Alors même que la sécurité du transport aérien ne s’est jamais aussi bien portée, l’accidentologie aérienne a atteint dans l’opinion (et les médias qui l’alimentent) un degré de sensibilité sans précédent. L’échauffement médiatique engendré par l’incident survenu ce matin (mercredi 16 janvier 2013) à bord d’un Boeing 787 Dreamliner de la compagnie japonaise ANA (All Nippon Airways) témoigne à suffisance de cette réalité (plus d’une journée après les faits, il tombe encore sur Twitter près de deux commentaires par seconde à ce sujet).
Comment donc une panne sans conséquences graves pour l’intégrité physique des passagers peut-elle faire l’objet d’un si virulent emportement médiatique ?
L’incident n’est pas grave, au sens où une double alerte apparue dans le cockpit a permis au commandant de bord d’identifier rapidement un problème au niveau de la batterie frontale (principale) de l’appareil, ainsi que la présence de fumée au niveau d’un compartiment technique, de sorte qu’un atterrissage d’urgence a tôt mis hors de danger les 129 passagers et 8 membres d’équipage présents à bord.
Mais la fébrilité informationnelle entourant cette mésaventure à la fin pourtant heureuse est révélatrice de la volatilité des réputations en jeu. Car, si l’incident n’est pas grave, son impact médiatique est quant à lui potentiellement dévastateur.
Il n’y va pas, comme le pourrait laisser croire une trop simple analyse, du seul duel opposant Boeing à son concurrent européen. Airbus n’est pas seul à bénéficier des déboires de Boeing, et Boeing n’est pas seul à subir les déconvenues du Dreamliner. Derrière ces problèmes techniques, ces pannes et ces incidents, il y a beaucoup d’autres intérêts : ceux des compagnies clientes du Dreamliner (dont Air France), ceux des centaines d’équipementiers de Boeing (dont le japonais GS Yuasa, fabricant des batteries incriminées, mais aussi de nombreux français, comme Thalès), ceux des investisseurs, privés ou étatiques, ayant pris part au programme de renouvellement de la gamme des 787, ceux même de la FAA, et donc de l’ensemble des constructeurs certifiés par cette agence (y compris Airbus), puisque cette dernière porte à la source la responsabilité de la sécurité des avions et matériels qu’elle contrôle, etc.
Dans un premier temps, l’épaisse couche d’intérêts économiques et industriels autour de Boeing fait mine (rhétoriquement) d’amortir le choc des incidents répétés ayant entaché le Dreamliner depuis un mois (deux fuites de kérosène, un incendie déclaré à bord suite à un problème électrique, une fissure du pare-brise du cockpit, un dysfonctionnement du système de freinage) : comment réagir autrement quand une grande part de sa stratégie ou de sa crédibilité est liée au nouvel appareil ? Mais le véritable verdict de cette guerre économique, se lira, demain, dans les carnets de commande de Japan Airlines, de Qatar Airways ou d’Air India.
En 1996, un avion de la marque Boeing a été victime d’un crash aérien aux larges des côtes américaines. Après de longues tergiversations, l’enquête avait démontré que la cause était technique. Cette faille n’a pas été exploitée par la concurrence (en l’occurrence Airbus) qui craint toujours le retour de flamme dans ce type de polémique. Mais qu’en sera-t-il du comportement des nouveaux entrants qui à terme seront peut-être tentés d’exploiter indirectement ce genre d’affaire ?
Guillaume Delaby
Comment donc une panne sans conséquences graves pour l’intégrité physique des passagers peut-elle faire l’objet d’un si virulent emportement médiatique ?
L’incident n’est pas grave, au sens où une double alerte apparue dans le cockpit a permis au commandant de bord d’identifier rapidement un problème au niveau de la batterie frontale (principale) de l’appareil, ainsi que la présence de fumée au niveau d’un compartiment technique, de sorte qu’un atterrissage d’urgence a tôt mis hors de danger les 129 passagers et 8 membres d’équipage présents à bord.
Mais la fébrilité informationnelle entourant cette mésaventure à la fin pourtant heureuse est révélatrice de la volatilité des réputations en jeu. Car, si l’incident n’est pas grave, son impact médiatique est quant à lui potentiellement dévastateur.
Il n’y va pas, comme le pourrait laisser croire une trop simple analyse, du seul duel opposant Boeing à son concurrent européen. Airbus n’est pas seul à bénéficier des déboires de Boeing, et Boeing n’est pas seul à subir les déconvenues du Dreamliner. Derrière ces problèmes techniques, ces pannes et ces incidents, il y a beaucoup d’autres intérêts : ceux des compagnies clientes du Dreamliner (dont Air France), ceux des centaines d’équipementiers de Boeing (dont le japonais GS Yuasa, fabricant des batteries incriminées, mais aussi de nombreux français, comme Thalès), ceux des investisseurs, privés ou étatiques, ayant pris part au programme de renouvellement de la gamme des 787, ceux même de la FAA, et donc de l’ensemble des constructeurs certifiés par cette agence (y compris Airbus), puisque cette dernière porte à la source la responsabilité de la sécurité des avions et matériels qu’elle contrôle, etc.
Dans un premier temps, l’épaisse couche d’intérêts économiques et industriels autour de Boeing fait mine (rhétoriquement) d’amortir le choc des incidents répétés ayant entaché le Dreamliner depuis un mois (deux fuites de kérosène, un incendie déclaré à bord suite à un problème électrique, une fissure du pare-brise du cockpit, un dysfonctionnement du système de freinage) : comment réagir autrement quand une grande part de sa stratégie ou de sa crédibilité est liée au nouvel appareil ? Mais le véritable verdict de cette guerre économique, se lira, demain, dans les carnets de commande de Japan Airlines, de Qatar Airways ou d’Air India.
En 1996, un avion de la marque Boeing a été victime d’un crash aérien aux larges des côtes américaines. Après de longues tergiversations, l’enquête avait démontré que la cause était technique. Cette faille n’a pas été exploitée par la concurrence (en l’occurrence Airbus) qui craint toujours le retour de flamme dans ce type de polémique. Mais qu’en sera-t-il du comportement des nouveaux entrants qui à terme seront peut-être tentés d’exploiter indirectement ce genre d’affaire ?
Guillaume Delaby