Alors ministre de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie, Nicole Bricq annonçait à la surprise générale le 14 juin dernier la suspension du permis d’exploration du forage pétrolier Zaedius du consortium mené par Shell – composé également de Hardman Petroleum et Total – au large de la Guyane. Cette décision fut prise dans le cadre du réexamen de l’ensemble des permis d’exploration, y compris ceux déjà attribués, en l’attente de la réforme du code minier prévue avant la fin de l'année 2012. Réforme qui vise principalement à mettre le code minier datant de 1810 en conformité avec l'ensemble des principes constitutionnels de la Charte de l'environnement, puisque l’impact sur l’environnement des permis miniers accordés jusqu’à présent n’était pas réellement pris en compte.
Lors du remaniement ministériel du 21 juin 2012, Nicole Bricq fut la seule ministre à se voir changer de ministère, passant alors à celui du commerce extérieur. Elle fut en effet aussitôt remplacée par Delphine Batho. Ce changement de ministère intervenait simplement une semaine après sa décision de suspendre le forage.
Quelles raisons ont alors poussé le gouvernement à « désapprouver » l'ancienne ministre de l’écologie ?
Sa décision de suspendre le forage a provoqué une double mobilisation puisque l’énorme potentiel que représente ce gisement a forcément concerné les élus de Guyane (appuyés par le Ministre des Outre-Mers, Victorin Lurel) ravis de pouvoir développer grâce aux créations d'emplois et aux retombées fiscales un département qui compte 21% de chômeurs. Les lobbies pétroliers accompagnés du Medef ont également actionné leurs réseaux pour faire pression auprès du gouvernement en présentant les réels enjeux pour tous les acteurs concernés. Les enjeux économiques sont vitaux pour la France car cela permettrait d’engranger des recettes fiscales importantes. Ils sont aussi stratégiques puisque l’exploitation de ce gisement pourrait permettre de diminuer les dépenses liées aux importations énergétiques françaises et ainsi réduire le déficit du commerce extérieur.
Des enjeux que Nicole Bricq n'avait pas totalement mesurés, puisqu'elle avait pris sa décision sans concertation avec les acteurs engagés, notamment Shell, qui disposait pourtant d’un permis de forage et dont l'opération avait déjà coûté plus de 250 millions de dollars.
La nouvelle ministre de l’Ecologie, Delphine Batho, semble tout autant engagée à faire de la réforme du code minier une priorité. Mais en inscrivant celle-ci dans un cadre impliquant tous les acteurs concernés par l’exploitation du sol français, y compris les associations écologiques non gouvernementales. Cette réforme se fait dans un contexte où on évoque de nouveau l’opportunité d’exploiter les gaz de schiste, dont les méthodes d'exploration par fracturation hydraulique sont très contestées...
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Alexandre Harira