La sortie de la lutte des jeux olympiques
Le 12 février 2013, Les quinze membres composants la Commission exécutive (Comex) du Comité international olympique (CIO) décident d’exclure la lutte de la liste des sports qui composeront le programme olympique des jeux d'été 2020.
Les pronostiqueurs voyaient plutôt le pentathlon moderne ou le taekwondo sur le départ. Après quatre tours de vote (8 votes contre la lutte, 3 contre le pentathlon et 3 contre le hockey sur gazon). La lutte est exclue de la liste officielle.
La Comex du CIO a justifié son choix en indiquant que les 26 sports présents aux Jeux de Londres 2012 ont été revus en fonction d'une quarantaine de critères dont : leur popularité, leur universalité, leurs audiences télévisuelles, les coûts d'organisation, mais aussi leur bonne gouvernance et leur efficacité en matière de programme antidopage.
La FILA (Fédération Internationale des Luttes Associées) peut présenter à nouveau sa candidature en mai (Saint-Pétersbourg) lors du prochain comité exécutif du CIO. Elle se retrouvera en concurrence avec sept autres disciplines. Parmi elles, le squash et le karaté sont donnés comme les grands favoris. La décision s'annonce serrée pour le retour de la lutte dès 2020 (une seule place reste à prendre).
Tout se décidera lors de la prochaine session plénière (une centaine de membres) du CIO à Buenos Aires en septembre. Cette réunion doit entériner le nom de la discipline qui rejoindra les 28 disciplines officielles et qui décidera surtout laquelle des trois villes finalistes (Madrid, Tokyo et Istanbul) sera l'organisatrice des jeux d'été 2020.
La riposte des pratiquants de la lutte
L'enjeu est énorme pour la lutte. Cette discipline ne rassemble en France que 20 000 licenciés et la possibilité de concourir aux jeux olympiques est la plus grande des motivations pour les jeunes qui veulent se lancer dans ce sport. La lutte existe dans plus de 180 pays. Elle compte 50 millions de pratiquants au moins dans le monde. Dans beaucoup de pays, c'est le sport national, une activité ancestrale et très populaire. C'est aussi une chance de médaille. A titre d'exemple : sur 87 médailles gagnées par la Turquie entre 1908 (à Londres) et 2012 (à Londres), la lutte en représente 58, soit les deux tiers. Dans toute son histoire, la République islamique d'Iran a remporté 60 médailles olympiques dont 37 en lutte. Même constat pour l’Azerbaïdjan qui avait obtenu 7 de ses 10 médailles dans cette discipline à Londres. Après cette annonce, toutes les grandes fédérations de lutte se sont regroupées pour dénoncer la décision : Russie, Grèce, Turquie, Japon, Iran et États-Unis (deux responsables de la discipline Iranien et Américain ont fait une déclaration commune aux derniers championnats du monde). La lutte est l'un des sports les plus pratiqués dans les universités américaines. Elle manque en revanche de médiatisation. La discipline est enfermée dans le monde de l'amateurisme et elle peine à faire évoluer ses règlements même si plusieurs changements sont en cours (les femmes ont été acceptées à partir de 2004, le président de la FFL pense à la possibilité de codifier un seul style mariant lutte gréco-romaine et lutte libre).
Pour l'instant, la campagne médiatique issue du monde la la lutte s'est structurée autour de plusieurs axes. Des actions symboliques : plusieurs anciens champions de lutte ont choisi de rendre leurs médailles olympiques: le Bulgare Valentin Yordanov (1996), le Russe Sagid Murtazaliev (2000). L'entraîneur de l'équipe bulgare de lutte gréco-romaine Armen Nazaryan, deux fois champion olympique, a entamé une grève de la faim.
Ces actions ne semblent pas avoir été encouragées par la FILA qui a demandé aux athlètes d'arrêter de retourner leurs médailles au CIO. Création d'une page Facebook "Keep wrestling in the Olympics" qui compte plus de 55 000 soutiens, et circulation d'une pétition qui demande au président Obama de boycotter les JO de 2020 en cas de retrait de la lutte.
Le président par intérim de la FILA, M. Nenad Lalovic (suite à l'éviction de M. Raphael Martinetti après la décision du CIO) semble lui jouer le jeu du lobbying. Il a rencontré le président du CIO M. Rogge le 7 mars pour l'assurer qu'il mettait tout en œuvre pour moderniser la discipline afin de satisfaire aux exigences du CIO. M. Il a indiqué que les représentants de la discipline avaient négligé d'entretenir leurs soutiens. Il est certainement important pour la lutte que M. Lalovic engage cette action, d'autant que la décision du CIO semble témoigner du changement de culture au sein du CIO où certains ne font plus de sentiments pour soutenir des disciplines qui ne répondent pas aux exigences commerciales. Pourtant, il semble qu'il est possible pour la FILA d'adopter une stratégie médiatique encore plus offensive.
