La pression des syndicats de pilotes de lignes sur les compagnies aériennes

Le pilote de ligne est avant tout, la personne responsable de la sécurité de ses passagers qui a comme mission la maîtrise de tous les imprévus en vol (trous d'air, turbulences, intempéries, verglas...) et la préparation en amont de l'itinéraire de voyage (météorologie, prise de carburant...). De profil plutôt scientifique, niveau BAC+5, le pilote de ligne bénéficie d’un salaire confortable variant de 3 000 € brut par mois pour un débutant à plus de 20 000 € en fin de carrière. De par leur importance et leur rôle essentiel pour le maintien de l’activité d’une compagnie aérienne, les 233 00 pilotes actuels dans le monde sont de plus en plus puissants et forment un État dans l’État, une sorte de pouvoir que tous les dirigeants redoutent. Leur prise de parole est parfois légitimée par des évènements marquants comme un crash aérien. Le débat après l’accident du vol Air France entre Rio et Paris a mis notamment en évidence la question de l’entraînement des pilotes (non pas sur simulateur mais sur appareil en situation réelle).
Lorsqu’ils sont insatisfaits, le déclenchement d’une simple grève coûterait chaque jour entre 2 à 3 millions d’euros à la compagnie, sans compter les incidences notables pour les voyageurs et l’effet néfaste sur l’image auprès des clients.
Conscient de cela, ce personnel navigant use et abuse de son pouvoir pour défendre ses intérêts et maintenir ses avantages (formation, rémunération, productivité, gestion de l'emploi...) Sa force se résume à une stratégie de lobbying parfaite accompagnée par un jeu de pouvoir et d’influence. En effet, une fois embauchés, les tests physiques, psychiques, connaissances théoriques, pratiques et tests psychotechniques réussis, les pilotes de lignes intègrent une élite très bien représentée dans les compagnies aériennes. Ils forment généralement des structures syndicales très bien structurées s’appuyant sur l’intégration quasi-totale du groupe navigant. Envahis par un fort sentiment de fierté, ils ne sentent pas de pression de la part de la hiérarchie ni du top management mais plutôt une forte appartenance aux syndicats de pilotes de ligne. Leur lobby est prêt à tout pour défendre leurs intérêts et verrouiller les prises de décision.
Généralement très bien renseignés quant aux discussions du top management en cours ainsi que sur les différents indicateurs de la compagnie, ils bénéficient d’un temps d’avance pour préparer les bons arguments et leur stratégie d’influence. Ils évoquent rapidement :

  • La sécurité à bord, dès qu’on souhaite modifier leurs conditions de travail (nombre d’heures de vol, qualité des hébergements, temps de repos...)

  • Les appels à la grève, surtout en périodes de pointes, lorsqu’il s’agit de défendre des intérêts ou réclamer des droits.


A ce jour, les seules compagnies non encore concernées par ce jeu d’influence sont les compagnies à bas coût, Ryanair en tête, dont les pilotes sont souvent employés en contrats précaires. Ces compagnies refusent de laisser les syndicats pénétrer leur microcosme au risque de réduire leurs marges, qui tirent leurs prix bas d’une compression des charges sociales. Dernier exemple en date, la grève annoncée le 26 novembre 2013 par les pilotes français d’EasyJet, clamant l’amélioration des conditions salariales, n’aurait eu aucun impact sur les voyageurs de la compagnie. Profitant de son réseau européen, EasyJet a pu remplacer tous les grévistes par des pilotes anglais et n’a annulé aucun vol.
De telles pratiques freinent le développement des compagnies aériennes, en particulier les compagnies régulières et bloquent leurs projets de réduction de coûts nécessaires pour garder leur compétitivité. Il serait par conséquent essentiel de mettre en place des réformes d’arbitrage afin de mieux réglementer ces jeux de pouvoir et replacer le pilote de ligne dans la structure organisationnelle et hiérarchique de la compagnie.