Le GPS Navstar : norme militaire universelle ?

 

​Le GPS Navstar est un système de positionnement par satellite développé par l'US Air Force à partir de 1973. Il convient de préciser que le terme « GPS » (Global Positioning System) est un terme générique. Cependant, se référer au GPS revient le plus souvent à se référer au système de GPS américain Navstar. Autrement dit, les Etats-Unis se sont arrogés le terme générique, témoignage d'une forte influence, si ce n'est d'une hégémonie totale en matière de système de positionnement par satellite. Ce système repose sur une constellation de 30 satellites qui couvrent la totalité de la surface terrestre (1). Jusqu'à une époque récente, ce système américain a de nombreuses fois fait preuve de sa suprématie (2), tant sur le plan civil que militaire et ce n'est que par le bon vouloir de ce pays que nous profitons à des coûts très réduits de cette technologie. Ainsi les usages militaires dépendent du Department of Defense (DoD) américain. La mainmise de ce dernier est totale en la matière, de l'exportation de la technologie et de tout matériel utilisant celle-ci à la fourniture du signal en lui-même (3). De fait, tout matériel militaire utilisant la technologie GPS est soumis à l'International Traffic in Arms Regulations (4), ce qui permet à l'administration américaine de disposer d'un panel des équipements utilisés par les puissances étrangères, mais aussi d'avoir un droit de regard concernant l'autorisation ou le refus de l'usage de leur technologie. Par ailleurs, si le DoD décidait à tout moment de brouiller ou de dégrader le signal GPS, civil ou militaire, rien ne pourrait l'en empêcher. Il ne faut pas non plus négliger l'avantage de cette utilisation mondiale d'un tel système en matière de collecte de données, qui représente pour les Etats-Unis une véritable aubaine dans l'obtention du renseignement par le biais de la National Geospatial Intelligence Agency (5). Enfin, c'est également en raison de sa position de pionnier en la matière, que le système Navstar, a  su se constituer en tant que norme militaire universelle. L'absence de concurrent fiable et les possibilités que le système a su offrir a donné l'occasion aux armées alliées des Etats-Unis de bénéficier d'une technologie avancée mais ceci au prix d'une dépendance technologique totale.

Cependant, si cette hégémonie technologique en matière de positionnement par satellite au sein des diverses armées du monde est avérée, elle n'en demeure pas moins balancée à l'heure actuelle. Bien que le terme GPS fasse implicitement référence au système Navstar, des exemples de la vie courante permettent de nuancer ce leadership. Ainsi, en Russie, le gouvernement a mené une vaste campagne de taxation défavorable aux produits compatibles uniquement Navstar (6). De ce fait, si aujourd'hui les téléphones fonctionnent sur le principe de l'interopérabilité c'est en partie grâce à cela, et le GPS fonctionne désormais tant sur la base de Navstar que de GLONASS, son homologue russe. Toutefois, est-ce à dire que le GPS Navstar n'est plus la norme militaire universelle ? Il convient d'aborder le passage d'un système hégémonique fondé sur la norme Navstar à un système concurrentiel et désormais fondé sur l'interopérabilité.

