Manœuvres chinoises pour conquérir des parts du marché mondial du vin

​La procédure « anti dumping » lancée par la Chine contre les vins de l’Union Européenne a été présentée comme une contre mesure aux menaces de rétorsion de l’Union Européenne (UE) sur les importations de panneaux solaire chinois. Les ministres français, espagnols et italiens avaient tous espéré que celle-ci s’arrêterait avec la conclusion d’un accord sur le solaire. Il n’en est rien. Apparemment poussée par ses propres viticulteurs (80 à 90 % des vins consommés en Chine sont d’origine chinoise), la Chine persiste dans sa volonté de sanctions pour protéger sa production nationale mais aussi pour en écouler une partie significative dans les pays consommateurs de vin.

Une approche quelque peu manipulatrice des autorités chinoises


Sous couvert de lutte anti-dumping, les Autorités chinoises ne profitent-elles pas d’une démarche administrative qu’elles imposent aux entreprises étrangères pour leur soutirer de l’information stratégique qu’elles exploiteraient ensuite au profit de leur propre industrie du vin. Plus de 5 000 entreprises européennes ont rempli les formulaires d’inscription des Ministères de l’agriculture et du commerce extérieur chinois, afin de ne pas être surtaxées. Les autorités chinoises ont choisi parmi elles un échantillon qui permettra de calculer un droit de douane moyen pour les entreprises enregistrées. Selon le Monde du 13 septembre, cet échantillon ne regrouperait que quatre  entreprises françaises et deux entreprises espagnoles 2013. Est-ce un hasard si deux des quatre entreprises françaises choisies dans l’échantillon par les autorités chinoises comptent parmi les plus gros exportateurs de la planète et ne produisent qu’une partie du vin qu’elles vendent. On peut donc supposer que dans leurs comptes, les Chinois ne trouveront pas d’éventuelles subventions sur la « production de raisins et vinification » qui a pourtant été soutenue par la PAC. Notons à ce propos que l’échantillon ne comporte pas d’entreprises italiennes, alors que ce pays bénéficie en 2013 de 102,2 millions d’€ d’aides européennes pour la promotion hors UE contre 57,7 millions € pour la France et 40,0 millions € pour l’Espagne.
Les entreprises choisies par les autorités chinoises afin de constituer cet échantillon ont la particularité d’être leaders sur deux familles de produits français qui sont justement des fleurons à l’exportation : les vins de cépages sans AOP et les vins de Bordeaux.  Le Cava espagnol est lui aussi une des fiertés de l’Europe à l’export, l’une des deux entreprise est leader sur cette AOP.

Un risque de fuites d'informations au profit du champion national chinois


Les craintes exprimées par la profession ne se résument pas qu’à des risques de baisse de commande des clients chinois qui attendent l’issue de la procédure et (donc) à l’avantage que donne cette période d’attente aux concurrents australiens et chiliens déjà très actifs en Chine.  Le groupe public Cofco est leader dans la production de vin en Chine (la marque Great Wall représente 110 à 120 millions de litres soit plus que la totalité des importations légales du pays). Supposons que cette enquête lui donne indirectement un accès aux comptes des cinq exportateurs européens ; il pourrait alors placer ses offres de vin sur le marché mondial en ayant une très bonne idée des coûts de production (vin en vrac, mise en bouteille, emballage) et de mise en marché (force de vente, marketing) des européens les plus performants.

Le précédent du jus de pomme


La stratégie de conquête du marché mondial par les champions nationaux chinois est à étudier avec la plus grande attention. Plus de 85% des jus de pomme vendus en grande surface sont élaborés à partir de concentrés de fruits provenant de Chine", assure Philippe Sans, directeur général de Mérieux NutriSciences, cité par Libération, alors que lea taille du verger français ne cesse de se réduire.

 

