La Sonatrach : vecteur de puissance pour l’Algérie

« La Sonatrach, c’est l’Algérie, l’Algérie, c’est la Sonatrach (1)», voici comment décrivent de nombreux experts mondiaux la première compagnie énergétique algérienne exerçant dans les hydrocarbures. En effet, la Société nationale pour la recherche, le transport, la transformation et la commercialisation des hydrocarbures a été créée par l’Etat au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, le 31 décembre 1963, dans un souci de mobilisation des ressources énergétiques du pays. Elle reste encore aujourd’hui une entreprise publique détenue à 100% par l’Etat algérien dans lequel ce dernier, par le biais de son Ministère de l’Energie et des Mines, décide des orientations stratégiques.

La Sonatrach : un puissant vecteur de richesse pour l'Algérie, fermement contrôlé par l'Etat.

Dès sa création, la Sonatrach était considérée comme un puissant moteur économique. L’Algérie jouit en effet d’une incroyable concentration de ressources gazières et pétrolières qui lui procurent de très confortables revenus piliers du développement du pays. En effet, la compagnie représente à elle-seule pour l’Etat algérien 30% de son PNB et 98% de ses recettes liées à l’exportation. Le rôle moteur de la Sonatrach induit une importante dépendance du pays pour ses activités et de fait, une surveillance très accrue du gouvernement sur ses orientations stratégiques.
La Sonatrach intervient sur toute la chaîne gazière et pétrolière de l’exploration à la commercialisation. Elle est la 1ère Compagnie africaine et 12ème compagnie pétrolière mondiale. Sur l’ensemble de ses filiales créées de par le monde, elle regroupe 120 000 employés (60 000 (2) personnes sont employées directement par la Sonatrach).
Elle est notamment très puissante dans le domaine du gaz : 3ème exportateur de gaz dans le monde, 4ème de GNL et 5ème de Gaz naturel et 2ème fournisseur en gaz de l’Europe.
La Sonatrach a entamé ces dernières années une politique de diversification de ses activités (activités de génération électrique, énergies renouvelables, dessalement d’eau de mer…) et opère désormais dans plusieurs régions du monde, Afrique (Mali, Tunisie, Niger, Libye, Egypte, Mauritanie), Europe (Espagne, Italie, Portugal, Grande-Bretagne, France), Pérou, USA. Le chiffre d’affaires du groupe à l’export en 2011 était de 72 milliards de dollars US.
L’entreprise publique est dirigée depuis fin 2011 par Abdelhamid Zerguine. Elle est composée de trois organes principaux : une assemblée générale dans laquelle siègent notamment les Ministères de l’Energie et des Finances, un conseil d’administration et un exécutif. La société est tenue de rendre compte au Conseil national de l’énergie, lui-même dirigé par le Président de la République.
Toute entreprise souhaitant exercer dans le domaine des hydrocarbures dans le pays a l’obligation de passer par la Sonatrach, qui reste prioritaire dans l’investissement (51%).  Cela permet à l’Etat et par son biais à l’entreprise de garder la mainmise sur l’évolution du secteur.
Les dirigeants sont nommés par le Président algérien, sur recommandation du Ministre de l’Energie et des Mines. On remarque que nombre d’anciens dirigeants de la Sonatrach gagnent par la suite le Ministère de l’énergie et des mines.

La Sonatrach : une entreprise confrontée à des difficultés.

