SEB utilise-t-il des techniques préventives de guerre de l’information ?

Le vendredi 15 février 2013, Oprah Winfrey, présentatrice adulée de la télévision américaine, tweetait à ses 16 millions de followers : « This machine… T-Fal Actifry has changed my life. And they are not paying me to say it » et publiait sur Instagram une photo d’elle avec la fameuse friteuse sans huile Actifry de SEB (vendue sous la marque T-Fal aux Etats-Unis). Selon l’agence Vanksen, le taux d’interaction de ce tweet et de cette photo est resté dans la moyenne des soutiens produits d’Oprah Winfrey (elle en fait environ un par mois) : 3 000 citations du tweet en 3 jours et 25 000 links sur la photo Instagram.

Reprise du tweet d’Oprah Winfrey en France
Le lundi 18 février, le tweet d’Oprah Winfrey est repris en France dans une brève publiée par le site Figaro.fr. Le mardi 19 février, cette brève est reprise parla presse française puis par Arnaud Montebourg sur Tweeter : « La friteuse sans huile Actifry vantée par Oprah Winfrey est une innovation Made in France de SEB, fabriquée à Is-sur-Tille (21) en Bourgogne ».
Rappelons qu’Arnaud Montebourg avait, lui, posé avec un robot Moulinex dans les bras dans le Parisien Magazine du vendredi 19 octobre 2012. L’écho est immédiat ; son tweet aura plus de retweets en 5 heures que le tweet d’Oprah Winfrey en 5 jours et le cours de l’action SEB s’emballera ce jour-là jusqu’à un plus haut de 5.18% en séance pour clôturer à 3.98%. La France est devenue une véritable caisse de résonnance du tweet d’Oprah Winfrey. Nous sommes exactement huit jours avant la présentation des résultats annuels 2012 de SEB, prévue le jeudi 27 février, qui seront en baisse de 10% par rapport à 2011.

Les effets informationnels du tweet d’Oprah Winfrey
Un effet inattendu, mais bien réel du tweet d’Oprah Winfrey aura donc été de placer SEB dans une contradiction informationnelle: un cours de bourse qui s’emballe le 19 février et l’annonce à venir le 27 février de résultats annuels en baisse.
Les responsables de SEB vont donc s’employer à réduire cette contradiction alors connue seulement d’eux-mêmes, et déminer ce qui pourrait devenir une faille informationnelle après le 27 février. Leur communication va avoir lieu dans les médias financiers car c’est là qu’une éventuelle attaque pourrait avoir lieu. Le directeur financier de SEB, donnera dès le 19 février un entretien à BFM TV pour confirmer que SEB n’a pas rémunéré Oprah Winfrey qui a agi de manière spontanée et parce qu’elle est sensible au thème de la nutrition.
Il expliquera que SEB a seulement approché Oprah Winfrey dans le cadre de son salon d’Atlanta sur la nutrition en 2011 en présentant l’Actifry à son équipe. C’était 18 mois avant son tweet. Il rappellera aussi que ce n’est pas la première fois qu’une femme d’influence aux Etats-Unis donne un coup de pouce spontané à un produit Tefal, racheté en 1968 par SEB : en effet, en 1961, Jackie Kennedy avait été prise en photo sortant de chez Macy’s après avoir acheté un poêle Tefal ce qui en avait fait décoller les ventes.
Le président de SEB, Thierry de La Tour d’Artaise, se rendra sur LCI la veille de la présentation des résultats, mardi 26 février, pour lui aussi reprendre ces éléments. Ainsi, les informations destinées à atténuer la caisse de résonance qui a été créée en France et prévenir une éventuelle attaque lors de la publication des résultats annuels du 27 février ont-elles été distillées : pas de rémunération d’Oprah Winfrey, une action de lobbying ancienne et classique chez SEB, un timing spontané d’Oprah Winfrey et « non concerté » avec SEB, un précédent historique ancien avec Jackie Kennedy. Le 27 février, le SEB clôturera à 8.62% en dessous du cours atteint le 19 février, jour de l’emballement boursier, et ne connaîtra pas d’attaque informationnelle.