La guerre de l’information contre les génériques

Depuis le décret du 11 juin 1999 qui autorise le pharmacien à substituer les médicaments princeps par leurs versions génériques, la guerre fait rage entre pro et anti ! A la différence des autres États européens,  en France les médicaments génériques ne représentent encore en 2008 que 11% des ventes alors qu’ils atteignent 20% en Allemagne et 26% en Grande Bretagne. Sujet technique s’il en est, entre considérations scientifiques, politiques et économiques, le débat se prête à tous les « on dit », les imprécisions, et plus grave, aux contre-vérités. Ces dernières se développant sur un terreau fertile, dont Biogaran fait les frais depuis 2008. Les associations faciles vont bon train dans un contexte où les laboratoires pharmaceutiques voient de nombreuses molécules tombées dans le domaine public. Après une année 2010 positive pour l’industrie du générique, l’heure de la contre-attaque a sonné pour les majors de la pharmacie. Deux lobbys se font face : le Leem (Sanofi, GSK…) et le Gemme (Biogaran, Arrow…). Dernier acte en date, la publication par l’Académie nationale de médecine, le 14 février 2012, d’un rapport nommé « Place des génériques dans la prescription » et massivement relayé par la presse.

Des médias qui ne maîtrisent pas leur sujet, petit florilège de polémiques vaines
Ouverture du reportage de TF1 au lendemain de la présentation du rapport : « ces prescriptions [de génériques] qu’on leur impose [aux patients] », rien n’est imposé, le patient peut demander le médicament princeps, la différence est qu’il doit dans ce cas là faire l’avance du tiers payant. Autre exemple, la conclusion d’un article du Figaro.fr : « Autre question sans réponse: quelles sont les conséquences sur l'apparition de souches résistantes? », quel rapport avec l’utilisation de générique ? Aucun, puisqu’un générique est un médicament dont le brevet est tombé dans le domaine public, il n’est par définition pas adapté en cas d’agents pathogènes résistants à la molécule princeps.
Surtout, les médias, friands de petites phrases, se montrent rapides dans leur lecture du rapport susnommé. France soir introduit ainsi son sujet « La phrase claque dans ce rapport de l'Académie nationale de médecine. Le générique « n'est pas la copie conforme » du médicament original. » Certes, le rapport utilise effectivement cette formulation mais le passage complet auquel il est fait référence et un peu plus nuancé : « Le générique n’est pas la copie conforme de la spécialité princeps. Mais les spécialités génériques sont soumises aux mêmes degrés d’exigences et de qualité que ceux des spécialités de référence. »

Des experts qui peinent à faire la preuve de leur expertise
Autant pour la rigueur journalistique, le rapport lui-même est sujet à ces mêmes raccourcis. Il est fait mention que « l’AFSSAPS a contrôlé, entre 1999 et 2006, 1658 spécialités dont 349 princeps et 1309 génériques. Le taux de non-conformité était de 6% pour les princeps et 9,6% pour les génériques, différence jugée non significative. », ce passage paraphrase l’article de Jocelyn Morisson, d’ailleurs cité comme référence dudit rapport. Ce qui est plus déconcertant est que l’article cité en référence ne cite pas lui-même ses propres références, élément dérangeant dans le cadre de publications à valeur scientifique et politique. Autre point, les chiffres avancés sont effectivement corroborés par une étude de l’AFSSAPS, elle correctement argumentée, qui rend compte d’un point supplémentaire dans le cas d’ « analyses motivées » : « le taux de non-conformités est plus élevé pour les princeps que pour les génériques ». L’Académie nationale de médecine s’avère étrangement partiale et sélective dans ses conclusions…