La dissonance cognitive des constructeurs automobiles français

​Les publications du premier semestre 2013 relancent la guerre des chiffres chez les constructeurs automobiles européens. Alors que la Commission européenne enquête sur la garantie de 7 milliards d’euros accordée par l’Etat à la banque PSA Finance, les ventes du groupe français montrent un recul de 13% dans un marché européen en repli de 7% sur le premier semestre. Très exposé en Europe avec près de 60% des volumes, PSA voit ses ventes chuter de 9,8% sur un marché mondial en progression de 3% (cf. note1).

 

Dans un secteur sous forte pression, toutes les marques enregistrent un net recul de leurs ventes en Europe, sauf Mercedes qui réussit l’exploit d’afficher une croissance de 2,1% entre deux ou trois conflits d’homologation avec la France. Dans le classement des meilleurs constructeurs en terme de ventes en Europe sur le premier semestre, Renault ravit la 4ème place devant Peugeot (5ème) alors que Citroën signe la 8ème place avec la plus forte dégringolade, soit -15,7% (cf. note 2).
Pire encore, aucun modèle Citroën n’est présent dans le Top 10 des meilleures ventes en Europe. La Citroën C3 n’accède qu’à la 5ème position des meilleures ventes de voitures neuves dans l’Hexagone. Citroën se trouverait donc en mauvaise posture, ce qui ne manquerait de développer chez le patriote, soucieux de l’état de son industrie, une anxiété légitime…Loin de la réalité, la perception générale est toute autre.

 

Selon le baromètre Posternak-Ifop de septembre (classement trimestriel de l’image des entreprises), Citroën signe la meilleure performance (+15 points depuis mai 2013) en arrachant une belle 3ème place derrière Airbus « l’embaucheur » et Yves Rocher « la familiale ». Cette perception affective entre malheureusement en contradiction avec l’analyse raisonnée de la situation : comment peut-on associer la plus grande « dégringolade économique » à la plus belle « remontée d’affect »?
Tout simplement en prenant soin de ne pas communiquer autour des choses fâcheuses comme les risques d’exécution de plan de redressement, la dépréciation des actifs, les erreurs stratégiques ou les problèmes techniques récurrents remettant en question le critère essentiel de fiabilité. Alors que les annonces courageuses de restructuration ou les communications de crise impactent très durablement l’image de certaines entreprises (cf. note 3), « le secteur automobile français est à la fête » : Renault progresse de 6 places et Peugeot, tous secteurs confondus, récupère jusqu’à 22 points d’image.

En achetant très majoritairement tricolore (92,9% des voitures neuves vendues en France au cours du premier semestre 2013 sont françaises), le citoyen français entretient un beau rapport de confiance avec ses constructeurs.
Cette marque de patriotisme économique laisse pour autant un goût amer au regard des chiffres. A force de dissimuler les problèmes, de retarder les communications et d’éviter les rappels de véhicules - quand d’autres pays s’empressent de le faire - les constructeurs français continuent à jouer un jeu dangereux sans être inquiétés par des citoyens peu soucieux des enjeux de guerre économique. Seuls la transparence et le courage permettront d’envisager une sortie vertueuse de cet état de dissonance cognitive: un processus de « rationalisation » par l’honnêteté.

Stéphane Nicolas

Notes :

 

 


  • Option Finance du 8/07/2013, « PSA : baisse de 9,8% des ventes de véhicules au premier semestre »

  • Autoplus, « Top 10 des marques et modèles au premier semestre 2013 »

  • Air France perd 21 points, Michelin 9 points, la SNCF 18 points.


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