Existe-t-il une déstabilisation informationnelle des concombres espagnols ?

Le début de l'année 2012 et le salon international des fruits et légumes Fruit Logistica en février ont été l'occasion de faire un bilan des exportations et de la consommation de fruits et légumes de l'année passée. Le constat est simple : l'ensemble du secteur européen a souffert des répercussions de la crise E-Coli, en premier lieu en Espagne, en France et en Allemagne.
Le 21 mai 2011, une personne portant la bactérie E-Coli décède dans le nord de l'Allemagne. L'épidémie commence. Rapidement, l'Allemagne accuse les concombres espagnols d'être porteurs de la bactérie tueuse. Puis c'est l'ensemble des légumes frais qui sont boudés par les consommateurs, « sauf en Italie, où l'affaire n'a pas été médiatisée » (1). Plusieurs pays européens interdisent l'importation de concombres. Très vite, l'on s'aperçoit que les concombres ne sont pas en cause mais plutôt du fenugrec qui viendrait d'Egypte. Puis ce sont les graines germées biologiques. Mais il est déjà trop tard. En Espagne, les exportations agroalimentaires, alors en nette hausse, chutent de 7% dès le mois de juin. Et l'ensemble de la filière agroalimentaire européenne est déstabilisé. L'épidémie fait au total 30 morts en Europe, la majorité allemands. Les pertes économiques au niveau européen s'élèvent à 600 millions d'euros.
Présents au salon international des fruits et légumes Fruit Logistica, les pays européens n'ont pu éviter le sujet et l'Allemagne a reconnu la mauvaise gestion de l'information. L'Espagne a indirectement accusé l'Allemagne en appelant à une meilleure communication et traitement de l'information au niveau européen. Clara Aguilera, ministre de l'Agriculture andalouse a précisé qu'« un pays seul ne pouvait pas déclencher une alerte sans preuve au seul titre du principe de précaution. Une fois l'alerte ébruitée, la Commission européenne a voulou rectifier en indiquant que celle-ci pouvait venir de partout dans la chaîne de distribution, mais le mal était déjà fait.(...). Il est nécessaire d'avoir une certitude absolue avant de déclencher une telle alerte ».
La crise E-Coli participe également à une autre guerre : bio versus anti-bio. En effet, dans l'affaire E-Coli de 2011, ont été mis en cause les producteurs bio, qui utilisent moins de produits chimiques et laissent donc passer plus de bactéries. La crise a remis au goût du jour les critiques habituelles faites aux agriculteurs biologiques qui se sont sentis agressés : «il y a une tentative de déstabilisation de la filière bio, et nous attendons des soutiens publics», souligne Julien Adda, délégué général de la Fédération nationale d'agriculture biologique (FNAB). Pourtant, la filière bio semble s'être bien défendue et avoir trouvé les arguments en sa faveur.
L'Allemagne et les médias ont parlé trop vite. L'Espagne s'est sentie agressée. Des pays européens se sont affrontés sur le champ médiatique. Des secteurs économiques ont été touchés.  Pourtant, s'il y avait un responsable à montrer du doigt, il s'agirait du principe de précaution. En effet, cette crise est un exemple parmi d'autres de sa mauvaise utilisation. Il peut devenir un véritable danger/arme de déstabilisation s'il est utilisé à outrance.

Sources
fdlhebdo.fr
fructidor.fr/newsdetail.aspx?idn=13958

Notes
1)    M. Jean-François Jacob, secrétaire général de la Sica de Sant Pol de Léon.
2)    20minutes.fr/article/755385/bio-porte-bien-france-malgre-soupcons-souleves-epidemie-ecoli.