros en 2014, le ministère de l’Education Nationale détient le premier budget de la nation. Un sujet qui reste la priorité du gouvernement et qui prouve combien la France mise sur l’avenir de ses jeunes. Mais à quel prix doit on payer le progrès, s’il-en-est vraiment un ? CPE, réformes sur les rythmes scolaires, ou encore théorie du genre (etc…) sont des sujets surmédiatisés qui ont suscité une mobilisation importante de la part d’élèves, de professeurs ou encore de parents. Ces mobilisations sont la preuve que certains projets de loi peuvent cependant soulever des problématiques majeures et susciter le débat. Pourtant, parmi ces réformes, le passage de l’Education Nationale au numérique est, quant à lui, passé sous silence alors qu’il soulève, lui aussi, de nombreux problèmes et n’offre pas les garanties nécessaires en terme de liberté individuelle et de modèle républicain.

Que se cache-t-il derrière l’affichage de la modernité ?
À première vue, cette réforme s’inscrit dans une démarche de modernité.  Le constat évident est le suivant : le monde actuel est défini par la transformation des modes de productions et de diffusion de l’information. Un nouveau défi à relever pour l’Ecole de la République qui doit adapter ses méthodes d’apprentissage et d’enseignement à cette évolution en prenant le pas sur le numérique. Ce territoire numérique éducatif est vaste. Il englobe une grande variété de contenus pédagogiques avec d'un côté les manuels scolaires, logiciels éducatifs, vidéos, et de l'autre, les équipements et les infrastructures de la classe permettant la diffusion des ressources, comme les tablettes, les tableaux numériques interactifs, les espaces numériques de travail.
Cependant, ce dossier esquisse trois problématiques majeures qui touchent à la maitrise des informations et par conséquent à la protection des individus. Il relève de la menace d’une exploitation non contrôlée des données personnelles des élèves et des professeurs, du risque d’une marchandisation de l’Education Nationale et du danger d’un affaiblissement de l’économie française et européenne de la connaissance, pourtant porteuse d’emploi et d’avenir.

L’instauration d’une dépendance
Le projet de loi pose un problème en termes de protection de données car il ne fournit aucune garantie concernant le stockage et l’utilisation des données détenues par des entreprises privées, pour la plupart américaines, susceptibles de les utiliser à des fins marchandes. Ce système pousse à la dépendance totale de l’enseignement vis à vis de multinationales étrangères qui détiendront l’ensemble des données éducatives et personnelles mais pourront aussi maitriser les enseignements pédagogiques divulgués en France. Outre ce problème de protection des données, ces mêmes entreprises seront à même de promouvoir, censurer ou supprimer les contenus selon leurs propres termes. Ainsi les programmes de l’Education Nationale pourront être contrôlés voire remplacés par des programmes en provenance d’outre-Atlantique. Cette dépendance et cette influence culturelle vis à vis de ces acteurs privés étrangers pourront conduire à terme à une uniformisation de la connaissance et un système éducatif subi.
Les Français ne maitrisent pas toutes les conditions liées à Internet et touchant au domaine de l’information et ne voient dans ce projet que l’amélioration et la modernisation des systèmes d’apprentissage et d’enseignement en occultant toutes la face cachée de l’iceberg concernant la protection des données personnelles et l’indépendance des systèmes éducatifs.