L'hégémonie de Navstar a donc été permise grâce à la position de pionnier des Etats-Unis sur la frontière technologique et à l'absence de concurrents. Les Etats-Unis sont parvenus jusqu'en 2011 à imposer leur norme en matière de positionnement par satellite, ils se sont constitués en distributeurs et en contrôleurs. Le GPS Navstar a donc été la norme militaire universelle pendant un temps. C'est en 1991, lors de la guerre du Golfe que l'utilisation de cette technologie s'est véritablement révélée au monde (7). Alors qu'il était facile de se perdre dans le désert, le système mis à disposition par les Etats-Unis aux armées de la coalition leur a permis de naviguer sans difficulté alors qu'ils ne bénéficiaient pas de l'avantage du terrain. Cependant, même les alliés les plus proches des Etats-Unis ne purent bénéficier d'un quelconque privilège et ceux-ci ne se privèrent pas de distribuer selon leur intérêt propre le signal. Ainsi, le DoD aurait décidé de ne pas mettre à disposition de Tsahal le signal Navstar afin que l'aviation israélienne ne s'arroge pas la maîtrise des airs dans un conflit qui a été mené tambour battant par l'US Army (8). Plus proche de nous, l'exemple des missiles SCALP (missiles de croisière) ou AASM (missiles air-sol utilisés sur le Rafale) produits par MBDA et Sagem et utilisés par l'armée française fonctionnent avec le GPS (9). Concrètement, cela signifie que le DoD est au courant que leur matériel est en dotation sur une technologie européenne, cette dernière dépendant donc du bon vouloir du DoD pour fonctionner correctement. Si le DoD décidait de brouiller le signal, l'utilisation de ces missiles serait nettement perturbée. Par conséquent, le GPS Navstar, en étant implanté de par le monde sur l'essentiel du matériel militaire (10) s'est effectivement érigé en outil indispensable.

Mais plusieurs éléments viennent contrebalancer cette position. Vient en premier lieu le système russe Glonass, qui est historiquement le tout premier concurrent du système américain mais qui par faute de moyens n'est devenu opérationnel que très récemment (11). Puis vient ensuite le système européen, qui bien qu'il ait été muselé par les Etats-Unis, contraint ces derniers à se soumettre au principe de l'interopérabilité et fait donc vaciller la dépendance technologique de l'Europe qu'ils avaient su instituer.

L'exemple russe est véritablement criant en matière de balance de l'hégémonie américaine et le système Glonass peut ainsi contribuer à faire apparaître un bloc des pays émergents qui souhaiteraient s'affranchir de cette dépendance technologique. Le Brésil par exemple s'est montré intéressé (12), tout comme l'Inde (13) dans ce système. Le cas d'Apple également qui a rendu ses téléphones interopérables Navstar/Glonass (14) est bien l'illustration de la capacité de ce dernier système à peser dans la balance technologique. Sur le plan militaire, il est possible de citer l'exemple du missile de croisière indo-russe BrahMos (15) qui fonctionne à la fois avec le système américain et russe, permettant d'aller au-delà de la tutelle de ce premier. La Russie est donc bien dans une logique de puissance par rapport au positionnement du système leader sur le marché, tout comme les pays émergents, qui voient en Glonass un moyen de parer à toute manœuvre américaine de déstabilisation des arsenaux.

Toutefois, il convient de pondérer là encore cette nouvelle tendance et il est possible de dire que les deux systèmes se nourrissent l'un de l'autre. Le GPS Navstar fonctionne sur la norme géodésique WGS 84. Le système Glonass originel fonctionnait sur une norme différente, PZ-90, qui par souci d'harmonisation a été rapprochée de celle des Etats-Unis afin que les deux systèmes puissent fonctionner ensemble (16). A proprement parler donc, la norme géodésique Navstar demeure un standard vis à vis des autres technologies, ne serait-ce que par soucis de lisibilité.

Un autre exemple flagrant en matière de menace de l'hégémonie de la norme Navstar est la lutte qu'ont mené les Etats-Unis contre le projet européen Galileo, qui a été réellement perçu comme une menace pour leur sécurité nationale (17). Le projet Galileo a bien failli mourir de cette lutte et de nombreuses entraves ont été placées sur son chemin. Bien que ce dernier eut pu se positionner en tant que nouveau leader, la lutte avec les Etats-Unis risque de le placer au mieux sur un seuil d'égalité, voire au rang de suiveur. Le droit de brouillage que se réservent les Etats-Unis en cas de situation dite « hostile » (18) sur Galileo, donc à n'importe quel moment en temps de guerre, vient confirmer leur volonté de demeurer les leaders en matière d'offre ultime de positionnement par satellite militaire. Quand bien même la technologie qu'offrent les Européens serait plus performante le retard accumulé lors des négociations et de la mise en place de la constellation a permis à leur concurrent de développer qualitativement leur système. En effet, Galileo prévoyait une précision à 1m, ce dont n'était pas capable la version 2 du GPS Navstar. Mais le délai des négociations pour qu'Américains et Européens trouvent un terrain d'entente a permis à ces premiers de développer une troisième version (19) nettement plus précise. Cependant, il est désormais acquis que même si l'essentiel des systèmes fonctionnent sur la norme GPS en raison des matériels utilisés, l'interopérabilité est désormais de mise.

