La stratégie de communication de Veolia

Près de 80% de l’approvisionnement de l’eau en France sont gérés par 3 groupes : Veolia, la Saur et Suez. Mais cette situation est en train de changer. Après Paris, Saint Malo, Aubagne et d’autres villes, c’est au tour de Rennes de reprendre la main sur la gestion de l’eau et de remercier Veolia.  Le 22 janvier 2013, le conseil municipal de Rennes a voté à 51 voix pour et 9 contre, pour une société publique locale, une SPL, pour sa distribution de l’eau. Depuis 130 ans, la gestion de l’eau de Rennes était déléguée au privé, ce n’est plus le cas.
Que signifie ce vote ? Certains y voient une stratégie politique pour les prochaines élections municipales. D’autres expliquent également cette décision par la volonté de faire baisser la facture d’eau à Rennes et surtout de ne plus être victimes d’un système de « marchandisation » de l’eau, notamment mis en avant dans le film « Water makes money » documentaire de Leslie Franke et Herdolor Lorenz, sorti sur les écrans en septembre 2010 et dans lequel intervient Jean-Luc Touly, ancien cadre de Veolia. Dans ce film, il est question de factures en constante augmentation, de canalisations non entretenues et de la corruption du PPP, partenariat public privé. D’ailleurs le procès pour diffamation de l’entreprise Veolia intenté par Veolia, se tiendra le 14 février 2013 prochain au Palais de Justice de Paris, tandis qu’ARTE a programmé une nouvelle diffusion du documentaire pour le 12 février à 22h30.
Face à cette riche actualité et risquant de perdre de nombreux contrats avec les collectivités locales si l’exemple de Rennes se généralise, comment réagit Veolia ? D’autant plus que les syndicalistes dénoncent dans le groupe une politique de réduction des effectifs avec le plan de départ volontaire dans le cadre du plan d'économies baptisé 'Convergence', que les critiques de certains administrateurs fusent face aux cessions d’activité notamment dans le domaine des transports et que les investisseurs doutent sur le potentiel de Veolia à se réinventer. Dans les jours qui suivent le vote de Rennes, Antoine Frérot, le PDG de Veolia va mettre en place toute une stratégie de communication, en intervenant personnellement et en entretenant une présence forte et constante dans la presse.

Une image solidaire
Le jeudi 24 janvier, Antoine Frérot convoque la presse à une conférence sur les nouveaux métiers du groupe, en prenant la peine de s’entourer des patrons de chaque branche de Veolia. Outre les mots, il s’agit de montrer que le groupe est solidaire et de faire bloc face à l’adversaire.

Quand dire c’est faire : le discours impactant du PDG de Veolia
Antoine Frérot va donner des chiffres afin de cadrer et d’appuyer ses propos concernant sa nouvelle politique d’orientation du groupe. Ainsi ciblant notamment les groupes pétroliers et gaziers, il indique que le groupe entend faire passer d'ici 2018 de 35% à plus de 50% la part de ses ventes réalisées avec des clients industriels. Il explique également réduire ses coûts d'exploitation bruts de 270 millions d'euros en 2013, 370 millions en 2014 et 500 millions en 2015. En donnant des chiffres, Antoine Frérot montre qu’il y a eu en amont toute une étude et que désormais un plan de redressement est mis en œuvre, avec chiffres à l’appui et à la clé l’assurance des résultats.
Antoine Frérot rassure également son auditoire avec une sémantique optimiste en évoquant un « futur radieux », une sémantique projective en parlant de « l’avenir, la vision et le cap » de son groupe et une sémantique de l’action avec les termes « manœuvre », « mesure », « construire » et désormais « un groupe piloté ».
Les sujets qui fâchent sont peu évoqués ou redéfinis. La perte du partenariat public privé notamment avec la ville de Rennes n’est pratiquement pas évoquée alors que 40% des contrats de DSP (délégation de service public) de Veolia arrivent à échéance d'ici 2015. Concernant la perte d’emploi, Antoine Frérot parle de non renouvellement des départs naturels. Quant à la cession de son activité transport des usagers, il l’explique dans le cadre d’un plan de réduction de la dette nécessaire à la survie du groupe.

Quand dire c’est faire : une forte présence médiatique

Dès le lendemain du discours d’Antoine Frérot, on voit apparaître dans la presse de nombreux articles qui à travers des exemples concrets vont expliquer la nouvelle politique industrielle du groupe.
- Dans l’Usine nouvelle du 25 janvier, il est question du partenariat de Veolia avec Total permettant de régénérer les huiles de moteurs usagées que Total Lubrifiants commercialise ensuite.  Le nouveau positionnement de Veolia avec les industriels est clairement affiché. Un partenariat avec un tel grand acteur pétrolier ne peut que faciliter de futures collaborations avec d’autres grands industriels.
- Le 31 janvier on apprend dans la presse le contrat obtenu par Veolia avec la ville californienne de Rialto pour la gestion de ses réseaux de distribution d’eau et d’assainissement selon le modèle de la concession public privé. Le message est passé : Veolia se développe à l’international tout en conservant son cœur de métier. L’enjeu est important puisque les contrats de DSP en France peuvent ne pas être renouvelés.
- Le 4 février il est dit dans la presse que Veolia s’associe avec le canadien Orbite pour construire la première usine de traitement de boues rouges avec le procédé breveté d’Orbite. Le message est clair, Veolia officialise son positionnement dans le traitement des déchets. Il est question également le même jour dans un autre article des activités de démantèlement nucléaire conclu entre Veolia Environnement et le CEA et d’un partenariat entre Veolia et IBM concernant le développement de l'open-data et la gestion des données. Cette fois-ci il faut comprendre que Veolia est désormais un acteur du nucléaire et que le groupe diversifie son secteur d’activité en le déclinant vers des secteurs porteurs comme les NTIC (nouvelles technologies d’information et de communication).
- Et hasard du calendrier, le 7 février il est question dans la presse de la Fondation Veolia Environnement qui dévoile les lauréats du « Concours Énergie Durable pour tous ». Une stratégie de communication ne saurait être parfaite sans un positionnement éthique.
On l’aura compris à travers cette stratégie de communication menée d’une main de maître, Antoine Frérot rescapé l’an passé de la tentative d’éviction mise au point par son prédécesseur Henri Proglio, donne encore et plus que jamais l’image d’un patron d’entreprise bien implanté aux commandes de son groupe. En ne communiquant pas sur le risque de perte des parts de marché en France, mais sur le dynamisme de son groupe, il met en place tout un mécanisme stratégique pour réaffirmer et développer son business modèle. Cette communication suffira-t-elle pour autant à effacer le malaise de certains cadres de l’entreprise qui estiment que Veolia est piloté de plus en plus selon des critères financiers de court terme et de moins selon des critères industriels de moyen/long terme propres aux métiers de l’eau.

Sources :
-    http://bourse.lesechos.fr/infos-conseils-boursiers/infos-conseils-valeurs/infos/veolia-cible-industriels-et-emergents-pour-rebondir-843401.php

-    http://www.capital.fr/bourse/actualites/veolia-environnement-contrat-de-300-millions-de-dollars-en-californie-807979#!

-    http://bourse.lesechos.fr/infos-conseils-boursiers/infos-conseils-valeurs/infos/veolia-apres-les-economies-cap-sur-la-strategie-842779.php