La guerre de l’information et la Syrie

Les récentes vidéos qui circulent sur Internet à propos d’actes de barbarie commis par des membres de l’opposition syrienne constituent un tournant dans la guerre de l’information par le contenu qui fait rage depuis le début de la guerre civile en Syrie. La guerre en Tchétchénie avait été à l’origine d’une situation comparable. Au début du conflit, les rebelles tchétchènes étaient présentés par les médias occidentaux comme les victimes des exactions des troupes russes qui étaient envoyés pour les combattre. Cet avantage informationnel a été perdu par la rébellion après la diffusion d’une vidéo montrant le niveau de barbarie de certains groupes de résistants tchétchènes. Le débat qui se développe après la révélation des actes de barbarie commis par les défenseurs de la « juste cause » de l’opposition syrienne risque de provoquer les mêmes ravages en termes d’image. Les déclarations contradictoires sur le recours aux armes chimiques avaient déjà déclenché un doute lorsque Carla del Ponte de la Commission d'enquête de l'ONU sur les violations des droits de l'homme en Syrie, avait affirmé que des frappes chimiques étaient avérées mais que leurs auteurs appartenaient à l’opposition au régime syrien.  Ce malaise grandissant sur les  faits d’armes de certains groupes de l’opposition syrienne n’est pas atténué par les contrefeux allumés par les pays qui soutiennent leur cause. L’un derniers arguments cités comme quoi c’est la barbarie du régime Hassad qui est la plus révoltante, démontre bien la posture défensive prise par l’opposition syrienne en termes de guerre de l’information. On ne défend pas une « juste cause » en commettant des crimes contre l’humanité.
Dans la guerre civile syrienne, les deux camps ont recours à des pratiques massives d’attaques informationnelles pour dénaturer l’image de l’adversaire. Cette recrudescence de pratiques de la guerre de l’information par le contenu résulte de l’ouverture de ce nouveau champ conflictuel qu’est Internet. La place au débat se réduit d’autant plus que le recours aux images truquées est facile de par l’évolution des technologies de l’information. Dans la guerre civile syrienne, les cas de la guerre informationnelle par images interposées, sont devenus un phénomène  récurrent. La chaîne d’information Qatari Aljazeera a été pionnière en diffusant à maintes reprises, de fausses photos, des images retouchées et même des vidéos montages mettant en scène de faux acteurs. Le casting d'AlJazeera au début a été très réussi.
Dans la foulée, le célèbre journal autrichien « Die Kronen Zeitung » a mis la patte dans cette guerre informationnelle, sans se faire inviter, publiant le 28 Juillet 2012, un article sur la destruction de la ville syrienne d’Alep, dont la majorité des habitants a trouvé refuge en dehors de la ville. Pour assaisonner son article, le journal a eu l’ingéniosité d’utiliser un des réputés logiciels servant à l’édition et aux retouches d’images pour remettre les habitants à leur place dans le centre ville d’Alep.  Une des photos soigneusement retouchées montre deux parents syriens et leur bébé « proprement  vêtus » au milieu de la fumée qui se dégage des flammes et des bâtiments entièrement soufflés par les explosions. L'image reprise par plusieurs autres médias, a suscité la curiosité des blogueurs qui en squattant la toile, ont fini par découvrir la vérité et par connaître l’origine des photos retouchées.



Il s’agissait d’une photo qui provient en réalité du site Reddit qui l’a diffusée deux jours avant sa publication dans l'article de Krone. Les blogueurs avertis ont immédiatement réagi en accusant le journal autrichien de désinformation. Celui-ci a vite fait de supprimer carrément l'article incriminé de son site web, mais sans pour autant dire à ses lecteurs, toute la vérité sur le montage et la source des deux photos.
La guerre informationnelle contre la Syrie a pris une ampleur incroyable à tel point que le régime de Bachar Al-Assad a consacré  une émission quotidienne sur la chaîne de télévision nationale, pour démasquer la manipulation des photos et vidéos utilisés par les médias occidentaux pour ternir son image de marque à l’étranger.