Ecologistes vs Areva : bataille de mots autour d’un « convoi nucléaire »

Le 23 novembre 2011, un convoi partant de Normandie pour rejoindre l’Allemagne a fait l’objet de toutes les attentions médiatiques. Le convoi était composé de onze wagons contenant des déchets nucléaires vitrifiés à l’usine de retraitement de La Hague pour la ville de Gorleben en Allemagne, site de stockage de déchets radioactifs. Une bataille de mots – ponctuée d’affrontements physiques – a opposé plusieurs groupes se réclamant du mouvement écologiques à l’entreprise Areva et aux forces de l’ordre. Comment l’entreprise Areva a-t-elle pu remporter une victoire décisive dans un contexte pourtant hostile au nucléaire ?

Les groupes écologistes présents en ordre dispersés

Au centre de la contestation, le collectif Valognes Stop Castor (Note 1), composé d’une centaine de militants écologistes radicaux revendiquant ouvertement l’objectif de bloquer le train contenant les déchets nucléaires. Les animateurs du collectif entraineront leurs troupes dans des affrontements physiques avec les forces de l’ordre qui provoqueront des dégâts matériels et tenteront à plusieurs reprises de bloquer physiquement le convoi. Trois personnes seront blessées, un journaliste sera agressé et douze militants seront placés en garde à vue.
Cette position radicale n’était pas partagée par les autres associations écologiques : Greenpeace et Europe-Ecologie Les Verts avaient appelé à manifester pacifiquement à Valognes. L’association Sortir Du Nucléaire et le Syndicat Sud Rail tenait un discours plus ambigu : sans inciter ouvertement à bloquer le convoi, les deux groupes appelait leurs adhérents à protester le long du trajet, alors qu’un arrêté préfectoral interdisait toute manifestation dans un rayon de 500 mètres autour des voies de chemin de fer.

Areva en position défensive
Face à ce regroupement écologiste, le groupe Areva va adopter une position défensive. Les différents communiqués feront état du dispositif de sureté entourant le transport des conteneurs et signaleront la légitimité de renvoyer les déchets nucléaires dans leur pays d’origine, l’Allemagne. Areva manœuvrera pour diviser la coalition écologiste : « Chez Areva, nous respectons toutes les opinions sur le nucléaire. Et il y en a beaucoup qui s'expriment en ce moment. En revanche, nous les condamnons lorsqu'elles s'expriment de façon violente ou malveillante ».
La position d’Areva, en retrait, tout en enfonçant des coins entre les jointures des différents groupes écologistes finira par porter ses fruits. Les militants de Valognes Stop Castor seront accusés de décrédibiliser le combat antinucléaire en prônant la violence et la dégradation d’une voie de chemin de fer tandis que Greenpeace et EELV tiendront un discours inconsistant avec leur lutte contre le nucléaire et seront soupçonnée en soutenir de manière officieuse le blocage du train. Le porte-parole de Greenpeace finira par déclarer à propos des actions de Valognes Stop Castor : « Une ligne blanche a été franchie. Nous ne suivrons pas cette voie ».
Au final, la mobilisation autour du convoi ne parviendra pas à atteindre une masse critique permettant de bloquer le convoi. Les grands regroupements écologistes que sont Greenpeace et EELV se désolidariseront des tentatives de blocage des militants de Valognes Stop Castor et les médias se désintéresseront du sort du convoi dès que celui-ci aura quitté le département de la Manche au soir du 23 novembre. La position défensive et discrète d’Areva a finalement remporté la bataille des mots face à des groupes écologistes divisés et revendiquant des actions violentes largement condamnées.

Note 1 : « Castor » étant le terme utilisé pour désigner un conteneur de produits radioactifs sur rail : CAsk for Storage and Transport Of Radioactive material