La stratégie des lobbyistes antinucléaires contre Edf dans le démantèlement de la centrale nucléaire de Brennilis
Le 16 janvier 2013, sept associations de la protection de l’environnement ont saisi le Conseil d’Etat pour réclamer la suspension du démantèlement de la centrale nucléaire de Brennilis, en Bretagne. Aujourd’hui en France, 10 réacteurs sont en cours de démantèlement. L’opération sur le site de Brennilis en Bretagne est la plus ancienne et la plus symbolique. Mise à l’arrêt en 1985, cette centrale est engagée dans un processus de démantèlement depuis presque 20 ans. Mais les opérations techniques ne cessent d’être interrompues par des batailles juridiques livrées par les associations d’écologistes. Une durée de 17 ans pour des travaux de démantèlement parsemés ; des coûts estimés par la Cour des Comptes en 2005 à 482 millions d’euros et revus à la hausse de nos jours : il serait logique de se demander si la principale menace pour l’environnement ne viendrait pas plutôt du retard pris dans le démantèlement de la centrale. Cependant, la bataille informationnelle semble déjà perdue par Edf.
Les lobbyistes antinucléaires sur tous les fronts
A lire les articles de presse et les documentaires filmés sur Brennilis, l’accusation majeure qui rend les opérations de démantèlement susceptibles de porter atteinte à la sécurité humaine, est continuellement endossée par Edf. Le groupe est en effet à chaque fois rabroué dans ses demandes d’autorisation de démantèlement complet de la centrale. Face au groupe, les associations écologistes sont très actives. Il y a, entre autres, Réseau Sortir du nucléaire, Agir pour un environnement et un développement durables, Bretagne vivante, Eau et rivières de Bretagne, Brennilis doit dire non à la centrale ici et ailleurs d’EELV…
En 2010, le premier motif invoqué par la commission d’enquête indépendante pour suspendre le démantèlement des installations a été de dire que l’étude d’impact relative aux travaux de démantèlement n’avait pas fait l’objet d’une information suffisante auprès du public, ce qui est contraire au droit européen (cf. la Convention d’Aarhus du 25-06-98 signée par la France et la directive européenne n°85/337). La stratégie de communication des ONG antinucléaires consiste à répandre l’idée qu’il existe des pressions d’ordre financier au niveau des directions (cf. les difficultés à estimer le véritable coût du démantèlement) et d’ordre informationnel. Il s’agirait de ne pas mettre à disposition du grand public toutes les informations du dossier et de lui cacher la compréhension de la technologie. Car déconstruire n’est pas résoudre le problème de la radioactivité. Par exemple, voici le discours d’un riverain : « on n'ouvre pas ce débat parce qu'on ne veut pas que les citoyens prennent conscience de ce que c'est que le démantèlement des centrales nucléaires» (cf. note 1). Une commission locale d'information (CLI) a été créée et regroupe les différentes parties prenantes mais elle ne satisfait pas les associations environnementales. L’association Sortir du nucléaire s’en est même retirée.
L’arbitrage viendra en 2011 de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) qui réitère ses nuances au dossier, comme en 2009 : si Edf a justifié la stratégie de démantèlement retenue, l’exploitant devra néanmoins justifier le caractère immédiat de sa stratégie de démantèlement ainsi qu’apporter des éléments de réponse quant à la gestion des déchets à vie longue issus des opérations de démantèlement. C’est sur ce deuxième paramètre, plus en amont du démantèlement mais extérieur à l’enceinte de la centrale de Brennilis, que les associations écologistes s’appuieront pour affaiblir le positionnement de l’exploitant. On retrouve donc certains des mêmes acteurs que pour le site de Brennilis, avec en plus les composantes locales de ces associations. Ils sont regroupés dans le « collectif Stop-Bugey » destiné à faire fermer le centre de gestion. Citons le Réseau Sortir du nucléaire (inclus, les associations actives d’échelle locale comme Contratom et le Collectif des irradiés de Bourg-en-Bresse), Greenpeace, les Amis de la Terre, Syndicat Solid, le nouveau parti anti-capitaliste, EELV, en partenariat avec l’association très locale La Roche Fendue. L’entreposage des déchets activés lors du démantèlement de Brennilis était rendu possible par l’Installation de Conditionnement et d'Entreposage des Déchets Activés (ICEDA) qui est en construction. Or, bien que largement engagée à Bugey dans l’Ain, celle-ci est désormais à l’arrêt du fait de l’annulation de son permis de construire, confirmée par la cour administrative de Lyon le 19 juin 2012. C’est pourquoi, l’ASN a considéré que le dossier de demande d’autorisation de démantèlement complet déposé par Edf le 29 décembre 2011 n’est pas recevable en l’état. Le démantèlement de la centrale est donc à nouveau ajourné…
Le leitmotiv des lobbyistes antinucléaires
La centrale de Brennilis est la première centrale nucléaire en France où a été engagée une procédure de démantèlement. Brennilis était censé être le « laboratoire » d'un démantèlement rapide et d'un « retour à l'herbe » du site. La centrale doit servir de test pour Edf avant les prochains autres démantèlements de centrale en France. Il n’existait donc pas de précédent en France mais d’autres cas sont subvenus depuis, notamment les ateliers d’ATPU de Cadarache. Certains chez Edf voient dans le démantèlement de Brennilis un enjeu financier et de compétitivité internationale, un savoir-faire français qui pourrait être exporté à l’étranger. Dans l’autre camp, on semble refuser le principe même de démanteler une centrale nucléaire car accepter le fait qu’un démantèlement de centrale puisse arriver à son terme reviendrait à accepter la capacité d’interrompre un cycle de centrale nucléaire, et donc à l’accepter. Aussi des ONG, comme Les amis de la Terre ou Réseau Sortir du nucléaire, se sont-ils opposés, dès le début, aux activités de démantèlement. Le chantier pourra-t-il être terminé d’ici 2020-2025 ? C’est ce que certains espèrent. Mais la véritable question demeure ouverte : Pourquoi Edf n’a pas été en mesure de remporter une victoire informationnelle dans cette affaire au bout de 30 ans ?
