La rumeur est sans doute la pratique la plus ancienne et la plus élémentaire de la manière d’utiliser l’information comme une arme non létale. Son originalité est qu’elle est à la portée du plus fort comme du plus faible. Et ses effets peuvent être dévastateurs. Contrairement aux armements qui se périment au cours des temps, la rumeur est inaltérable et conserve toute sa force de frappe. La société de l’information a même amplifié son impact depuis la mondialisation des médias télévisuels et le développement d’Internet.
L’affaire DSK est une parfaite illustration des cheminements contraires et paradoxaux que peut emprunter la rumeur. Cette rumeur qui a perturbé le cours de la vie politique française pendant quelques mois ne constitue pas un précédent (il y en a eu d’autres dans l’Histoire de France: l’affaire Dreyfus, l’affaire Stavisky), elle nous rappelle simplement la force spectaculaire de son impact et la problématique de sa durée de vie. On n’efface pas la rumeur de la mémoire humaine comme on corrige l’image dans une indexation sur Google.
Les révolutions arabes ont donné une dimension géopolitique nouvelle à la rumeur. Elle a été employée comme une arme tactique par les opposants tunisiens qui s’en sont servi en lançant des informations contradictoires et en créant la zizanie entre certains membres du clan Ben Ali. La mobilisation de deux mille membres des services de sécurité tunisiens chargés de surveiller les messages diffusés sur Internet s’est avérée inefficace pour contrer l’action subversive de quelques noyaux d’internautes particulièrement actifs dans les réseaux sociaux.
Orchestrer la rumeur (Ed. Eyrolles) - aide à comprendre le processus « rumoral » en apportant un éclairage à la fois typologique et méthodologique pour cerner les multiples dimensions que peut prendre une rumeur. Cette étude pédagogique de la rumeur est très utile pour décrypter une partie non négligeable des rapports de force du monde actuel, qu’ils portent sur des questions géostratégiques, politiques, économiques, sociales, culturelles et religieuses.
Le travail de Laurent Gaildraud formalise une grille de lecture originale de la rumeur qui permet de l’analyser comme phénomène sociologique mais aussi pour la combattre lorsqu’on en est victime. On se protège toujours mieux de quelque chose que l'on comprend.