Annexes

4/7/13 Vitisphère : Enquête chinoise anti-dumping : les exportateurs de vins ont une poignée de jours pour s'enregistrer
Formellement ouverte depuis ce lundi, la procédure antidumping du Ministère Chinois du Commerce vient de lancer une véritable course contre la montre pour la filière européenne du vin. Dans une lettre commune aux exportateurs français de vins en Chine, les ministères de l'Agriculture et du Commerce Extérieur annonce que « si vous exportez vers la Chine, vous devez entreprendre dès à présent un certain nombre de démarches pour préserver au mieux vos intérêts ». Jusqu'au 20 juillet, les entreprises ayant expédié depuis 2009 tout type de vins vers la Chine (y compris par transits à Hong Kong ou Singapour) peuvent s'enregistrer auprès du Ministère Chinois du Commerce pour se déclarer « parties intéressées ». Cette coopération avec les autorités chinoises permettrait d'obtenir un statut privilégié, avec des droits moins élevés si les taxations douanières sont relevées.
Les ministères précisent que les droits pour les entreprises ne se déclarant pas pourraient être « 2 à 8 fois supérieurs aux droits imposés aux parties intéressées ». L'Etat français conseille donc à tous les exportateurs de se mettre en contact avec leurs interprofessions respectives, afin de remplir ces bulletins de déclarations (qui précisent les dates, volumes et valeurs d'exportations). La date de remise de ces formulaires aux interprofessions est fixée au 12 juillet 2013, des conseillers juridiques les validant ensuite. Il est également possible de passer par son importateur chinois, l'inscription se faisant par le BOFT et l'IBII pour le 20 juillet. Une fois enregistrée, une entreprise peut être sélectionnée pour faire partie de l'échantillon qui servira à pondérer un taux de dumping en recevant des enquêteurs chinois.
La procédure a été bien accueillie par les producteurs chinois de vins, qui espèrent « accroître leurs parts de marché domestiques » selon le Drink Business (80 % des vins consommés en Chine sont d'origine domestique). Selon les plaignants, les exportateurs européens vers la Chine vendraient leurs vins à un prix inférieur aux coûts de revient, bénéficiant d'un avantage compétitif conféré par les subventions européennes. Cette différence entre les prix de ventes (ou marge de dumping) s'élèverait à 21,5 %. En marge du Conseil d'Administration des Vignerons Indépendants de France, Michel Issaly estimait que « la filière était prise en otage et qu'elle ne pouvait trouver seule des solutions, la Communauté Européenne seule peut intervenir ».

 

27/07/13 JMM Paris souhaite que Pékin mette fin à son enquête antidumping sur le vin importé de l'Union Européenne
(…) Bruxelles et Pékin restent empêtrés dans une série de conflits sur d'autres produits comme le vin mais aussi les tubes en acier et les équipements de télécommunications et certains produits chimiques.
L'enquête antidumping sur le vin avait été annoncée par Pékin le 5 juin, au lendemain de la décision de la Commission européenne d'instaurer des taxes provisoires sur les panneaux photovoltaïques chinois.

29/07/2013 à 16h06 source terre net média Accord UE/Chine sur le solaire - Paris souhaite la fin de l’enquête antidumping sur les vins européens
Suite à l’accord trouvé entre la Commission européenne et la Chine sur l’importation des panneaux photovoltaïques chinois en Europe, la ministre du commerce extérieur souhaite voir la fin de l’enquête antidumping lancée sur les vins européens exportés en Chine.
Le commissaire européen au commerce, Karel De Gucht, a annoncé ce samedi 27 juillet avoir trouvé « une solution amiable dans l'affaire des panneaux solaires UE-Chine ». L'offre par les exportateurs chinois de panneaux solaires, qui consiste à un engagement de prix, intervient après « des semaines de négociations intensives », déclenchées elles-mêmes après l'imposition en juin dernier de droits antidumping sur les importations européennes de panneaux solaires en provenance de Chine.

Suite à cet accord, la France souhaite désormais que la Chine abandonne sa procédure lancée à l'encontre des vins européens exportés en Chine : « Je souhaite que cet accord permette, en retour, que les autorités chinoises mettent fin à l’enquête antidumping lancée sur le vin européen », a déclaré le jour même, Nicole Bricq, la ministre française du Commerce extérieur

6/09/13 VS News Chine : la procédure antidumping/antisubvention suit son cours 
La tension redescend entre la Chine et l’Union européenne depuis qu’un accord a été trouvé sur les panneaux solaires. Cela étant, l’enquête antidumping sur le vin ouverte par la Chine suit son cours. Fin juillet, plus de 5 300 entreprises s’étaient enregistrées, un record dans ce genre de procédures. Une partie d’entre elles ont été sélectionnées pour constituer un échantillon qui permettra de calculer un droit de douane moyen pour les entreprises enregistrées. En contrepartie de leurs réponses au questionnaire, celles-ci se verront appliquer des droits de douane individuels. Des droits de douane d’un niveau supérieur seront appliqués aux importations de vins des entreprises non enregistrées. Parallèlement, les autorités chinoises et européennes incitent leurs professionnels respectifs à engager un dialogue afin de dénouer les tensions entre eux.  Il ne s’agit pas de négociations puisque les états ne sont pas impliqués, mais ce processus pourrait influer sur la décision finale d’appliquer ou non des droits de douane aux vins européens sur le marché chinois.

Thomas Gueller