Note :
« Des associations réclament la suspension du démantèlement de la centrale de Brennilis », Le Monde, 17/01/2013.
Les lobbyistes antinucléaires sur tous les fronts
A lire les articles de presse et les documentaires filmés sur Brennilis, l’accusation majeure qui rend les opérations de démantèlement susceptibles de porter atteinte à la sécurité humaine, est continuellement endossée par Edf. Le groupe est en effet à chaque fois rabroué dans ses demandes d’autorisation de démantèlement complet de la centrale. Face au groupe, les associations écologistes sont très actives. Il y a, entre autres, Réseau Sortir du nucléaire, Agir pour un environnement et un développement durables, Bretagne vivante, Eau et rivières de Bretagne, Brennilis doit dire non à la centrale ici et ailleurs d’EELV…
En 2010, le premier motif invoqué par la commission d’enquête indépendante pour suspendre le démantèlement des installations a été de dire que l’étude d’impact relative aux travaux de démantèlement n’avait pas fait l’objet d’une information suffisante auprès du public, ce qui est contraire au droit européen (cf. la Convention d’Aarhus du 25-06-98 signée par la France et la directive européenne n°85/337). La stratégie de communication des ONG antinucléaires consiste à répandre l’idée qu’il existe des pressions d’ordre financier au niveau des directions (cf. les difficultés à estimer le véritable coût du démantèlement) et d’ordre informationnel. Il s’agirait de ne pas mettre à disposition du grand public toutes les informations du dossier et de lui cacher la compréhension de la technologie. Car déconstruire n’est pas résoudre le problème de la radioactivité. Par exemple, voici le discours d’un riverain : « on n'ouvre pas ce débat parce qu'on ne veut pas que les citoyens prennent conscience de ce que c'est que le démantèlement des centrales nucléaires» (cf. note 1). Une commission locale d'information (CLI) a été créée et regroupe les différentes parties prenantes mais elle ne satisfait pas les associations environnementales. L’association Sortir du nucléaire s’en est même retirée.
L’arbitrage viendra en 2011 de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) qui réitère ses nuances au dossier, comme en 2009 : si Edf a justifié la stratégie de démantèlement retenue, l’exploitant devra néanmoins justifier le caractère immédiat de sa stratégie de démantèlement ainsi qu’apporter des éléments de réponse quant à la gestion des déchets à vie longue issus des opérations de démantèlement. C’est sur ce deuxième paramètre, plus en amont du démantèlement mais extérieur à l’enceinte de la centrale de Brennilis, que les associations écologistes s’appuieront pour affaiblir le positionnement de l’exploitant. On retrouve donc certains des mêmes acteurs que pour le site de Brennilis, avec en plus les composantes locales de ces associations. Ils sont regroupés dans le « collectif Stop-Bugey » destiné à faire fermer le centre de gestion. Citons le Réseau Sortir du nucléaire (inclus, les associations actives d’échelle locale comme Contratom et le Collectif des irradiés de Bourg-en-Bresse), Greenpeace, les Amis de la Terre, Syndicat Solid, le nouveau parti anti-capitaliste, EELV, en partenariat avec l’association très locale La Roche Fendue. L’entreposage des déchets activés lors du démantèlement de Brennilis était rendu possible par l’Installation de Conditionnement et d'Entreposage des Déchets Activés (ICEDA) qui est en construction. Or, bien que largement engagée à Bugey dans l’Ain, celle-ci est désormais à l’arrêt du fait de l’annulation de son permis de construire, confirmée par la cour administrative de Lyon le 19 juin 2012. C’est pourquoi, l’ASN a considéré que le dossier de demande d’autorisation de démantèlement complet déposé par Edf le 29 décembre 2011 n’est pas recevable en l’état. Le démantèlement de la centrale est donc à nouveau ajourné…
Le leitmotiv des lobbyistes antinucléaires
La centrale de Brennilis est la première centrale nucléaire en France où a été engagée une procédure de démantèlement. Brennilis était censé être le « laboratoire » d'un démantèlement rapide et d'un « retour à l'herbe » du site. La centrale doit servir de test pour Edf avant les prochains autres démantèlements de centrale en France. Il n’existait donc pas de précédent en France mais d’autres cas sont subvenus depuis, notamment les ateliers d’ATPU de Cadarache. Certains chez Edf voient dans le démantèlement de Brennilis un enjeu financier et de compétitivité internationale, un savoir-faire français qui pourrait être exporté à l’étranger. Dans l’autre camp, on semble refuser le principe même de démanteler une centrale nucléaire car accepter le fait qu’un démantèlement de centrale puisse arriver à son terme reviendrait à accepter la capacité d’interrompre un cycle de centrale nucléaire, et donc à l’accepter. Aussi des ONG, comme Les amis de la Terre ou Réseau Sortir du nucléaire, se sont-ils opposés, dès le début, aux activités de démantèlement. Le chantier pourra-t-il être terminé d’ici 2020-2025 ? C’est ce que certains espèrent. Mais la véritable question demeure ouverte : Pourquoi Edf n’a pas été en mesure de remporter une victoire informationnelle dans cette affaire au bout de 30 ans ?
Note :
« Des associations réclament la suspension du démantèlement de la centrale de Brennilis », Le Monde, 17/01/2013.