L'exploitation des tensions entre la Chine et le Japon

suite à l'achat des îles Diaoyu/Senkaku par le gouvernement japonais à des particuliers Japonais. Cet acte, auquel le gouvernement japonais a été contraint pour éviter qu'un député ultra nationaliste de Tokyo n'effectue lui-même l'opération, a entrainé d'importantes manifestations en Chine. Ces manifestations ont rapidement entrainé l'apparition de violence à l'égard d'intérêts japonais (magasin de sociétés japonaises) ou assimilés (restaurants japonais, voitures japonaises y compris lorsque conduites par des ressortissants chinois). Les autorités chinoises ont semblé parfois dépassées par la situation tant et si bien que la Police Armée (« Armed Police », souvent confondue par la presse étrangère avec l'Armée de Terre – « People Liberation Army », PLA-) a fini par être déployée dans les villes où la situation semblait en passe de déraper (exemple des événements à Xi'an).

nombreux observateurs chinois et étrangers ont dénoncé une instrumentalisation des tensions sino-japonaises par les autorités chinoises pour détourner l'opinion de certains faits divers (ex : afffaire Bo XiLai). Néanmoins, on assiste à certains faits nouveaux comme le fait que des manifestations n'ont dans certains cas pas été lancées par des personnes assimilées au Parti Communiste Chinois (PCC). De plus dans beaucoup de manifestations on a retrouvé deux caractéristiques : beaucoup de jeunes, notamment des hommes, et une violence inhabituelle lors de mouvements soutenant l'action gouvernementale (qu'il faut bien distinguer des mouvements sociaux qui ont habituellement lieu à un niveau strictement local).

Si une manipulation n'est pas à exclure et étant donné que rien ne peut se faire en Chine sans que le gouvernement ne soit rapidement au fait, elle n'est pas forcément là où on le croit.

La campagne des 100 fleurs

 

Bien que débutant prudemment (les intellectuels étaient échaudés par les répressions passées) en mai 1957, la situation dégénéra rapidement du fait de l'ampleur du mécontentement du peuple chinois. Les critiques évoluèrent rapidement de l'action du gouvernement et du PCC (rappelons que depuis 1949 les deux sont liés en Chine) vers sa nature et son rôle dans la société. Le contrôle de l'information, le manque de liberté d'expression (notamment le fort contrôle exercé sur les intellectuelles et les artistes), et la logique de parti unique furent les principales critiques. Des manifestations éclatèrent et le mouvement pris rapidement de l'ampleur chez les étudiants. Il se vit également renforcé de façon inattendue par des officiels de hauts niveaux notamment Zhang Bojun, ministre des communications, et Luo Longyi, ministre de l’industrie et du bois. S'en est trop pour le parti qui, inquiet pour la stabilité du pays et l'action de la jeunesse, décide alors d'effectuer un virage à 180° début juin 1957. La répression est très lourde notamment contre les professions actives (universitaires, intellectuels, professionnels de la loi comme les avocats et les juges) et les étudiants. Les estimations font état de 400 000 déportés, 300 000 cadres de l'administration renvoyés et demeurent imprécises sur le nombre de personnes exécutées.

S'il n'existe pas de documents officiels permettant de connaitre la volonté réelle a priori de Mao à l'époque, il apparait que cette campagne lui a permis d'éliminer de nombreux ennemis du Parti et d'affaiblir ses rivaux (certains avaient vu dans les troubles une opportunité d'affaiblir l'autorité de Mao au sein du Parti). Compte tenu des informations disponibles sur l'humeur sociale de la population et des vifs débats internes au PCC préalablement au lancement de cette campagne, il est donc très probable que cette campagne des 100 fleurs ait en fait été une habile manœuvre de Mao pour faire apparaitre au grand jour les détracteurs du PCC et ses rivaux tant qu'il était en mesure de pouvoir reprendre la situation en main sans trop de difficultés (c'est d'ailleurs la version communiquée par l'histoire officielle).

Vers une réminiscence de la campagne des 100 fleurs ?

On constate donc de troublantes ressemblances avec le contexte interne et international précédent la campagne des 100 fleurs et le contexte actuel. Sur le plan international, le printemps arabe a inspiré de nombreuses protestations à travers le monde dans des pays non démocratiques, comme la Chine, et celle-ci se voit de plus en plus contester certains territoires qu'elle considère comme faisant partie de son espace de souveraineté (îles Diaoyu, Spratleys, etc.). Sur le plan intérieur, les inégalités croissantes (au niveau économique mais aussi dans l'application des lois), les problèmes environnementaux et la corruption créent de plus en plus de tensions entre le peuple et les autorités (locales et nationales). De plus on assiste à des affrontements féroces entre les leaders du PCC (Cf Affaire Bo Xi Lai) à l'approche du 18ème congrès du PCC.

Laisser des mécontentements sociaux s'exprimer violemment à travers des manifestations initialement anti-japonaises offrirait au gouvernement chinois plusieurs intérêts. Tout d'abord, cela servirait de soupape de décompression à une frange de la population permettant de faire redescendre la tension sociale. De plus cela permet de rassembler la population contre un ennemi commun. C'est d'autant plus efficace si la cible est un ennemi historique ou une religion car cela renforce le sentiment identitaire et nationaliste et donc l'unité nationale. Beaucoup plus important pour Pékin, cela permettrait également d'observer qui sont les leaders d'opinions arrivant à mobiliser les foules sur des manifestations, qui constituent les groupes violents/fauteurs de troubles, et quels sont les canaux de mobilisations employés par les deux catégories pouvant potentiellement mener des mouvements sociaux (risquant d'aller jusqu'à une révolte par effet boule de neige) à l'encontre du PCC et du gouvernement.

Avant de sortir des bois, le loup doit parfois se demander pourquoi on lui offre à manger…