Il faut également aborder la question des autres systèmes, non-opérationnels pour le moment mais qui permettront également à d'autres pays de s'affranchir de la tutelle américaine. Ainsi, la Chine développe actuellement son propre système GPS, Compass, aussi connu sous le nom de Baidu 2. Bien que le système soit encore localisé à l'échelle régionale, il doit à terme lui aussi couvrir l'ensemble de la surface terrestre. Il en va de même pour l'Inde qui a lancé son propre programme : IRNSS, mais celui-ci se cantonnerait à l'Inde et à ses frontières proches.

Par conséquent, il s'avère que les Etats-Unis ont réussi à imposer une norme militaire universelle par le biais de leur système de positionnement par satellite au sein des diverses armées du monde qui se servent de cette technologie dans l'essentiel de leur matériel. Malgré l'apparition de sérieux concurrents, le GPS Navstar est toujours utilisé si ce n'est en premier lieu, du moins en support, ou complémentairement à un signal autre tel que Glonass dans certains cas, ou EGNOS en Europe, permettant  d'améliorer le signal originel de Navstar en attendant la venue de Galileo. Souvent, les autres signaux sont invoqués en complément de Navstar afin de gagner en précision sur certaines zones comme le cercle polaire par exemple dans le cas de Glonass. C'est en définitive grâce à sa position de pionnier que la norme GPS Navstar a su s'imposer et se propager en s'illustrant largement dans les conflits des années 1990. Elle est encore utilisée aujourd'hui sur la majorité des systèmes d'armes mais de façon duale afin de s'affranchir d'une technologie exclusivement américaine.

Jean-Maxime Dick

 

Bibliographie :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

http://www.airforce.com/learn-about/stem/#/GPS-satellites

 

 

 

 

 

 

 

 

http://www.spacetoday.org/Satellites/GPS.html

 

 

 

 

 

 

 

 

http://www.gps.gov/governance/advisory/recommendations/2009-06-finalreport.pdf

 

 

 

 

 

 

 

 

http://www.insidegnss.com/node/3035

 

 

 

 

 

 

 

 

http://gcn.com/blogs/pulse/2012/12/nga-expand-gps-data-collection.aspx

 

 

 

 

 

 

 

 

http://en.wikipedia.org/wiki/GLONASS

 

 

 

 

 

 

 

 

http://www.defense.gouv.fr/actualites/dossiers/espace-militaire/les-fonctions-spatiales-au-service-des-operations/naviguer-localiser-gps-et-galileo

 

 

 

 

 

 

 

 

http://www.infoguerre.fr/industries-et-souverainete/normes-gps-navstar-vs-glonass/

 

 

 

 

 

 

 

 

http://www.mbda-systems.com/mediagallery/files/aasm_ds.pdf

 

 

 

 

 

 

 

 

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http://www.aeroplans.fr/Europespace/glonass-outil-politique.html

 

 

 

 

 

 

 

 

http://fr.ria.ru/science/20100515/186696348.html

 

 

 

 

 

 

 

 

www.ifri.org/downloads/asievisions37gboquerat2.pdf

 

 

 

 

 

 

 

 

http://french.ruvr.ru/2011/10/21/59113016/

 

 

 

 

 

 

 

 

http://www.army-technology.com/projects/brahmossupersoniccru/

 

 

 

 

 

 

 

 

http://www.ion.org/publications/abstract.cfm?articleID=2550

 

 

 

 

 

 

 

 

http://www.aeroplans.fr/Europespace/amerique-guerre-galileo.html

 

 

 

 

 

 

 

 

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http://www.aeroplans.fr/Europespace/renouvellement-constellation-gps.html