La rivalité entre Madrid, Istanbul et Tokyo
Contrairement à la situation qui prévaut pour le Taekwondo et le Pentathlon, aucun membre de la Comex n'a pratiqué la lutte ou même siégé dans une de ses instances dirigeantes. La Fédération de Taekwondo a fait beaucoup d'efforts pour moderniser les règles de son sport et rendre les combats plus compréhensibles lors du dernier tournoi international de Paris. Le lobbying est devenu un enjeu majeur. Les Coréens s'en sont fait une spécialité. La nouvelle présidente de la Corée du Sud, Park Geun-hye, s'est même improvisée porte-parole du Taekwondo lors de la récente visite à Séoul du président du CIO. De plus un membre de la Comex du CIO, le taïwanais Ching-Kuo WU a été membre exécutif de l’Union asiatique de taekwondo (1984-1988).
Concernant le Pentathlon son maintien s’explique par la confirmation d'une logique élitiste au sein de la Comex. Cette discipline aucunement populaire (958 licenciés en France en 2012) déjoue les pronostics d'élimination à chaque olympiade. L'escrime et l'équitation font partie des épreuves de cette discipline représentante des élites traditionnelles et très influentes au sein du CIO. Deux membres de la Commission ont joué un rôle dans les instances de l'escrime internationale dont l'influent vice-président Thomas Bach, un sérieux candidat pour succéder à Jacques Rogge. De plus Juan Antonio Samaranch JR, un autre membre de la Comex, est vice-président de l’Union Internationale de Pentathlon Moderne depuis 1996. Il est également membre du CNO espagnol depuis 1989. A ce titre il jouera un rôle important pour la candidature de Madrid aux JO 2020.
C'est peut être la faille principale dans la décision de la Comex. Si le pentathlon est une discipline qui a su se réformer pour se maintenir aux JO, elle est loin d'être une discipline aussi populaire et universellement partagée que la lutte. La FILA contrairement aux fédérations nationales de lutte refuse pour le moment d'adopter une stratégie beaucoup plus offensive en jouant de la disharmonie entre la lutte, sport universel et populaire contre un CIO défenseur des sponsors et des sports de classe. Les villes d'Istanbul et de Tokyo (deux fédérations mastodontes dans l'univers de la lutte) pourraient pourtant lui servir de caisses de résonances dans leurs stratégies d'influences contre la candidature de Madrid. Car si les Espagnols semblent avoir gagné une bataille et tiré les leçons de leur échec de 2016, il n'est pas du tout certain que la session plénière de septembre accepte ce mélange des genres et la candidature de Madrid pourrait être fragilisée.
Le 12 février 2013, Les quinze membres composants la Commission exécutive (Comex) du Comité international olympique (CIO) décident d’exclure la lutte de la liste des sports qui composeront le programme olympique des jeux d'été 2020.
Les pronostiqueurs voyaient plutôt le pentathlon moderne ou le taekwondo sur le départ. Après quatre tours de vote (8 votes contre la lutte, 3 contre le pentathlon et 3 contre le hockey sur gazon). La lutte est exclue de la liste officielle.
La Comex du CIO a justifié son choix en indiquant que les 26 sports présents aux Jeux de Londres 2012 ont été revus en fonction d'une quarantaine de critères dont : leur popularité, leur universalité, leurs audiences télévisuelles, les coûts d'organisation, mais aussi leur bonne gouvernance et leur efficacité en matière de programme antidopage.
La FILA (Fédération Internationale des Luttes Associées) peut présenter à nouveau sa candidature en mai (Saint-Pétersbourg) lors du prochain comité exécutif du CIO. Elle se retrouvera en concurrence avec sept autres disciplines. Parmi elles, le squash et le karaté sont donnés comme les grands favoris. La décision s'annonce serrée pour le retour de la lutte dès 2020 (une seule place reste à prendre).
Tout se décidera lors de la prochaine session plénière (une centaine de membres) du CIO à Buenos Aires en septembre. Cette réunion doit entériner le nom de la discipline qui rejoindra les 28 disciplines officielles et qui décidera surtout laquelle des trois villes finalistes (Madrid, Tokyo et Istanbul) sera l'organisatrice des jeux d'été 2020.
La riposte des pratiquants de la lutte
L'enjeu est énorme pour la lutte. Cette discipline ne rassemble en France que 20 000 licenciés et la possibilité de concourir aux jeux olympiques est la plus grande des motivations pour les jeunes qui veulent se lancer dans ce sport. La lutte existe dans plus de 180 pays. Elle compte 50 millions de pratiquants au moins dans le monde. Dans beaucoup de pays, c'est le sport national, une activité ancestrale et très populaire. C'est aussi une chance de médaille. A titre d'exemple : sur 87 médailles gagnées par la Turquie entre 1908 (à Londres) et 2012 (à Londres), la lutte en représente 58, soit les deux tiers. Dans toute son histoire, la République islamique d'Iran a remporté 60 médailles olympiques dont 37 en lutte. Même constat pour l’Azerbaïdjan qui avait obtenu 7 de ses 10 médailles dans cette discipline à Londres. Après cette annonce, toutes les grandes fédérations de lutte se sont regroupées pour dénoncer la décision : Russie, Grèce, Turquie, Japon, Iran et États-Unis (deux responsables de la discipline Iranien et Américain ont fait une déclaration commune aux derniers championnats du monde). La lutte est l'un des sports les plus pratiqués dans les universités américaines. Elle manque en revanche de médiatisation. La discipline est enfermée dans le monde de l'amateurisme et elle peine à faire évoluer ses règlements même si plusieurs changements sont en cours (les femmes ont été acceptées à partir de 2004, le président de la FFL pense à la possibilité de codifier un seul style mariant lutte gréco-romaine et lutte libre).
