Les investissements chinois en Europe se limiteront-ils aux entreprises, ou s’orienteront ils vers le rachat de la dette euro ? Selon l’Expansion (Sébastien Julian - 11/09/2012) les fusions et acquisitions de la Chine en Europe ont fait un bond de 95% sur un an. Dans le même temps, la banque centrale chinoise a cédé 97% des bons du trésor américain qu’elle détient et ne semble pas intéressée à continuer d’investir dans la dette américaine et se retire doucement, pour ne pas créer de panique sur les marchés.
La Chine ne chercherait-elle pas une autre monnaie unique et un partenaire plus docile pour les échanges ?
Selon une étude publiée par A Capital (The leading euro-china Growth Capital Fund- 2012), la Chine investit toute ses liquidités non affectées aux achats de matières premières à l’acquisition d’entreprises européennes. Les entreprises ciblées sont bien évidemment celles à forte valeur ajoutée, détentrice de production de haute technologie.
Pour exemple, 7% du capital d’Eutelsat (par le fonds China Investment Corporation), Putzmeister - l'un des grands fournisseurs allemands de machines pour le BTP, Marionnaud, Rhodia etc… Elle a aussi pris des participations dans Total, le Club Med, l'Occitane et la compagnie financière Edmond de Rothschild.
Les réserves de change de la Chine ont atteint 2.399,2 milliards de dollars fin décembre, enregistrant une hausse de 23,28% en glissement annuel l'an dernier, les réserves ont augmenté de 453,1 milliards de dollars, soit 35,3 milliards de plus que l'accroissement de 2008, selon le communiqué de la Banque centrale chinoise.
La Chine pourrait racheter 25% du PIB de la zone euro.
Les investissements chinois en France se montent à 1,8 MdE en 2008 pour 8000 emplois crées ou maintenus, selon la banque de France, avec une prépondérance dans la chimie – plasturgie, les équipements électriques, électroniques, informatiques et le transport et la logistique.
Il est vrai que la législation française est favorable aux nouveaux investisseurs, en permettant les coûts d’implantation les plus faibles de la zone Euro, auquel il faut rajouter le crédit d’impôts recherche qui favorise l’innovation et constitue un avantage compétitif pour les sociétés pour lesquelles la R&D est indispensable. Et ceci malgré la complexité du droit français du travail qui privilégie l’intérêt des salariés et impose des procédures de licenciement compliquées et onéreuses.
Il est pourtant difficile de chiffrer précisément ces investissements, les données officielles concordent rarement. Beaucoup de ces opérations passent par Hong Kong, Singapour ou des paradis fiscaux et ne sont donc pas enregistrées comme chinoises. Les investisseurs chinois mettent aussi en place des partenariats sino-français : acquisitions, opérations de reprise d’entreprise et établissement de joint-ventures. Ils acquièrent ainsi rapidement une technologie, qui leur permet d’accéder plus facilement à de nouveaux relais de croissance et ainsi développer efficacement le potentiel chinois sur les secteurs de haute technologie.
Ainsi, Huawei, quatrième équipementier de télécommunication mondial, qui a remplacé Alcatel-Lucent sur le marché français et fournit les sociétés Free et SFR en équipements optiques, ZTE, Green Energy, un des 10 plus gros fabricants mondiaux de panneaux solaires... Ces compagnies sont implantées en France, créent certes de l’emploi, mais développent leurs départements R&D avec les crédits d’impôts français et le maillage serré des universités et centres de recherches français.
« Nous avons besoin d'argent » dit le commissaire européen au Commerce Karel de Gucht, lors d'une communication sur les investissements chinois sur le continent. "D'une part, les Etats-membres opèrent des privatisations pour répondre à la crise et ont besoin d'investisseurs pour acheter. D'autre part, l'afflux de capital est le fondement pour relancer la croissance économique »
A ce propos, le Rhodium Group met en garde contre les risques d'espionnage industriel : (Thilo Hanemann and Daniel H. Rosen, 7 juin 2012) : « La Chine ne cache pas son ambition de déplacer le centre du pouvoir international vers elle-même aux dépens très probablement de l'Europe ». André Loesekrug-Pietri, fondateur d'ACapital, publie un indice trimestriel des investissements chinois à l'étranger : leur montant pourrait atteindre 800 milliards de dollars entre 2011-2016, dont 83% en Europe.
Ainsi la stratégie de puissance de la Chine ne se dessine t’elle pas au travers des investissements qu’elle réalise ? Mais que se passera t’il pour le vieux continent quand elle aura absorbé l’ensemble des savoirs stratégiques et que plus rien ne l’obligera à rester en Europe ?
Nadia Parmentier