La Sonatrach est confrontée à de nouveaux enjeux depuis quelques années. Avec la raréfaction des ressources pétrolières, l’effondrement du prix du gaz, l’arrivée sur le marché du gaz non-conventionnel, le marché des hydrocarbures s’est vu fortement bousculé et les prix du gaz notamment revus à la baisse. A cela s’ajoute le renforcement de la concurrence avec l’arrivée sur le marché de nombreux pays africains et d’Amérique Latine.
Cette réalité est particulièrement préoccupante pour l’Algérie au regard de sa dépendance économique vis à vis de ses exportations d’hydrocarbures.
En parallèle à ce contexte politique et économique, l’Algérie est soumise à des interrogations internes. Le réel potentiel du pays en ressources gazières et pétrolières reste peu connu et vivement critiqué. L’insuffisance d’investissement dans la recherche de nouveaux gisements pose aujourd’hui la question de l’avenir énergétique du pays passant par le renouvellement de ses réserves. L’Algérie détient 2,37% des réserves prouvées en gaz naturel dans le monde, mais encore faut-il pouvoir les exploiter de manière rentable. Cette question est centrale au regard de la dépendance du pays vis à vis de ses exportations, de l’épuisement prochain de ses réserves de pétrole (2020-2030) ainsi qu’à l’augmentation exponentielle des besoins internes du pays (3).
La Sonatrach ne peut aujourd’hui faire face seule à ces enjeux. L’Algérie doit renforcer son attractivité pour les entreprises étrangères afin de les attirer à venir investir. Les derniers appels d’offre sur la période 2008-2012 n’ont pas été très fructueux, menant soit à des découvertes peu rentables, soit attirant de petites compagnies aux compétences limitées.
En outre, en 2010, la compagnie nationale a été mise sous le feu des projecteurs suite à la découverte d’une affaire de corruption impliquant plusieurs de ses hauts dirigeants. Cette affaire, a particulièrement déstabilisé l’entreprise et le gouvernement, entrainant la démission de plusieurs dirigeants dont le PDG et le Ministre de l’Energie et des Mines de l’époque Chakib Khelil. Le scandale a été mis au jour par les services de renseignement et de sécurité algériens. Il s’agissait avant tout d’une affaire politique interne à l’Etat, diligentée par les dirigeants des services de sécurité algériens qui avaient pour objectif de déstabiliser le Président A. Bouteflika.
Cette affaire a néanmoins beaucoup bousculé la compagnie nationale et révélé une fois de plus les très grandes implications de l’Etat dans la société. La Sonatrach se remet doucement de cette affaire, on a assisté en 2 ans à 4 changements de PDG. Elle a également fait la une de la presse algérienne suite à la multiplication en début d’année de mouvements sociaux dans ses usines.

Quelle stratégie pour le futur ?

Afin d’attirer de nouveaux investisseurs, notamment dans le secteur stratégique de l’exploration-production, l’Etat a lancé fin 2011 un processus de révision législatif. Fin septembre dernier, un projet de loi modifiant la loi 05-07 (2005) relative aux hydrocarbures a été voté par l’Assemblée Nationale.
Le projet de loi propose notamment :

  • Assouplir les conditions d’exercice des activités de prospection, de recherche et d’exploitation des hydrocarbures et des mesures fiscales incitatives aux compagnies étrangères qui s’y investiraient.
  • Insiste sur la priorité portée à la satisfaction des besoins en hydrocarbures sur le marché national.
  • Il conforte la Sonatrach comme pilier énergétique du pays, en lui octroyant le droit exclusif sur le transport des hydrocarbures par canalisation, et en imposant qu’elle ait la majorité des parts dans les nouveaux projets de partenariats dans la production et la transformation d’hydrocarbures. Il oblige également toute compagnie à s’associer à elle pour tout projet dans le domaine du raffinage.

Ce projet de loi met en exergue la question de l’exploitation du gaz non-conventionnel, car il conforte l’entreprise dans son ambition de développer un énorme potentiel de gaz de schiste (4) dans l’avenir. En parallèle, la Sonatrach a pour objectif de poursuivre son développement à l’international et notamment l’acquisition de nouvelles réserves dans le monde (Afrique, Amérique du Sud).

La Sonatrach reste aujourd’hui « la vache à lait » du pays ce qui explique la mainmise puissante de l’Etat sur ses décisions stratégiques. Le plus important enjeu pour l’Algérie dans l’avenir sera de réussir son passage d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures. Ce dernier ne pourra se produire sans une modification profonde des rapports Etat algérien-Sonatrach.

 

Faustine Brandy

 


1. http://www.econostrum.info/Situation-economique-de-l-Algerie-etat-des-lieux_a11923.html


2. Données de 2010, site officiel de la Sonatrach.

 

 

 

 

 

3. La consommation interne de pétrole et de gaz devrait passer de 35 à 50 milliards de m2 à l’horizon 2017.

 

 

 


4. Selon le rapport 2011 de l’AIE, l’Algérie possèderait 650 millions de m3 de réserves de gaz non-conventionnel.