Pour l'instant, la campagne médiatique issue du monde la la lutte s'est structurée autour de plusieurs axes. Des actions symboliques : plusieurs anciens champions de lutte ont choisi de rendre leurs médailles olympiques: le Bulgare Valentin Yordanov (1996), le Russe Sagid Murtazaliev (2000). L'entraîneur de l'équipe bulgare de lutte gréco-romaine Armen Nazaryan, deux fois champion olympique, a entamé une grève de la faim.
Ces actions ne semblent pas avoir été encouragées par la FILA qui a demandé aux athlètes d'arrêter de retourner leurs médailles au CIO. Création d'une page Facebook "Keep wrestling in the Olympics" qui compte plus de 55 000 soutiens, et circulation d'une pétition qui demande au président Obama de boycotter les JO de 2020 en cas de retrait de la lutte.
Le président par intérim de la FILA, M. Nenad Lalovic (suite à l'éviction de M. Raphael Martinetti après la décision du CIO) semble lui jouer le jeu du lobbying. Il a rencontré le président du CIO M. Rogge le 7 mars pour l'assurer qu'il mettait tout en œuvre pour moderniser la discipline afin de satisfaire aux exigences du CIO. M. Il a indiqué que les représentants de la discipline avaient négligé d'entretenir leurs soutiens. Il est certainement important pour la lutte que M. Lalovic engage cette action, d'autant que la décision du CIO semble témoigner du changement de culture au sein du CIO où certains ne font plus de sentiments pour soutenir des disciplines qui ne répondent pas aux exigences commerciales. Pourtant, il semble qu'il est possible pour la FILA d'adopter une stratégie médiatique encore plus offensive.
La rivalité entre Madrid, Istanbul et Tokyo
Contrairement à la situation qui prévaut pour le Taekwondo et le Pentathlon, aucun membre de la Comex n'a pratiqué la lutte ou même siégé dans une de ses instances dirigeantes. La Fédération de Taekwondo a fait beaucoup d'efforts pour moderniser les règles de son sport et rendre les combats plus compréhensibles lors du dernier tournoi international de Paris. Le lobbying est devenu un enjeu majeur. Les Coréens s'en sont fait une spécialité. La nouvelle présidente de la Corée du Sud, Park Geun-hye, s'est même improvisée porte-parole du Taekwondo lors de la récente visite à Séoul du président du CIO. De plus un membre de la Comex du CIO, le taïwanais Ching-Kuo WU a été membre exécutif de l’Union asiatique de taekwondo (1984-1988).
Concernant le Pentathlon son maintien s’explique par la confirmation d'une logique élitiste au sein de la Comex. Cette discipline aucunement populaire (958 licenciés en France en 2012) déjoue les pronostics d'élimination à chaque olympiade. L'escrime et l'équitation font partie des épreuves de cette discipline représentante des élites traditionnelles et très influentes au sein du CIO. Deux membres de la Commission ont joué un rôle dans les instances de l'escrime internationale dont l'influent vice-président Thomas Bach, un sérieux candidat pour succéder à Jacques Rogge. De plus Juan Antonio Samaranch JR, un autre membre de la Comex, est vice-président de l’Union Internationale de Pentathlon Moderne depuis 1996. Il est également membre du CNO espagnol depuis 1989. A ce titre il jouera un rôle important pour la candidature de Madrid aux JO 2020.
C'est peut être la faille principale dans la décision de la Comex. Si le pentathlon est une discipline qui a su se réformer pour se maintenir aux JO, elle est loin d'être une discipline aussi populaire et universellement partagée que la lutte. La FILA contrairement aux fédérations nationales de lutte refuse pour le moment d'adopter une stratégie beaucoup plus offensive en jouant de la disharmonie entre la lutte, sport universel et populaire contre un CIO défenseur des sponsors et des sports de classe. Les villes d'Istanbul et de Tokyo (deux fédérations mastodontes dans l'univers de la lutte) pourraient pourtant lui servir de caisses de résonances dans leurs stratégies d'influences contre la candidature de Madrid. Car si les Espagnols semblent avoir gagné une bataille et tiré les leçons de leur échec de 2016, il n'est pas du tout certain que la session plénière de septembre accepte ce mélange des genres et la candidature de Madrid pourrait être fragilisée.